Clément Leroux : J’ai envie que l’on me considère comme un musicien à part entière
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
03/10/2020

Clément Leroux : J’ai envie que l’on me considère comme un musicien à part entière

Plus personne ne peut en douter, la Belgique est une terre très fertile en matière de producteurs de musique électronique. La preuve encore aujourd’hui avec Clément Leroux qui signe son tout premier album, Circle Line. Initialement prévu en début d’année, le projet était voué à retentir fort sous les chaleurs de l’été. Il apportera finalement un rayon de soleil dans le ciel d’automne. On s’est entretenu avec ce multi-instrumentaliste français adopté depuis ses plus jeunes années par le plat pays. 

La Vague Parallèle : Salut Clément ! 2020 aurait dû être une véritable année charnière pour toi, est-ce que le report de l’album a un peu changé la donne ?

Clément Leroux : Je ne pourrais pas dire oui ou non parce qu’au final c’est comme ça que cela s’est passé, on vit avec. Mais je pense que clairement, l’album devait sortir début de cette année, en février, et pour moi l’été 2020 devait être déterminant. Mais bon, c’était l’été 2020, on verra si l’été 2021 le sera plus.

LVP : C’est un album très ensoleillé, très good vibes, ce n’est pas bizarre de le sortir en automne ?

C.L : Ce qui est drôle dans cet album, c’est que je joue vachement sur le concept de « cruise », le fait de voyager, de se sentir assez libre. Le début de l’album est un peu plus dreamy, t’as l’impression que t’es sous l’eau, il y a de la nostalgie, du calme. Il y a une transition qui s’opère dans le morceau Cruise, avec les harmonies où tu sens le soleil qui arrive et à partir de là c’est vraiment une autre ambiance quoi. C’est pour ça aussi que j’aime bien représenter l’album avec une demi-lune, où l’on voit une partie un peu dark et une autre partie éclairée.

LVP : C’est donc clairement de la musique à écouter en road trip pendant les vacances ?

C.L : Carrément ! Une des choses les plus importantes pour moi dans la vie de tous les jours, c’est le chill. Il faut qu’il y ait une vibe. T’es dans une voiture, la musique est déterminante, ça fait tout. Pareil quand je suis chez moi, j’adore mettre des petits vinyles et une petite vibe avec un magazine, une petite bougie qui sent bon et je suis parti. Et c’est comme ça que je vois ma musique. Il faut que ça donne envie de faire quelque chose.

LVP : On sent dans cet album une influence du piano et de la guitare, que tu joues depuis tout petit, mais aussi d’autres artistes, avec un style qui pourrait s’apparenter à un Lost Frequencies à ses débuts, tu es d’accord ?

C.L : Tout le monde va voir quelque chose de bien spécifique. C’est vrai que Lost Frequencies m’a pas mal influencé, ça se rapproche. Je n’y avais jamais vraiment pensé. Après, libre à tout le monde de penser ce qu’ils veulent, moi je ne le prendrais jamais mal. Sauf si tu me dis que ça ressemble à Gangnam Style, là je vais avoir un problème (rires).

LVP : Tu penses toujours rester dans cette ambiance deep-house/pop/indie, ou bien tu t’imagines voyager un jour vers d’autres styles ?

C.L : Pour être honnête, je suis en train de réfléchir à la direction du prochain album. Mais je suis vraiment encore dans cette vibe indie-rock, presque plus qu’électro en fait. À l’avenir, j’ai vraiment envie qu’on me considère comme un musicien à part entière. Il y a encore des gens qui me disent que je suis DJ, mais je ne me considère pas DJ. Pour moi, c’est un autre art. Un DJ c’est Carl Cox, c’est le mec qui va tenir quatorze heures dans un club à Ibiza. Je suis incapable de faire ça, par contre ce que je peux faire c’est me ramener avec ma guitare et mon piano sur scène et jouer mes musiques. Ce que j’aime, c’est montrer comment j’ai fait la musique dans le studio. C’est comme ça que je présente les choses sur scène. Dans le long terme, je me vois très bien avec un vrai groupe et me la jouer un peu à la Tom Misch ou Tame Impala.

LVP : On retrouve un morceau avec ta sœur dans l’album, Free. C’était une évidence de l’inclure dedans ?

