Clelia, Ysmé, Osmoze : premier arrêt réussi pour METRO+N, la ligne fictive qui te fait découvrir les souterrains du rap bruxellois
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Auteur·ice : Charly Galbin
16/02/2024

Clelia, Ysmé, Osmoze : premier arrêt réussi pour METRO+N, la ligne fictive qui te fait découvrir les souterrains du rap bruxellois

| Photos : Louise Duquesne pour La Vague Parallèle

« Prochain arrêt : Atelier 210 », annonce une voix inquiétante. Une station fantôme, poussiéreuse et tapissée de câbles XLR, se dévoile à travers les vitres du métro désormais immobilisé. Les rames bondées déversent ses curieuses et curieux sur un quai que seuls trois artistes n’ont pas déserté. Clelia, Ysmé et Osmoze s’affairent ici à leur musique, déterminé·es à casser le plafond de pierre pour accéder à la lumière. Les usagers du METRO+N ne tardent pas à les entourer de cris et d’applaudissements, conscient·es qu’iels viennent d’entreprendre le voyage idéal pour découvrir une scène rap émergente bruxelloise bouillonnante.

« Le METRO+N est le secret le mieux gardé de Bruxelles » nous souffle-t-on lorsque nous arrivons dans la salle de l’Atelier 210, à l’est de la capitale européenne. Si cette ligne de métro créée de toute pièce par CTRL+N, la structure de management et d’évènementiel spécialisée dans le rap, se veut fictive, la scénographie mise en place se présente comme réaliste et immersive : un arrêt de métro en métal estampillé « Atelier 210 » en guise de DJ Booth, deux rangées de sièges comme ceux qu’on trouve sur les quais et une animation 3D sur l’écran géant qui nous fait tourner à 360° dans les tunnels sombres empruntés par ces trains souterrains.

© Louise Duquesne

Je m’agrippe à la barre alors que de douces secousses se font ressentir lorsque Clelia apparait sur scène, dos au public. La chanteuse belge se retourne pour entonner Première fois devant des visages souriants de découvrir cette voix suave et clémente qui se fait entendre sur scène pour la deuxième fois seulement. Pas moins à l’aise sur celle-ci, elle danse comme son blaze sur l’écran géant, en mimant des coups de genoux pendant que les voix féminines de la fosse s’époumonent en réaction à son « les filles sont bien plus cools que les garçons ».

© Louise Duquesne

La prod saccadée et dansante de C’est marrant résonne quand une serveuse débarque sur scène pour s’y ancrer stoïquement, plateau en main. En plein morceau, Clelia s’empare de la gaufre qui l’attend avant d’en décrocher une bouchée pleine de chantilly et de continuer à chanter. C’est marrant, et depuis la fosse, on apprécie que la scène soit ce soir usée de tout son potentiel théâtral. Clelia continue de régaler de ses danses et chorégraphies, comme lorsque c’est allongée sur le dos qu’elle délivre Lou, un morceau grave mais libérateur pour les femmes harcelées dans la rue.

Parfois accompagnée d’un guitariste, d’un mystérieux backeur masqué ou de Palaster pour son feat Portés par les ondes, Clelia assure un show porté par une interprétation sincère et une présence scénique tentaculaire. Dès que sa voix s’élève, ses pas se lèvent, on se dit que celle qui se dit marquée par Stromae a tout d’une icône pop moderne, comme lorsqu’elle reprend le refrain du tube TudoBem. Les usagers du METRO+N finissent par scander son nom alors qu’elle leur promet pour bientôt son premier projet. Ce soir, personne ne risque d’oublier l’énergie de celle qui est promise à un futur à l’image du top qu’elle portait ce soir-là : brillant.

© Louise Duquesne

À peine le temps de me désaltérer sous les têtes de réverbères jaunes, roses et violettes du bar de l’Atelier 210 – le décor est définitivement très urbain ce soir – que Nico de CTRL+N rameute de sa voix la foule pour le prochain concert.

© Louise Duquesne

« Vous pouvez remplir le trou de l’embarras là » nous conseille-t-elle lorsque nous redébarquons dans la salle, entre deux découpages de prods sombres, lentes et lancinantes. Très expressive sur scène et saluant le travail de scénographie, on apprend que Ysmé est une artiste totale puisqu’elle est comédienne en plus de chanter et rapper. L’augure d’un bon moment.

