De la guitare, de l’amour et des bonnes vibes : on a rencontré Papooz
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Auteur·ice : Paul Mougeot
15/04/2022

De la guitare, de l’amour et des bonnes vibes : on a rencontré Papooz

Songwriting à l’ancienne, influences du siècle dernier et prépondérance des sonorités organiques : la musique de Papooz serait presque anachronique si elle n’était pas à ce point taillée pour notre époque. À l’arrivée, ce sont au contraire tous ces ingrédients qui la rendent intemporelle et absolument unique. Et c’est parce que leur troisième album, None of This Matters Now, figure parmi nos favoris de cette année qu’on est parti·es à la rencontre d’Armand et Ulysse pour en savoir plus sur leur histoire et leur manière d’envisager leur art.

La Vague Parallèle : Hello les gars, comment ça va ?

Ulysse Cottin : Très bien, on va au cinéma juste après, tout va bien ! On a des grosses journées en ce moment mais ce n’est pas comme si c’était un travail physiquement éprouvant non plus.

Armand Penicaut  : C’est clair. Là, le truc le plus dur de notre journée, c’est qu’on était du mauvais côté par rapport au soleil (rires) !

LVP : On se retrouve une dizaine de jours avant la sortie de votre nouvel album, None of This Matters Now. Comment vous vous sentez ? 

AP : On a hâte, surtout ! L’album est prêt depuis au moins six mois donc on était pressés qu’il puisse enfin sortir.

UC : En fait, il n’y a pas de stress avant la sortie. On ressent plutôt de la joie et de l’excitation. Le stress, on l’aura avant de monter sur scène parce que ça fait deux ans qu’on n’a pas joué… Et j’espère que ce stress-là, on l’aura toute notre vie !

C’est agréable de se dire que l’album va sortir et qu’on va enfin pouvoir enchaîner : monter sur scène, enregistrer un nouvel album… On avait besoin de nouvelles perspectives, de pouvoir nous projeter. C’est un vrai retour à la vie !

 

LVP : Il s’est passé trois ans entre la sortie de Night Sketches et cet album. Qu’est-ce qui s’est passé pour vous durant ces trois années ? Comment vous avez vécu cette drôle de période ?

AP : On a beaucoup joué et on a eu la chance que la crise sanitaire survienne pile à la fin de notre tournée. On revenait des États-Unis et ça correspondait à peu près à la fin de l’exploitation de notre disque. Du coup, comme on s’était déjà plus ou moins mis d’accord sur l’idée de faire un autre disque rapidement, on s’y est mis chacun de notre côté. On n’était pas du tout confinés ensemble donc on écrivait des morceaux, on s’appelait, on se faisait écouter des trucs…

On a enregistré l’album après le premier confinement, sur deux séances de sept jours, une en mai et une à l’automne. On a enregistré les morceaux en live en gardant les voix leads. Ensuite, on a travaillé un petit mois sur cet album chez Ulysse en ajoutant des synthés, des guitares, des chœurs…

UC : Sur le plan professionnel et artistique, on a eu la chance de ne pas trop être affectés par cette période et d’arriver à rester créatifs. Après, humainement, on est comme tout le monde, c’était dur…

LVP : Avec Night Sketches, vous aviez annoncé vouloir réaliser un disque plus studio, plus produit que votre premier album. Celui-ci amorce un retour vers quelque chose de plus épuré et de plus live. Est-ce que c’est dû à un besoin de se rapprocher de quelque chose de plus vivant, de plus organique à cause du contexte actuel ?

UC : Je dirais que c’est plutôt la suite logique de notre démarche artistique. Quand tu évolues, tu apprends. On s’est pris la tête à faire énormément de retouches sur notre deuxième album et on s’est rendu compte que ça nous avait peut-être fait perdre certaines choses, même si on est très fiers de ce disque. Avec le recul, il y a certaines erreurs qu’on a voulu corriger en changeant notre manière d’enregistrer, surtout en ce qui concerne les voix.

AP : Pour moi, c’est surtout la question de se donner les moyens de son ambition. Il faut être assez machiavélique pour parvenir à réaliser une idée dans un laps de temps déterminé. Là, puisqu’on venait de passer beaucoup de temps à tourner avec notre groupe et qu’on se retrouvait à poil avec des chansons, c’était un peu une évidence pour nous de nous retrouver entre copains pour faire de la musique ensemble. L’idée, c’était de prendre des photos, des instantanés de ces moments qu’on a passés ensemble. Ce n’est pas forcément mieux ou moins bien, c’est juste un procédé différent.