C.L : Complètement. J’aurais été très triste de pas en faire une avec elle. Pour être honnête, la chanson a été faite super rapidement. On avait une opportunité pour un projet avec Armada mais ils nous ont averti qu’ils avaient besoin d’une chanson dans les prochaines 24 heures. Je suis parti dans le studio, j’ai commencé à faire un truc qui a donné Free. J’ai appelé ma sœur et je lui ai demandé de chanter. À la base j’avais envie de chanter mais je me suis dit que le projet était plus pour les « teenage girls » donc c’était parfait pour Chloé. Elle a chanté dessus, on a décidé de le garder et c’est devenu la track la plus importante de l’album, sentimentalement parlant. J’aime beaucoup cette musique parce qu’il y a le côté très road trip, très summer. T’as envie de danser, d’aller courir et faire tes valises. Puis t’as la deuxième partie de la chanson qui est plus piano, que j’ai conçue particulièrement pour le live. Tu sens que ça monte et ça ne fait que monter en fait. Je l’ai jouée plusieurs fois en live avec Chloé et les gens n’en ont dit que du bien donc je suis trop content.

LVP : On sait que c’est ton oncle qui t’a donné la fibre musicale. Le projet est donc une belle histoire familiale.

C.L : C’est clair que je dois tout à mon oncle. C’est lui qui m’a inspiré à commencer le piano. Il était lui-même un pianiste très doué et quand je le voyais ça me donnait trop envie. Il m’a inculqué les premières notions, après j’ai suivi des cours, que j’ai arrêtés pour continuer en solo. C’est lui qui m’a présenté le logiciel Logic aussi.

LVP : Tu es né en France, mais tu vis à Bruxelles actuellement. Tu es tombé amoureux de la Belgique ?

C.L : Je suis complètement amoureux de la Belgique. Je suis arrivé lorsque j’avais trois ans et j’ai vécu à Tournai toute ma vie. Donc ça va faire vingt ans que mes parents ont déménagé en Belgique. Forcément, ça a une grande place dans mon cœur. Tournai, c’était la première étape de ma vie. Après, il y a eu Londres, et maintenant c’est Bruxelles. C’est aussi ce dont j’aime parler dans ma musique, les relations humaines et amoureuses qui m’inspirent le plus. Quand je suis allé à Londres, c’était un choc social pour quelqu’un qui a passé dix-huit ans de sa vie à Tournai. Mais pour le mieux.

LVP : Après avoir écrit ton album à Londres, tu es venu à Bruxelles. C’est par amour de la ville ou pour te rapprocher du monde de la musique ?

C.L : Pour plusieurs raisons. La première, c’est que j’avais fait mon temps à Londres. J’y ai fait mon premier album, Circle Line. Donc le chapitre « London » était terminé. Il me fallait donc de nouveaux projets et je réfléchissais à une nouvelle capitale où emménager parce que je venais de signer avec Armada. C’était soit je partais à Paris, mais Paris et moi, on ne s’entend pas trop bien. À Londres, les gens sont hyper ouverts d’esprit, les gens sont hyper contents de te voir, ils n’en ont rien à faire de ce à quoi tu ressembles. À Paris, tu dois mettre chemise – cravate pour acheter un croissant. C’est un autre état d’esprit. Et assez naturellement, quand je suis rentré de Londres, j’avais un de mes meilleurs potes qui travaillait ici, en plus de tous mes potes de Tournai qui y sont aussi. Donc j’ai commencé à sortir à Bruxelles, j’allais à La Cabane, ils n’y passent que de la disco, c’est trop bien. Tous les week-ends j’y allais. Donc je me suis dit qu’il fallait que je prenne un appart ici et j’ai emménagé. Je suis à une heure d’Amsterdam, une heure et demie de Londres, avec Zaventem je peux facilement aller aux États-Unis, enfin je pouvais (rires), c’est hyper pratique.

LVP : Un autre moment fort dans ta carrière, c’est ta rencontre avec ton manager actuel, Joshua Erenstein. Quel a été son impact ?