© Louise Duquesne

Dans une énergie nonchalante parfois, sur des prods souvent inquiétantes, Ysmé varie les flows, jouant de sa voix puissante ici, de son phrasé rapide là. Ysmé rappe comme Eminem et chante comme Beyoncé, si bien qu’on se prend les pieds dans son univers musical même si on ne comprend pas les paroles chantées en flamand et en anglais.

© Louise Duquesne

L’artiste bruxelloise enchaine avec Genius sur lequel on a l’impression qu’elle ne fait que parler en rythme de ce synthé et beat pop qu’elle a co-produit. Un univers musical singulier se déploie devant nous comme le papillon au printemps, où Ysmé se balade de tous ses flows et de toutes ses langues sur des instrus qui semblent pourtant indomptables. On ne peut coller plus à l’ambiance de la capitale de l’Europe, dans les rues de laquelle on se voit bien, un lundi matin, lutter contre la morosité qu’accentue la pluie grâce à WATERDICHT et sa prod pesante dans les oreilles.

Après avoir distillé un cours de flamand au public qui rentrera chez lui en sachant dire « je mange volontiers des donuts », la rappeuse assoit son talent en rappant son dernier Limieten avant d’asséner un joli a capella. Le tout se termine sur les denses basses de son premier tube Orange Juice devant des usagers ravis d’avoir pour une fois payé leur ticket de métro.

© Louise Duquesne

Du matos s’installe sur scène quand Nico de CTRL+N prend la parole pour rappeler que ce soir n’est que le premier arrêt d’un voyage long de quatre autres escales, toutes destinées à faire découvrir les souterrains du rap bruxellois, qu’il n’est pas difficile de trouver, nous dit-il, tant la scène locale émergente est foisonnante.

La preuve avec Osmoze, le dernier artiste programmé ce soir, qui s’installe sur scène entre son DJ muni de baguettes de batterie électronique et son claviériste. Le public découvre la belle voix de celui qui, sous son chapeau, rappe depuis 2016. Piochant autant dans Remède, son album sorti en 2022 que dans son BLEUminuit, 4 titres sorti en 2023, Osmoze montre d’abord son côté sombre et mélancolique, comme sur le piano d’Arc-en-ciel.

© Louise Duquesne

Les soldats de l’artiste infiltrés dans la fosse se réveillent aux premières notes de Mauvais rôle avant qu’Osmoze chante « bloqué dans Nostalgie », dévoilant définitivement son côté triste qui se marie parfaitement à sa musique aux inspirations soul et R&B. Le public le supplie alors il répond « on n’arrêtera pas de chanter », sur Plan B, un feat avec Peet.

L’ambiance devient joyeuse quand la foule souhaite « joyeux anniversaire » à Kanif, apparu sur scène pour interpréter cette jolie trap mélodique avec Osmoze, Guerre au monde. « Tu vas me couper l’autotune, on va faire du rap », s’énerve maintenant le rappeur. « BLEU MINUIT » tapisse l’écran géant quand la prod intense de Chrysanthème fait résonner sa drum n bass désenchantée dans l’Atelier 210 sur laquelle Osmoze et CRC débitent. Quel morceau.

Celui qui s’apprêtait à faire la première partie de Swing quelques jours plus tard à l’Ancienne Belgique remplace son chapeau par une casquette et fait dessiner le premier cercle de la soirée dans la foule. Celui-ci explose quand Osmoze lâche Tout gâcher, nouveau morceau aux accents drum n bass sorti en janvier dernier, et qui se fait une belle place dans nos playlists de début d’année.

© Louise Duquesne

Le chanteur semble pourtant ne pas savoir se détacher d’une pesanteur de vivre. « Aucun remède » crie-t-il sur Lettre à moi-même, mais « demain ça va aller demain tout va aller », préfère-t-il se rassurer. La musique se poursuit alors qu’il s’en va nous laissant en larmes de cette fin dramatique. Heureusement, le bpm de Tout gâcher vient nous consoler une deuxième et dernière fois.

© Louise Duquesne

On reprend le METRO+N en ayant apprécié la qualité scénographique et programmatique de ce premier arrêt définitivement réussi. La suite ? JOW, Boa Joo et lazza gio. Éloignez-vous de la bordure du quai.

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