En revanche, en termes de vibes, c’était effectivement essentiel pour nous de nous retrouver ensemble dans une pièce pour faire de la musique, même si c’est un mode de production qui n’est plus vraiment à la mode en ce moment. On a eu envie de faire un album de groupe, de nous marrer entre nous et de faire ressentir ça à notre public. La légèreté des morceaux de ce disque émane d’une ambiance de studio qui n’est pas vraiment studieuse (rires).

LVP : En plus de cette légèreté, le disque a un autre fil rouge qui le parcourt : la guitare. J’ai aussi l’impression qu’il y a peu de groupes actuels sur la scène française qui accordent autant de place à la guitare que vous. Quel rôle est-ce qu’elle joue dans votre processus créatif ? 

AP : C’est vrai que la guitare est un peu la figure de proue de cet album, il y en avait beaucoup moins de guitare sur notre deuxième disque. On a commencé la musique en tant que guitaristes tous les deux, on a tous les deux étudié cet instrument et c’est vraiment la figure de proue de notre musique.

En 2012, quand on était encore dans nos chambres, on avait des guitares et des ukulélés, on faisait des sons sur GarageBand en fumant des joints et c’était à peu près ça l’ADN de notre musique (rires). Je pense que c’est inconscient d’y être revenu sur cet album, mais c’est quelque chose qui m’a beaucoup éclaté. J’ai adoré faire du slide, c’est quelque chose qui m’amuse beaucoup en ce moment.

LVP : Est-ce qu’il y a encore des guitaristes qui vous inspirent à l’heure actuelle ?

UC : Oui, carrément, la liste est longue ! Je suis un peu un geek de la guitare donc j’en suis beaucoup sur les réseaux. Ceux que je trouve vraiment impressionnants, c’est des mecs comme Isaiah Sharkey. Pour moi, c’est le plus grand guitariste d’improvisation à l’heure actuelle. Je pourrais aussi te parler de Blake Mills, un mec qui sait jouer plein de styles différents, il a un jeu hyper atypique.

AP : En slide, j’adore un mec qui s’appelle Derek Trucks. Il est extraordinaire, c’est un dieu de la guitare.

 

LVP : C’est aussi ce qui est intéressant et particulièrement beau dans votre musique : au-delà du songwriting, vous attachez une attention particulière au son en tant que tel et vous êtes des vrais diggers dans les influences et les registres que vous explorez. Comment est-ce que vous travaillez ça au quotidien ?

UC : Déjà, on consomme énormément de musique tous les jours et je pense que c’est quelque chose qu’on cultive tout au long de nos vies. C’est un goût, on l’a ou on ne l’a pas. On est deux personnes avec des goûts assez affirmés, ce qui nous permet de faire des choix tranchés quand on fait de la musique.

AP : Il faut aussi avoir la curiosité de se dire que quelle que soit l’époque, il y a forcément des choses intéressantes à en tirer. Mais c’est vrai qu’en ce qui concerne les goûts musicaux, une étude a démontré qu’ils se forgent entre 10 et 18 ans. Ce que tu écoutes à ce moment-là, tu l’écouteras toute ta vie, c’est neurologique. J’écoute plein de trucs mais c’est vrai que je suis très branché musique à guitare. Et douce. Et joyeuse (rires). J’aime bien quand ça reste cool et fun, que ce n’est pas trop anxiogène.

LVP : Justement, malgré le contexte pesant, votre musique parvient à rester lumineuse et solaire, à trouver un équilibre entre des mélodies légères et entraînantes et des thèmes parfois plus sombres. Comment est-ce que vous faites pour la préserver ? 

UC : Ça, c’est un peu l’histoire de la pop. Les gens, il faut qu’ils se sentent bien. Donc tu leurs mets un playback un peu sympa et tu racontes ta vie dessus (rires) !

AP : Tu peux même raconter des horreurs dessus. What’s Going On de Marvin Gaye, c’est extraordinaire pour ça. Ça parle de la guerre, de morts et pourtant c’est hyper groovy, tu as envie de danser alors que le texte est horrible (rires) !

