De l’ombre à la lumière : rencontre pleine de promesses avec Liv Oddman
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Auteur·ice : Coralie Lacôte
02/06/2023

De l’ombre à la lumière : rencontre pleine de promesses avec Liv Oddman

Comme chaque année, les talents fleurissent sur les bords de l’Auron quand sonne l’heure du Printemps. Vivier de talents, de créations inédites et de propositions artistiques audacieuses, le Printemps de Bourges est surtout l’occasion annuelle de découvrir des talents émergents, notamment grâce aux iNOUïS, son dispositif dédié. 

Cette année encore il nous aura donné l’occasion de découvrir de nouveaux artistes aux univers éclectiques et prometteurs. Parmi lesquels Aghiad, Alexi Shell, Nous étions une armée, Denys Roses, SESAM mais aussi Liv Oddman. Vêtu des costumes du panache et de l’élégance, Liv prend possession de la scène comme d’un espace qu’il aurait depuis toujours tutoyé. Courant d’un bout à l’autre ou adoptant des postures d’équilibriste, il arrive pourtant à maintenir l’attention du public, curieux de découvrir ce que la suite révèle de beauté et de surprises. Avec son acolyte Rémi, ils ont donné en ce jeudi après-midi un des plus beaux concerts de la sélection, marquant ainsi cette nouvelle édition. Piqué·es de curiosité, nous les avons rencontrés pour comprendre quels mondes et aspirations nourrissent ce projet naissant. Lumière sur un projet en voie de rayonnement.

La Vague Parallèle : Salut à vous ! On se rencontre deux jours après votre concert au Printemps de Bourges. Comment allez-vous ?

Liv : Ça va. Que ce soit Rémi qui m’accompagne sur scène à la guitare ou mon manager, je crois qu’on va tous bien.

Rémi : Oui, très bien.

Liv : La journée du concert en elle-même était très chargée mais grâce à la pression qui redescendait on a pu profiter le soir. Donc le lendemain était un peu ardu mais là, on se remet sur pied.

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre avec La Vague Parallèle. Est-ce que vous pouvez nous présenter votre projet en quelques mots ?

Liv : C’est un projet que j’ai initialement commencé en tant que compositeur. Puis j’ai décidé un jour d’ajouter ma voix par-dessus mes compositions pour qu’elles puissent être exploitables et qu’elles parlent à un public. Dans un premier temps, c’était en anglais. J’ai regroupé ces morceaux dans un EP qui s’appelle EARLY SINGLES. Pendant trois ans, je composais en anglais des maquettes un peu individuelles avec des exercices de style pour chaque chanson. Mais depuis quelques temps, un an environ, le projet et ce qui va suivre s’écrivent en français.

LVP : Tu disais pendant ton concert que le premier morceau que tu as écrit en français est L’Amertume.

Liv : Dans le set, c’est L’Amertume mais en réalité le premier morceau que j’ai écrit en français c’est Diva.

© Rémi Prades

LVP : Comment s’est opéré ce changement ?

Liv : C’est une transition un peu étonnante. Je commençais un morceau, Diva donc, qui a connu je pense une centaine de versions, que Rémi connaît bien d’ailleurs. Je m’étais à nouveau lancé dans une chanson en anglais, en plusieurs parties. C’était un morceau très fracturé, qui partait dans tous les sens, d’ailleurs la structure est un peu étrange. À un moment, j’ai commencé à toucher du bout des doigts quelque chose que je trouvais assez unique et j’étais frustré d’emprunter à nouveau l’anglais comme langue pour le texte parce que ça rendait ce côté singulier encore emprunté d’inspirations anglo-saxonnes. C’est pour cette raison qu’au bout de la 80ᵉ version, j’ai décidé de passer le texte en français. C’était mon premier exercice d’écriture.

LVP : Tu parlais d’exercices de style. Est-ce qu’écrire en français en est un pour toi ? Quel est ton rapport à l’écriture lorsque tu écris en français ?

Liv : J’ai un rapport à l’écriture en français qui est encore à découvrir. C’est très sensoriel. Je n’arrive pas trop à comprendre encore comment j’écris. Je n’arrive pas à savoir si je commence avec une phrase ou avec un thème. J’ai toujours l’impression que les deux arrivent un peu en même temps. Le morceau Linda que nous avons joué pendant le concert, c’est un peu un hommage aux paroliers français que j’admire comme Léo Ferré ou Jacques Brel, dans le style et dans la diction. Dans des morceaux comme Diva, c’est plus une tentative de créer un style un peu moderne d’écriture intime, authentique et en français.

LVP : On est surpris quand on vous voit sur scène par votre présence scénique. Comment abordez-vous le live ? 

