Declan Mckenna bombarde le Trix de son talent débordant
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
27/05/2022

Declan Mckenna bombarde le Trix de son talent débordant

Photos | Marcus Prouse Jr. & Taike

On n’y croyait plus. Deux ans de pandémie, l’éclatement d’une guerre et le développement sournois d’une addiction en apparence inoffensive aux chips au vinaigre (juste nous?) plus tard, ça y est : on a enfin vu Declan Mckenna en live. Il s’en est fallu de peu. On l’a su reporté, puis encore un peu reporté et on l’a même cru annulé, ce concert, depuis l’achat plein d’insouciance de nos places en 2019. Toujours est-il qu’il nous a suffit de voir Declan McKenna ramener sa fraise sur la scène intimiste du Trix pour savoir que toutes ces épreuves, si pas forcément worth it, nous avait tout de même mené·e·s à un moment de grâce. 

Will Joseph Cook

Venu d’Angleterre pour assurer la première partie de son compatriote anglais, Will Joseph Cook est une découverte éclectique qu’on ne regrette pas. Si la pop multicolore du musicien ne révolutionne pas tout à fait le genre, le hit Be Around Me est une démonstration de ce que son auteur peut faire de mieux. Avec déjà deux albums à son actif, Will Joseph Cook offre une performance scénique riche et attrayante.

Declan McKenna

On avait presque oublié à quel point on aimait Declan McKenna. Chemise noire de cow-boy agrémentée d’éclairs argents sur les épaules et paillettes sur la face, le jeune Britannique promet un show aussi réussi que son mulet (qui ne va qu’à lui, ok?). À peine débarqué sur scène, l’artiste est acclamé par une foule avide qui, elle, n’avait rien oublié du tout. Il est venu défendre What Do You Think About The Car?, son premier album, pour lequel la tournée était originairement prévue, mais aussi Zeros, second opus découvert en même temps qu’une star émergente, le Covid-19.

Le set s’ouvre sur Beautiful Faces, titre faussement guilleret issu de Zeros qui nous offre la première comparaison de la soirée (mais pas la dernière) à l’héritage de Bowie, dans sa splendide dissidence. La salle est déjà chaude et obéit sans broncher quand McKenna lui ordonne de lever les mains. “Lift your hands up”, dit la chanson, idéale pour lancer un concert sur les chapeaux de roues. Il enchaîne avec Sagittarius A*, morceau ultra cute où l’artiste de 23 ans console Mère Nature et revendique le star-quality des sagittaires.

You don’t have to be running errands for anyone
In pieces, they left no room for me, I’m no one
I’m Sagittarius, I’m a star
So wouldn’t you take the day off, Mother Nature?

Vient ensuite The Key To Life On Earth, titre phare de ce deuxième album que le public attendait avec une impatience palpable. Seconde ode à Bowie, aussi, quand Declan McKenna scande un “Let’s dance” qui prône la désinhibition de gosse. La salle suit encore, les lumières de la scène se meuvent en réflexions de boule disco façon boum 80s. The Key To Life On Earth nous l’assure : Zeros n’a pas à rougir face à son grand frère de 2017. Son synthé galactique, les paroles acerbes et ce solo de fin que les musicien·ne·s délivrent comme sans trop y penser ; tout fait de ce morceau un testament du talent de McKenna une fois joué en live. Le premier né n’est pas oublié et l’artiste enchaîne sur The Kids Don’t Want To Come Home, un de ces morceaux qui nous avait fait tomber amoureux·ses de What Do You Think About The Car? et qu’on ne pouvait plus attendre de voir dans toute sa splendeur scénique. Il ne déçoit pas. De toute sa puissance fédératrice, le titre électrise la salle, prend sa place au panthéon des sobres hymnes dont on se souvient à tout jamais.

Declan McKenna n’est pas bavard. Sûr de lui, il joue ses titres avec toute la prestance qui incombe à de la musique qui parle tant d’elle-même. Twice your size est d’un indie maîtrisé, garage quand il mime les Cramps, exécuté avec la grâce d’un musicien british rock aguerri à la Blossoms. My House, dernier single sorti en 2021, est, quant à lui, une pièce de bedroom pop exquise. Declan McKenna s’inscrit dans la mouvance de Gus Dapperton ou Peach Pit, ces artistes à suivre et écouter à s’en faire saigner les tympans. Et là, arrive notre chouchoute. Les quelques notes de Make Me Your Queen retentissent face à une foule bouche-bée, presque incrédule d’entendre enfin en live ce titre intimiste tant adulé dans la pénombre de l’écoute solitaire. Intense et juste murmuré sur scène, le titre ouvre les vannes des larmes. McKenna le manipule avec soin, comme l’objet musical précieux qu’il est. On peine à s’en remettre.

Listen to Your Friends et Humongous, ballades fiévreuses et riches, achèvent d’imprégner la marque indélébile de What Do You Think About The Car? sur nos petits cœurs. La guitare verte à paillettes de Declan McKenna s’érige au dessus de la foule, se fond dans la houle et entame Isombard dont le synthé incessant fait vrombir une salle toute rose, toute ouïe. Un autre tube absolu, matière première de cet album qui ne fait que prendre en ampleur. Be an Astronaut fait hurler l’assistance. McKenna passe derrière le piano, prend la tête d’une instrumentale incroyable, digne – toustes en coeur – d’un Space Oddity réussi. La guitariste à sa gauche clôt le morceau sur un solo comme on en voit peu, puis quitte la scène, emportant avec elle le reste du band.

The boys that wait outside your house
Have got your number
And are not afraid to use it

La lumière vire au rouge. Declan Mckenna nous revient avec Why Do You Feel So Down et plus de synthé à gonfler les poumons, perdre les sens. Sans un moment de répit, le riff reconnaissable entre mille de Brazil se fait entendre. C’est peut-être le moment de rappeler que l’artiste à la tête d’enfant pas content n’avait que 15 ans à la sortie de ce morceau qui lui a valu la première place du festival de Glastonbury. Une chanson de protestation, celle de la FIFA lors de la coupe du monde de 2014 au Brésil. Le public entonne son refrain d’une seule voix. Politique toujours, Declan McKenna clôt ce set – auquel on ne fera pas l’affront d’apposer des adjectifs inadéquats – avec British Bombs. Il la restitue en live comme une incantation, la batteuse assure une rythmique hors de ce monde. À genoux, Declan McKenna prêche un constat qui n’a rien perdu de son actualité. Dire qu’on a failli rater ça. Deux ans plus tard, la pandémie aura eu le mérite de nous remettre dans les oreilles des titres d’une grandeur incontestable.

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