UC : Je crois qu’on a ce truc de manière un peu inconsciente dans notre musique : on fait des trucs qui sont plutôt cool, qui transmettent une certaine positivité.

AP : C’est dans notre ADN je pense. On s’est rendu compte qu’on avait exactement le même signe astrologique, on est tous les deux Taureau ascendant Scorpion. C’est peut-être pour ça !

UC : On est des gens joyeux, en fait. On aime la joie, on aime la fête. On essaye d’éviter le conflit au maximum. On préfère la joie au conflit de manière générale et ça doit se ressentir dans notre musique.

LVP : Est-ce que finalement, c’est ça le sens du titre de l’album : puisque tout s’écroule et que plus rien ne compte, autant s’amuser ?

AP : Oui, c’est ça. Il y a une ambivalence dans ce titre. Tu peux te demander si c’est un truc un peu pascalien de se dire que le divertissement va faire disparaître l’idée de la mort, ce qui est une erreur puisque ça ne la fait disparaître que le temps d’un instant…

UC : Sauf si tu fais la fête tout le temps. Enfin là, tu meurs plus vite (rires) !

AP : … Ou alors, c’est : plus rien n’a d’importance maintenant parce qu’on est ensemble, toi et moi. D’ailleurs, dans la chanson, “None of this matters now” est suivi de “My love”. C’est cette ambivalence qui est intéressante, le champ littéraire qui existe entre le point de vue universel, celui de l’espèce humaine, et le point de vue intime, celui d’un couple.

 

LVP : Votre musique est intimement liée au live, à la performance, qui s’est nichée au sein même de la création de cet album. Comment est-ce que vous pensez à porter ce disque sur scène maintenant que le contexte sanitaire le permet ?

AP : On ne va pas forcément changer de formule.

UC : Non parce que c’est un album qui ne s’y prêterait pas forcément. Il a été enregistré live, on n’a pas besoin de ramener d’autres instruments. Avec cinq personnes sur scène, tu auras l’impression d’écouter l’album à quelques petits détails près. C’est quelque chose qu’on n’aurait pas pu faire avec le deuxième album par exemple.

AP : Oui, on a bossé les arrangements dans une optique live. Ça va être simple à jouer ensemble. On va réapprendre un maximum de nos morceaux, on a enfin ce truc cool d’avoir assez de répertoire pour pouvoir changer certains soirs si on en a envie. Quand tu n’as qu’un album à ton actif, tu es obligé de tout jouer et c’est relou, quand tu en as deux, tu peux déjà choisir un peu mais tu tiens difficilement 1h30. Là, je pense qu’on aura un peu plus de marge de manœuvre.

UC : Oui, ça va être simple et cool !

LVP : Côté images, vous avez pris la bonne habitude de proposer des clips qui sont toujours poétiques, presque oniriques dans les thèmes et les constructions, avec des univers drôles et surréalistes. Comment est-ce que vous choisissez les personnes qui leur donnent vie ?

UC : On ne bosse qu’avec des ami·es, en fait.

AP : On travaille avec ma copine qui s’appelle Victoria Lafaurie, qui a fait la pochette de l’album et qui réalise également des clips. Le modus operandi qu’on adopte souvent, c’est qu’on regarde beaucoup de films l’un et l’autre et on se note des références qui pourraient faire des bons clips. La grande référence, bizarrement, c’est le cinéma muet, ça nous inspire beaucoup. Il y a un côté Laurel et Hardy naturel chez nous qui fonctionne bien.

UC : Ce qu’on recherche dans cette proximité avec les gens avec qui on bosse, c’est la liberté d’essayer, de tripper… C’est très important pour nous.

LVP : Pour finir, est-ce que vous pouvez partager avec nous un coup de cœur ou une découverte musicale récente ?

AP : J’ai découvert une artiste qui s’appelle Katy J Pearson, qui vient de Bristol et qui vient de sortir un super album. Je ne fais que l’écouter !

UC : J’adore un morceau qui s’appelle Breathing While Black de MonoNeon, c’est un morceau qu’il a sorti pendant l’émergence du mouvement Black Lives Matter. C’est un des meilleurs bassistes de Los Angeles à l’heure actuelle. C’est très badass, très cool.