On vous avait déjà parlé de Kowtow Records, ce label nocturne qui réussit à combiner cohérence et diversité dans son roster. Il y a quelques semaines, Sébastien Forrester sortait une transe effrénée, saccadée, inspirée de rituels gnaoua. Tout aussi mystique mais diamétralement opposé, on découvre cette-fois ci Corpus, le voyage intérieur en apesanteur de Malvina Meinier.
Autant vous prévenir d’emblée : si Kowtow Records est un label de réputation électro, Corpus n’a rien de l’EP qui va vous faire danser jusqu’au bout de la nuit. En revanche, il fera une toile parfaite sur laquelle étaler ses émotions en arrivant chez soi à l’aube. On peut d’ailleurs considérer ce projet comme l’antithèse de l’électro, tant les sons qui en émanent sont purement organiques. Outre les voix angéliques qui forment l’instrument principal, les orgues chaleureux ou la douceur des cordes et des pianos, ce sont des bruits in utero comme des samples de fluides ou des battements de cœurs qui créent la texture si particulière du disque.
Corpus, c’est une aventure intérieure à écouter de manière chronologique. Elle débute avec la bien-nommée Birth, à l’ambiance christique. Que ce soit par les harmonies angéliques ou la profondeur d’un orgue, Malvina Meinier développe un univers qui transporte et élève, un formidable cocon ouaté sur lequel déposer sa voix haut-perchée. Une chanson en deux parties, d’abord un acte d’amour puis un acte de naissance avec l’apparition de ces textures in utero qui annoncent la couleur pour la suite.
On se permet d’insister sur la nécessité d’écouter cet EP d’une traite et dans l’ordre pour bien le comprendre. L’artiste alterne les moments d’oppression où les arpégiateurs se font lourds, abrupts, inquiétants, et ceux de libération où les mélodies vocales à la Aurora se mélangent à des pads cotonneux. Une dichotomie perpétuelle dont Flesh est un parfait exemple. Les morceaux s’enchaînent comme des mouvements d’une pièce classique. Birth, Blood, Malady, Flesh, Nerves. Une odyssée qui s’achève donc par la ballade Nerves au vocodeur délicieux dont on était déjà tombé amoureux lors de la parution de la compilation célébrant la première année de Kowtow Records. On se retrouve flottant en apesanteur dans une mer rose nacrée, se laissant porter au gré des courants formés par les notes de pianos qui jaillissent et rebondissent.
Un univers qui ressort particulièrement bien en live, avec notamment une session numérique qui a su chatouiller les oreilles de Clémence, camarade parallèle dont voici la réaction :
“La brise Malvina Meinier met à nu les pierres de l’Église du Gesu, Birth infiltre ses murs. L’actuel se frotte à l’ancien temps. Tous deux unis. L’un émet, l’autre porte, suspend. Comme l’impression que la genèse se joue de nouveau. L’organe cogne, celui du petit enfant. Des rondes internes. La lueur dans la pénombre figure le phénomène. Graduellement, l’immense des cuivres vint rompre l’intime. Ce lieu divin n’était plus jusqu’à ce que la jeune cheffe d’orchestre n’ouvre la paume et n’engage son propre psaume, au 22 bis rue des Fleurs, vingt trois mètres sous voûtes, Toulouse. Le grand orgue veille. Les piliers dévoilent pudiquement leurs motifs. Le chêne du maître-autel doit diffuser son parfum boisé et peut-être que Björk s’est allongé au dernier rang. Notre poitrine cesse ses va-et-vient.”
Un projet profondément personnel, intrigant, singulier, qui certes ne séduira peut-être pas tout le monde, mais qui en passionnera beaucoup à coup sûr. Malvina Meinier s’offre une respiration au milieu du rythme effréné de Paris. On la suit avec plaisir dans un état irréel, une apesanteur inexplicable, une mise hors du temps. On vous laisse y jeter une oreille. Fermez les yeux, allongez-vous. Bon voyage intérieur à tous·tes.
Petit, je pensais que Daniel Balavoine était une femme. C’était d’ailleurs ma chanteuse préférée.
