Découvrez Guilt, la poésie onirique et engagée qui vise juste
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
21/06/2020

Découvrez Guilt, la poésie onirique et engagée qui vise juste

Mêler militantisme et musique n’est pas une mince affaire. Et pourtant, difficile aujourd’hui de fermer les yeux sur les innombrables causes qui peuvent (doivent !) être défendues via cette tribune multiple qu’est l’art musical. Guilt, c’est la cristallisation des pensées et des combats de François Custers, jeune artiste belge au talent indéniable, qui fait aujourd’hui le pas audacieux de se confronter à ses privilèges d’homme blanc européen pour aborder les questions houleuses d’identités, d’injustices et de discriminations. Des mélodies douces et aérées qui se consument tel un brasier d’urgences et d’alarmes. Missed Shots ouvre la voie à la plume militante et intelligente de Custers, qui s’entoure du poète Syrio-Palestinien Karam Alhindi pour nous dévoiler un cri de révolte, une tentative de forcer les murs, qui résonne plus que jamais dans le contexte actuel de nos réalités. 

Il y a en Guilt une véritable volonté de mettre sa voix tremblante mais extrêmement puissante et forte (à la manière d’un Ben Howard) au service de l’histoire racontée. Son timbre est le vaisseau, le sujet est la destination et ses morceaux sont les voyages desquels on ne sort jamais vraiment indemne. Il nous rapproche ainsi toujours d’autant plus de ce point d’arrivée, au plus près du questionnement abordé, dans la tentative acharnée de décrocher des vérités absolues réconfortantes. Mais, au plus proche de cette lucidité illusoire, à mi-chemin de ce voyage mélodieux apaisant, le vaisseau implose (que ce soit dans des éclats vocaux ou des élans électroniques foisonnants). Une rupture qui reflète la beauté du raisonnement inachevé, l’éternelle réflexion subjective de nos enjeux sociaux, dont les conclusions ne priment pas sur les réflexions qui nous y amènent. Une philosophie artistique qui prend plusieurs visages, offrant à chacun·e une interprétation propre et personnelle.

Il persiste toujours quelque chose de fort dans ce genre de timbre, reconnaissable entre mille, symbole de fragilité et d’invincibilité à la fois. Un sentiment que le musicien avait déjà partagé en début d’année avec deux live sessions bluffantes. Galway nous délivrait ainsi une démonstration parfaite d’équilibre vulnérabilité/puissance, entre des arpèges fondants et les vigoureux éclats électro de son projet parallèle NorthwardsOld Bob embrassait plutôt la partie acoustique du registre du jeune Bruxellois, avec une ballade berçante mais percutante, relevée par de subtils gimmicks électroniques, en incluant brillamment l’atmosphère d’un morceau de Radiohead dans cette composition touchante.

You’re a lost crowd

You’re a camp that’s growing on

It’s moving alone now, give in

And hear us call out

Pour Missed ShotsGuilt réitère l’association nébuleuse et efficace des sonorités organiques et numériques pour laisser nos esprits s’imprégner profondément des récits des réfugié·es du territoire européen. Ressentir autant la détresse que la sensation vertigineuse d’abandon et de déshumanisation de ces hommes et ces femmes négligé·es par une société lacunaire et égoïste : voilà l’invitation audacieuse, engagée et nécessaire de François Custers pour ce premier single juste en tout point. Tant au niveau sonore que visuel, l’expérience est complète et l’urgence habite chaque seconde de l’œuvre. Morgan Liesenhoff (co-réalisatrice du clip avec le chanteur lui-même) joue du contraste entre les visages face-cam de ces victimes de la déshumanisation systémique et des plans larges des monuments et institutions iconiques du quartier européen de Bruxelles. Des bâtisses symbolisant une justice techniquement destinée à tous et toutes, mais entourée chaque année de barrières et de murs de plus en plus nombreux et compacts.

Sans abuser d’un pathos forcé ou d’artifices superflus, le visuel dresse une suite de regards stoïques et pourtant si riches, fourmillant d’histoires et de revendications de la part d’un peuple qui ne demande qu’à être écouté et pris en compte. Un regard vaut mille mots, et c’est ici ceux du poète Mahmoud Darwish qui transcendent le morceau, aux côtés des pensées de Karam Alhindi, poète Syrio-Palestinien qui prêtera main forte à Custers par la force des mots de son poème شاعرفوضوية – Chaotic Feelings. Un témoignage frissonnant empreint d’une poésie toute particulière qui vient délicatement se poser sur les nappes oniriques et éthérées de Guilt, concluant avec brio et élégance une démonstration brillante de sensibilité, de militantisme et de poésie. On vous le répète : vous n’en sortirez pas indemne.

This land does not recognize me

Does not confess that I am a human, but reckons I am nescient

You say “our values”.

And do your values tell you to leave someone stuck behind a fence that you secretly built

Then you say ”it is not me who did it!” Where are you from your governments?

Because of your silence, I became a refugee.

I walk down the road alone looking for myself

Searching for a homeland among the wrinkles of my exile.

Between the ribs of a western Belle, I wander around the night of her hair

Then I sail into my dreams breaking those borders,

So I could kiss the cheeks of my mum, perhaps visit my dilapidated house and search among the rubble for the cigarettes I had hidden from my father, out of shyness


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