Crystal Murray : « Avec ma musique, j’ai réussi à accepter mon corps, ma sexualité et en faire un cri de guerre »
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Auteur·ice : Laura Marie
14/11/2021

Crystal Murray : « Avec ma musique, j’ai réussi à accepter mon corps, ma sexualité et en faire un cri de guerre »

Elle est décrite comme la révélation Soul/R&B. Pourtant, Crystal Murray ne semble rentrer dans aucune de ces cases. À 19 ans, la jeune artiste parisienne s’impose comme un ovni étincelant dans la scène musicale française. Son premier EP sorti en 2020 n’était qu’une mise en bouche. Un an plus tard, elle choisit de suivre sa personnalité grandissante, son instinct d’artiste touche-à-tout et dévoile une nouvelle ère : celle de l’extravagance, la confiance en soi et de l’éclectisme. À l’occasion du MaMa Festival à Paris, on a rencontré Crystal Murray. Elle évoque justement les étiquettes qu’on lui colle, son rapport à son corps et l’aura qu’elle a construite autour de son prochain projet : Twisted Bases.

La Vague Paralèlle : Salut Crystal ! Tu as sorti ton premier EP en avril 2020, I Was Wrong. Comment te sens-tu aujourd’hui, plus d’un an après ?

Crystal Murray : Je me sens assez bien parce que je pense avoir réussi à acquérir ce que je voulais acquérir avec ce projet. Les chansons de cet EP, je les ai écrites quand j’avais 16 ans. C’était mes premiers pas dans la musique, donc c’est très beau parce que des sons comme Princess et Easy Like Before ont bien marché alors que c’était mes premières chansons jamais écrites. Je suis très touchée, mais en même temps, je n’en veux plus, je ne peux plus les écouter. C’est tellement loin de ma personnalité d’aujourd’hui, qui a grandi, qui a changé. Aujourd’hui, j’ai 19 ans et c’est vrai qu’en trois ans, musicalement parlant j’ai beaucoup évolué. J’ai un peu une relation amour-haine avec cet EP.

LVP : Dans ce projet, on découvre ton univers, qui navigue entre différents genres musicaux : soul, jazz, hip-hop… On te décrit comme la révélation soul, mais tu touches tellement à tout qu’on a du mal à te mettre dans une case finalement. C’est voulu ?

CM : C’est totalement voulu parce qu’à mon âge, je n’ai aucune envie de vouloir faire de la musique pour un genre. On peut dire que c’est parce que je ne me suis pas encore trouvée, ce qui est, je pense, vrai, mais c’est de la recherche. Moi, j’ai toujours adoré les artistes, les voir évoluer. Je pense que les gens qui travaillent avec moi veulent me voir pop maintenant, mais je suis prête à pop plus tard. J’ai envie de juste faire ma musique, celle que je veux jusqu’à ce que je trouve exactement le type de musique que je veux, et après on pop. Ma famille vient du gospel, donc je chante avec mes tripes. J’avais envie de partir de là, et juste de là. C’est ça le type de musique, c’est ma voix en fait. On peut dire que c’est de la soul si on veut parce que ma voix est soul, mais ce serait mal étiqueter ma musique.

LVP : C’est important pour toi, la notion de liberté ?

CM : Depuis que je me suis sortie de cet EP, de ce truc soul et que j’ai commencé à sortir la série HOTEL ROOM DRAMA, je me sens beaucoup plus libre parce que visuellement, je fais ce que je veux. J’essaie quand même de rester accessible, de réfléchir plus. Par exemple, Like It Nasty n’a pas du tout marché en France. Pardon même d’avoir sorti ce son ! Et je pense que c’est parce que la France n’est pas encore prête. Une jeune femme de 19 ans en train de danser dans des lasers, ils sont en mode « Wow, what? ». J’ai essayé de ne faire que moi, mais j’ai compris qu’il fallait que je fasse 50/50.  

 

LVP : Est-ce que tu te sens proche de la scène française ?

