Comment Lil Nas X a volé Noël avec son banger Holiday
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
15/11/2020

Comment Lil Nas X a volé Noël avec son banger Holiday

Si à l’approche des festivités noëlesques la musique s’est longtemps résumée au All I Want For Christmas de Mariah Carey, l’artiste américain Lil Nas X vient bouleverser l’histoire. Après avoir volé à la diva son trône au haut des charts américains en cumulant 17 semaines consécutives en tête du Billboard Hot 100 avec le désormais classique Old Town Road, le phénomène le plus inopiné de la pop culture s’apprête à dévoiler un debut album tant attendu. Et son premier extrait Holiday vogue sur du queerness, du hook en profusion et une dose malicieuse d’égotrip. 

Deux jours après sa sortie, le clip de Holiday comptabilisait déjà plus de 10 millions de vues sur Youtube, confirmant ainsi le statut de record breaker de Nas X. Un visuel complètement déjanté dans lequel l’artiste se glisse dans la peau d’un Père Noël futuriste, misant sur un humour décalé et un sens aiguisé du buzz : les ingrédients sont sélectionnés avec soin. Rendu célèbre du jour au lendemain suite au succès éclair de son tube Old Town Roadle jeune Montero Lamar Hill (de son vrai nom) tout juste âgé de 21 ans est symptomatique d’une industrie musicale régie par les lois impartiales du viral. Alors que ses débuts trouvaient en la fraîcheur de son buzz une protection compacte, il est l’heure pour lui de faire ses preuves sur le long terme, notamment avec un premier disque attendu au tournant par beaucoup. Et plutôt que de laisser ce parcours atypique lui faire pression, Lil Nas X embrasse les préjugés à son égard et les cultive dans des bangers irrésistibles, à l’instar de ce Holiday riche en connotations grinçantes et plaisantes qu’on vous compile ci-dessous.

 

I might bottom on the low, but I top shit

Dans le jargon LGBTQI+, un bottom est généralement la personne qui, lors du rapport sexuel, est réceptacle d’un acte pénétrant. Une allusion à son homosexualité assumée en juin 2019 et dont il affirme les couleurs haut et fort. C’est par son titre C7sure (You Like) présent sur son premier EP 7 qu’il dévoilait subtilement ses true colors comme le diraient nos cousin·es ricain·es : “Ain’t no more actin’, man, that forecast say I should just let me grow. No more red light for me, baby, only green, I gotta go.” 

Et s’il est important de ne pas laisser sa sexualité le définir, il est tout de même nécessaire de souligner l’audace et le mérite qu’a un artiste masculin du monde du rap qui exprime et célèbre son identité queer. Un monde qui, et les exemples ne manquent pas, est souvent associé (à raison) à une certaine culture homophobe. Ces dernières années, on a ainsi vu fleurir ça et là des pionniers du genre hip-hop aborder de près ou de loin leur homo/bi-sexualité. On pense ici à Frank OceanCakes Da Killa ou encore Zebra Katz qui représentent cette génération de rappeurs queer qui cassent les codes. Kevin Abstract, auteur de l’excellent Arizona Baby en 2019, confiait qu’il “continuerait de produire du rap sur le fait d’être gay aussi longtemps que ses fans auront besoin d’une voix pour en parler.” 

Avec cette punchline, Lil Nas X semble affirmer que sa sexualité ne l’empêchera pas d’atteindre des sommets (“but i top shit”) comme il pouvait le penser avant le succès de son Old Town Road, décidant à l’époque de ne pas dévoiler cette facette de son identité de peur qu’elle ne lui porte préjudice. Le jeune artiste a fait du chemin  depuis, et est fin prêt à se dresser en porte-drapeau de la cause LGBTQI+, conscient du rôle-clé qu’il a à jouer depuis sa position. Un sujet brillamment traité dans son entretien avec le quotidien britannique The Guardian d’avril dernier.

Man, I snuck into the game, came in on a horse
I pulled a gimmick, I admit it, I got no remorse

Si les rythmes ultra-catchy du musicien n’ont rien de foncièrement révolutionnaires, Lil Nas X n’a jamais prétendu le contraire, ni voulu le laisser croire. En restant transparent sur son ascension fulgurante, l’artiste a toujours assumé le côté pop de ses compositions dans le sens où leur vocation est de plaire au large public. Ainsi, la présence de gimmicks accrocheurs et de toplines accessibles et entêtantes se justifie aisément dans cette volonté de produire un son qui s’approche facilement.

Une philosophie musicale qui lui vaudra la connotation d’industry plant (pur produit des labels sans véritable mérite, ndlr.) Mais encore une fois, plutôt que de se laisser envenimer par le bad buzz, Nas X (maîtrisant les codes des Internets comme personne) parviendra à renverser la situation en trollant ses détracteur·rices à l’aide d’un seul tweet. Simple, direct, du génie.

Switch the genre on you hoes, do a rock hit […]
Pop star, but the rappers still respect me

S’il y a bien une caractéristique qui mérite qu’on s’y attarde dans l’univers musical de Lil Nas X, c’est forcément sa fibre éclectique. C’est d’ailleurs ce qui valu à Old Town Road la visibilité qu’on lui connaît aujourd’hui : le morceau parvenant à associer le rap et la country, deux mondes que tout semblait opposer. Deux mondes qui s’avèrent également être les deux genres les plus prisés du public américain, témoignant une fois encore de la finesse stratégique du rappeur dans sa course au succès. Il l’affirme ici (“switch the genre on you hoes”), il passe d’un style musical à un autre sans peine, capable notamment de pondre des pépites rock (avec Bring U Down et F9mily, par exemple).

Une curiosité musicale qui s’agglomère toujours autour d’un esprit résolument pop qui lui vaut des morceaux efficaces souvent propulsés au haut des charts. Et si Holiday marque un retour en force pour le jeune phénomène, il nous tarde de découvrir le reste de son premier disque qui, on l’espère, confirmera le statut de légende dont il peut déjà se vanter.

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