Comment Jazzy Bazz s’est mis le Botanique dans la poche
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Auteur·ice : Augustin Schlit
19/03/2023

Comment Jazzy Bazz s’est mis le Botanique dans la poche

Photo | Julien Vermeiren

En 2023, le rap a beau se trouver sur le toit du monde musical occidental, il est loin d’être exempt de défauts. D’aucun·es pourraient même pousser l’analyse jusqu’à la réflexion que ce statut hégémonique le rend sujet à pas mal de frasques liées à un excès de confiance en soi. En d’autres termes, un bon paquet de rappeur·euses ne voient pas trop pourquoi ils devraient se prendre la tête à proposer une expérience live de qualité alors qu’ils remplissent des salles sans le moindre effort. Ici il ne sera pas question d’étudier en long et en large les raisons de ce manque d’investissement (d’autres le font très bien), mais de réaliser que ce triste constat n’est pas pour autant une fatalité. Et pour s’en convaincre, quoi de mieux que de se rendre au Botanique le 1er mars pour le concert de Jazzy Bazz ?

À l’échelle temporelle du rap, Jazzy Bazz est presque ce que l’on pourrait appeler un vétéran. Certes, il a pu profiter des bases solides laissées par les premières générations du rap en France, mais il ne s’est pas pour autant vu dérouler le tapis rouge médiatique dès son entrée dans le game. En effet, il a fallu pas mal d’années, de sueur et de guet-apens journalistiques avant que lui et ses copains de l’Entourage cessent d’être ouvertement méprisés par les représentant·es de la culture avec un grand C.

Photo | Julien Vermeiren

Si cette remise en contexte fait à peu près sens ici, c’est qu’on peut se dire que le parcours semé d’embuches des artistes de la génération de Jazzy Bazz n’a pas eu que des inconvénients. Alors on vous voit venir, non, l’idée n’est pas de faire l’apologie de la méritocratie, mais plutôt de reconnaître les bienfaits d’une carrière qui a pris le temps de se construire sur des bases solides afin de proposer une démarche artistique aboutie et dépassant l’épreuve du temps. Car c’est exactement ça que nous a offert Jazzy Bazz lors de ce concert. Le déploiement généreux d’une discographie riche, sincère et cohérente.

C’est avec déjà beaucoup d’enthousiasme que la salle, plutôt bien remplie pour une première partie, accueille EDGE. Il faut dire que ce dernier n’est plus vraiment un rookie, comme en témoignent ses honnêtes 300.000 auditeurs mensuels sur Spotify, tout comme son carnet d’adresse déjà bien fourni. Tout à fait à l’aise avec son job de chauffeur de salle, le Parisien envoie tout ce qu’il a en 30min chrono avec une maîtrise de la scène plus qu’appréciable. Le taf est carré, le public est acquis, mission accomplie.

Photo | Julien Vermeiren

Désormais dans les meilleures conditions, tout le monde attend avec impatience l’arrivée de l’attraction principale de la soirée. 21h tapante, les néons bleu pâle qui parcourent la scène s’illuminent, plongeant instantanément la salle dans l’atmosphère idéale pour recevoir les premières notes de P-Town Blues. Il faut bien l’admettre, on aurait du mal à imaginer une meilleure entrée en matière. En effet, peu de titres résument aussi bien l’univers du Parisien, fait d’errances nocturnes généreusement arrosées au spleen. Rien ne sert de courir. En maître de cérémonie aguerri, Jazzy Bazz prend son temps, et consacre le premier quart du show à poser l’ambiance avec certains des titres les plus contemplatifs de son dernier effort. C’est également l’occasion de jauger son public, qui le lui rend plutôt bien il faut l’avouer.

      Photos | Julien Vermeiren

Une fois les premières civilités échangées, on comprend qu’il est temps de passer aux choses sérieuses quand notre hôte est rejoint sur scène par deux backers de poids en les personnes de EDGE et Esso Luxueux, dont on pu constater l’efficacité quelques minutes plus tôt. Première bastos et changement palpable d’énergie avec Zone 19. Ça commence doucement à bouger, l’occasion d’enchainer sur quelques morceaux issus de Private Club, leur projet collaboratif sorti en 2021. Et oui, l’ami Jazzy a beau s’épanouir en son nom propre, on constate vite qu’il se nourrit de l’énergie du collectif, et n’a aucun souci à laisser les autres profiter de la lumière. Il va même jusqu’à laisser Esso présenter un de ses titres en solo. Une preuve d’humilité qui se confirmera d’ailleurs une nouvelle fois dans la deuxième partie du concert, avec l’intervention d’un autre de ses collaborateurs privilégiés, robdbloc. Et comme si tout ce beau monde de suffisait pas déjà, c’est nul autre que notre JeanJass national qui nous gratifie de sa présence pour interpréter le lancinant Truman Show, extrait de son excellent projet Doudoune en été. Quand on vous dit que le gars est généreux…

Avec tous ces temps forts, c’est à peine si on voit filer ces 90 minutes passées en si bonne compagnie, à retracer les moments forts d’une discographie décidément impeccable. Avec une setlist extrêmement bien pensée, des invités de qualité et une maîtrise de la scène admirable, Jazzy Bazz nous a prouvé sans équivoque qu’on a encore le droit d’attendre du rap de vrais beaux moments de scène.

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