C.L : Il a eu un impact sur tout. La façon de penser, de planifier la carrière, d’être patient. Moi à l’époque, à dix-huit ans, j’avais envie de tout bouffer direct. J’ai fait plein d’erreurs à aller trop vite, à vouloir faire trop confiance aux gens. Lui, il est là derrière et me dit « We’re gonna make it mais on ne va pas make it l’année prochaine » en fait, « Dans cinq ans tu perces ». Il a été vraiment déterminant dans ma carrière, c’est lui qui a chassé Armada et c’est lui qui fait les relations entre eux et moi. Musicalement, c’est également un peu mon pote. Je suis bon en anglais mais ce n’est pas non plus ma langue maternelle. Et vu que j’écris en anglais, je commence en écrivant des petites démos que je lui envoie. Il change des trucs, et en gros il écrit avec moi les paroles.

LVP : C’est aussi lui qui t’a propulsé jusqu’à signer chez Armada ?

C.L : Oui, c’était une idée commune mais c’est grâce à lui. Il a pris un avion pour aller les voir, il se bougeait vraiment les fesses et c’est trop bien de faire ça. En plus, je suis son seul artiste, il n’a aucune envie pour l’instant de signer qui que ce soit d’autre. Pourquoi pas nous-mêmes commencer un truc plus tard, un label du style Pardon My French, mais d’abord j’ai envie d’avoir une certaine renommée.

LVP : Armada, c’est surtout un label qui t’offre une fenêtre sur le monde.

Carrément, on est super content d’être chez eux, ils nous aident vachement, nous apportent aussi beaucoup de légitimité… Grâce à eux il y a beaucoup de choses qui se passent. Puis on s’entend super bien, on voit vraiment cette relation à long terme.

LVP : On a pu aussi te voir chanter des covers, sur Instagram notamment, c’est une autre passion à côté de la production ?

C.L : Oui, c’est vraiment pour le fun en fait. C’était d’abord pour avoir du contenu, pour faire un truc drôle et puis aussi pour un peu montrer ce dont je suis capable. Et que les gens comprennent que je ne suis pas DJ. Insister sur le fait que je suis musicien.

 

 

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LVP : Il y a une véritable tendance à revenir à la musique live, même pour les DJs. Montrer qu’on est producteur et qu’on ne passe juste pas des disques ?

C.L : Complètement. Quand je suis arrivé à Londres, c’était déjà mon intention de laisser tomber le DJing et d’aller vers le live. Je sentais qu’il y allait avoir ce mouvement où les DJs allaient de plus en plus, pas disparaître, mais laisser la place au live. Et puis personnellement, je préfère être sur scène et donner du spectacle aux gens que d’être derrière des platines. Avec mon style musical, c’est beaucoup moins attractif. Venir avec ses instruments, avoir une interaction avec le public, je trouve ça beaucoup plus intéressant.

LVP : Quels sont tes objectifs lorsque le monde tournera un peu plus rond ?

C.L : J’espère déjà qu’il va revenir à la normale. Je pense qu’on va quand même garder des marques dans nos comportements, mais pas pour le plus mal. Genre quand on arrive au restaurant et qu’on doit se laver les mains, je trouve ça bien. Mais mes objectif, là, à court terme, ce serait de faire une première tournée pour Circle Line et faire le deuxième album. Et dans le long terme, ce serait de faire des tournées de Zénith, avec mon vrai groupe, faire un peu la rockstar quoi. Si tu me dis aujourd’hui que dans cinq ans il y a 40 000 personnes qui vont acheter un ticket juste pour venir me voir, je commence à pleurer (rires).

LVP : D’ailleurs, est-ce qu’il y a des salles que tu rêverais de remplir ou des festivals que tu rêverais de faire ?

C.L : J’aimerais trop remplir Forest National, ici à Bruxelles. Ce serait carrément mythique. Ou même le Sportpaleis d’Anvers, ce serait incroyable. Le Stade de France aussi, La Défense, comme DJ Snake a fait, mais avec un vrai groupe. Et en termes de festivals, Coachella, sans hésiter. Je n’y ai jamais été et j’aimerais trop. Et en plus local, j’aimerais faire Tomorrowland, mais vu que c’est local, ce n’est pas aussi mythique que Coachella, qui est le rêve ultime. Je vois encore les Daft Punk sur leur pyramide… J’aime aussi leur ambiance, avec des très gros artistes mais en laissant la chance à des plus petits. Oh et j’aimerais bien faire Dour aussi ! Que ce soit Dour ou Tomorrowland, je n’y suis jamais allé. J’ai une espèce de fierté de merde où je me dis que je ne fais aucun festival si je ne joue pas avant dedans.