Liv : Étonnamment, je pensais déjà que la scène serait une chose que j’aborderais quand, au tout début, je composais dans ma chambre. Du fait que mes arrangements ont plein d’instruments, je pensais que le jour où je ferais de la scène, j’aurais un orchestre de 150 personnes mais en fait pas du tout. Il y a un moment, il fallait se lancer dans le bain. J’ai fait une première scène il y a un an, en première partie d’un ami qui s’appelle Battaglia. La balance s’est un peu renversée puisqu’on a commencé à travailler la scène avec ma sœur, qui est devenue la directrice artistique et metteuse en scène du projet. Elle vient du théâtre et de la comédie musicale. Elle nous dirige avec Rémi depuis un an et au final maintenant notre qualité première, du moins là où on se fait le plus remarquer il me semble, c’est la scène. On arrive à mieux défendre notre propos. C’est une grande joie parce que ce n’était pas du tout prévu.

Rémi : On s’est battu et il y a un résultat qui est satisfaisant.

LVP : On sent en effet que vous avez travaillé votre rapport à la scène, que ce soit musicalement ou en terme de présence, de gestuelle. On a par exemple l’impression que toi Liv, tu es parfois en équilibre.

Liv : Oui, tout à fait. Le jeu, ou en tout cas le défi qu’on a avec ma sœur Léa et qui se rapporte à l’ambition qu’on a de la scène, c’est de fixer des éléments de mise en scène forts, des repères au sein des morceaux pour créer une base solide. Le reste vient du fait de se gorger du sens du morceau et de ce qu’il raconte. Le corps et l’interprétation viennent ensuite parler par eux-mêmes. C’est un peu l’exercice qu’on fait avec Léa, c’est-à-dire de ne pas froidement dire : « Là, tu lèves le bras, là tu mets le pied devant », mais plutôt de comprendre qui est le personnage qui écrit ce texte, comment il serait, comment il se comporterait et comment il bougerait. On en vient à ce que l’interprétation découle naturellement.

© Rémi Prades

LVP : Dans ton jeu instrumental, c’est également quelque chose qui t’inspire Rémi ?

Rémi : La mise en scène de l’instrument, puisque sur scène je suis l’instrument, se pense différemment. Sur scène, je suis un peu le pont qu’il y a entre le public, la performance, la musique et le personnage. C’est une espèce de nerf crucial dans toutes ces choses-là. Ma question se traite vraiment très différemment de celle de la mise en scène à proprement parler. Donc pour moi, l’idée est de trouver l’endroit où je suis à l’aise et où je fluidifie tous ces rapports-là. Je ne veux pas être un point fort, je veux être un lieu de transmission. Il faut que je sois électriquement conducteur pour que l’énergie se répande. Donc le but c’était d’être à l’aise.

LVP : On cerne une identité visuelle assez définie que ce soit à travers vos visuels ou dans le clip de Dreadful Love. Est-ce que c’est un pan important du projet, une chose à laquelle vous réfléchissez beaucoup ?

Liv : Tout à fait. Je suis un grand admirateur à la fois de la musique, du parcours et de la carrière de Tyler, The Creator, même si j’ai quelques références de lui dans ma musique mais que ce n’est pas tellement identique. J’admire le côté 360 au sens artistique du terme. Je ne parle pas de sortir des marques de vêtements, etc. J’admire le fait qu’il réalise ses clips, qu’il crée un univers visuel, qu’il dessine ses covers et même ses vêtements. Je trouve ça très fort.
Pour en revenir au film, Rémi est réalisateur à côté de la guitare. Ça a un peu été le premier art que j’ai rencontré. Comme disaient les Sparks, c’est un peu par manque de moyens que je fais de la musique pour raconter des histoires plutôt que du cinéma. On pense aussi cette partie avec ma sœur, on imagine les clips, les covers. On fait des essais un peu graphiques. On fait toutes ces choses-là. C’est hyper important.

Rémi : D’ailleurs, je me permets de préciser que dans les premiers lives qu’on a faits, je venais sur scène avec un appareil photo pour les morceaux où il n’y avait pas de guitare. Nos premières sources visuelles venaient directement de cette scène qui devient aujourd’hui notre façade, notre esthétique en noir et blanc, avec des flashs. C’était vraiment très lié. Ça l’a toujours été.

 

LVP : Pour finir, quelle est la suite du projet ?

Liv : Comme je l’ai dit, la suite du projet va s’écrire en français. Aujourd’hui, on prépare ça mais on garde les choses pour nous. On ne s’affirme pas encore sur des sorties ou sur des dates. On prend la température. C’est ce qu’on a fait en faisant cette date devant des professionnel·les. On a affirmé un petit peu notre place et ce qu’on a à proposer. Désormais, on n’est fermé à rien sur les sorties possibles, mais on y réfléchit encore.

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