CM : I feel weird. Je me sens old school. Même au niveau de mes clips : d’arriver, de me sexualiser moi-même… pour moi je suis un peu old school mais c’est mon truc. Et en même temps, je suis super jeune donc les gens sont en mode « Wow, wow, wow ! ». J’adore ce questionnement que les gens ont sur moi, mais c’est vrai que je n’ai pas spécialement envie d’entrer dans leur moule.

LVP : C’est compliqué pour toi d’évoluer dans cette industrie ?

CM : Pendant longtemps, j’étais en mode rebelle : « On me met dans des cases, j’en ai marre et tout ». Mais je me suis rendu compte que c’était un privilège et je me suis dit : « Si tu joues bien tes cartes, tout ça peut être pour toi ». Quand je me suis retrouvée sur Taratata, j’avoue que je n’étais pas du tout heureuse. J’étais en mode : « I am a Black Beast for White People ». J’étais aussi dans quelque chose où je me trouvais identitairement, je commençais à avoir une communauté. Je ne me suis pas sentie à ma place. Puis après j’ai touché à la SACEM et ok, now I’m an artist. Tu vis de ta musique et tu te dis que c’est quelque chose qui est accessible pour toi. Alors j’ai commencé à monter ma propre équipe, à m’entourer des bonnes personnes et maintenant j’utilise tout ça et je suis très heureuse. Tout le monde a capté qui j’étais aujourd’hui. 

LVP : Quelle image de toi aimerais-tu renvoyer auprès des gens ?

CM : J’ai un peu envie d’être vue comme la Parisienne. « Mais attends, mais tu n’es pas Jeanne Damas », mais si. J’ai envie de me mettre dans un rôle : I’m the cliché of the Parisian girl. Ils ont toujours besoin d’une étiquette. Ils pensaient que j’allais dire que j’étais la nouvelle Kelis mais non, I’m the new French girl. Je m’amuse avec ça. j’ai envie que les Parisiennes ce soit nous aussi, et qu’on ne dise pas : « Elle a des cheveux rouges, she’s a weirdo ». J’ai aussi envie d’être considérée comme normale. Je ne fais pas de la musique bizarre, ma musique elle est pop.

LVP : Et aujourd’hui, tu reviens avec des morceaux qui tranchent avec ce que tu as proposé dans I Was Wrong. Notamment Good Girl Gone Bad, un titre plus sexy, plus audacieux… comment s’est faite la transition entre ces deux ères ?

CM : J’étais en train de faire l’EP que je vais sortir en janvier, et je me disais : « il faut une transition, je ne peux pas juste sortir l’EP comme ça ». Je ne pouvais pas juste sortir BOSS, parce que les gens vont se dire « What the fuck? ». J’avais vraiment besoin d’avoir des sons bonus, des sons avec des featurings, avec ma communauté, comme Thee Dian, une fille que j’aime tellement et qui est signée sur mon label Spin Desire. C’est de ça que la série HOTEL ROOM DRAMA est partie, pour présenter cette nouvelle aura de moi où je n’avais pas juste envie de faire de la musique, mais aussi envie de donner de la force à d’autres artistes. 

 

LVP : Au niveau des visuels, tu adoptes également un autre style, beaucoup plus extravagant, plus confiant…

CM : Ma musique me permet de m’assumer, de m’amuser et de montrer ma personnalité. Par exemple, Too Much To Taste, avec Stephy Galvani ma directrice artistique, on a écrit le clip, on l’a proposé à un réalisateur français et on a tous compris ce qu’on devait faire. On ne devait pas faire quelque chose adapté pour la France, mais un truc assumé complet. Dedans je ramène ma sexiness parce que now I own it. J’ai réussi avec ma musique, je pense, à accepter mon corps, ma sexualité et à en faire un cri de guerre. Je pense qu’il y a des gens qui parleront d’objectification, mais moi je ne le vois pas comme ça, donc si I don’t see it like that, it’s not like that ‘cause I did it. C’est vraiment un cri de guerre genre « Let’s talk about sex, guys! » C’est important pour moi de totalement assumer mon corps. Si je vends quelque chose, It needs to be real. 

LVP : La Crystal des clips, c’est la même dans la vraie vie ?

CM : Elle n’est pas totalement comme ça. La Crystal dans la vraie vie a plein d’insécurités parce qu’elle a 19 ans et qu’elle doute, mais c’est vrai que les clips m’aident à m’assumer complètement : It’s like therapy ! Je laisse les insécurités de côté quand je fais ma musique, quand je suis sur scène. Quand je vois le clip de Too Much To Taste, je me dis : « I wanna be that girl! » Et tu décides un peu de ta personnalité, et tu le deviens bizarrement. Fake it ’till you make it !

LVP : En juin, tu dévoiles Boss sur Colors, tu peux nous parler de cette prestation ?

CM : J’ai bossé cette performance : les mouvements sont tous réfléchis. Je voulais que ce soit hyper slick, que tout aille avec l’instrumentale derrière et les mots. J’ai travaillé avec une movement director et le rendu est très naturel parce que ça vient de mes pas. Ils sont travaillés parce que je voulais que ce soit vraiment robotique, et j’en suis très fière. Boss est le premier single de l’EP. Il est très important pour moi parce que j’ai commencé avec lui et j’ai fini avec un son qui s’appelle Games. Donc il fallait que ce soit le premier qui sorte parce que c’est le premier qui est sorti de moi. C’est via ce son que j’ai trouvé ce que je voulais faire. Au niveau des productions, c’est éclectique, c’est moi. Je vois de la sûreté, mais pas trop, la voix se place, mais elle n’est pas vraiment placée. J’ai trouvé un son qui va partout, dans tous les sens et qui me fait tellement kiffer. 

 

LVP : C’est un véritable hymne d’empowerment ! Tu étais dans quel mood quand tu as écrit ce morceau ?

CM : J’aime prendre soin des gens, et j’aime prendre toutes mes émotions et les donner à quelqu’un d’autre. Quand tu es dans une relation, même si la personne te fait mal et que tu sais que tu es celle qui tient tout – and I felt like I was like that -, je voulais juste me remercier, parce que lui ne le faisait pas. Je voulais me donner une carte, un bon point : « You’re the boss Crystal, you’re the mom ». Quand j’écrivais, je pensais aussi à ma mère, à Stephy, ma directrice artistique qui est une bête de mom, une boss lady. Je pensais à ma copine Thaïs qui a 19 ans et qui manage. Je pensais vraiment à toutes les femmes qui sont des Fucking Boss Lady. Et c’est pour ça que dedans je dis : « I’m a queen, I’m a freak, I’m a vaudoo, I’m a witch ». Quand je dis « I’m a witch », c’est la sorcière qui a été tuée pendant des générations et des générations et regarde comment elle est maintenant, la sorcière. On a toute l’énergie dans nos mains.

LVP : Globalement, on peut s’attendre à quoi de ce nouveau projet ? Tu peux nous spoiler un peu ? 

CM : L’EP s’appelle Twisted Bases. Ce sont les bases de la soul qui sont en moi et que j’ai twistées avec plein d’autres références. Quand je l’ai commencé, je venais de sortir le premier EP, et j’en avais marre des articles qui parlaient de « Jorja Smith française ». Tu as 18 ans, tu n’as même pas commencé ta musique et ils commencent déjà à te comparer. J’ai travaillé avec Loubenski qu’on adore, Sasha Rudy qui a fait I Was Wrong et Timothée Joly. On a retiré les nappes de synthé et on a mis de la drum & bass, de la pop/alternatif, un peu de rock, des mélodies à la Pussycat Dolls et on a hurlé. Je ne réfléchis pas trop, c’est pour ça que c’est aussi éclectique. J’avais besoin d’extérioriser. C’est toute cette sauce-là qu’on va manger. 

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