Delta Kream, l’hommage des plus envoûtants au blues américain signé The Black Keys
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Auteur·ice : Hugo Payen
15/05/2021

Delta Kream, l’hommage des plus envoûtants au blues américain signé The Black Keys

Deux ans après la sortie de leur dernier album studio résolument rock & roll, The black Keys, illustre duo originaire de Nashville aux États-Unis, est de retour avec un album de reprises blues intitulé Delta Kream regroupant les plus belles compositions de ces légendes du genre. Un dixième album éclatant, sur lequel nous pouvons retrouver quelques grands titres d’artistes comme John Lee Hooker, R. L. Burnside, Junior Kimbrough, Ranie Burnette et Big Joe Williams. Un véritable voyage qui insuffle une seconde vie à ces histoires fabuleuses et qui ne nous donne qu’une seule envie : prendre la route avec eux à travers ces grands espaces américains qui les inspirent depuis près de vingt ans maintenant. 

Avec un parcours artistique et une discographie comme la leur, l’éloge de Dan Auerbach et de Patrick Carney, fondateurs du célèbre groupe de rock américain The Black Keys n’est indéniablement plus à faire. Après s’être rencontrés pour la première à l’âge de neuf ans, les deux compères se perdent rapidement de vue arrivé au lycée. Ce n’est qu’en 1996, poussés par leurs frères, que les deux amis commencent à jammer ensemble. Ce n’était qu’un début pour le duo qui apprenait encore à jouer de leurs instruments respectifs. La musique commence cependant à occuper de plus en plus de place dans la vie de Auerbach et de Carney, qui, après avoir obtenu leur diplôme, ne décident de faire qu’un court passage à l’université d’Akron en Ohio.

Le duo prend alors son temps pour décider de sa prochaine direction. Quatre années plus tard, c’est avec The Big Come Up, un premier album des plus sincères lyriquement et musicalement que le groupe débarque sur la scène rock indépendante américaine. Malgré des ventes plutôt modestes, ce premier album attire l’intérêt du public et des critiques, ce qui lui permet par la suite de signer avec une première maison de disque américaine. Dans la foulée, le groupe décide de sortir un second album, Thickfreakness, enregistré dans la cave du batteur Patrick Carney en seulement quatorze heures sur un simple magnétophone à huit pistes. En plus de ses compositions, le duo se met à reprendre quelques-uns des grands classiques blues comme Everywhere I Go de Junior Kimbrough. Plus tard, Time Magazine nommera cet album « troisième meilleur album de l’année 2003 », rien que ça. Un début des plus prometteurs pour Auerbach et Carney, qui se lancent corps et âme dans ce monde aussi sexy qu’impétueux qu’est le rock & roll.

 

Les années passent et le duo enchaîne les albums, dévoilant toujours plus de morceaux étant aujourd’hui rentrés dans la légende du genre comme les très connus Tighten Up et Howlin’ for You sur Brothers, sixième album studio du groupe, ou Lonely Boy et Gold on the Ceiling de leur célèbre El Camino, étant considéré comme l’un des meilleurs albums rock de la décennie. Auerbach et Carney se réinventent continuellement, sans oublier leurs origines blues-rock qui les bercent depuis leur plus jeune âge. C’est en 2014 que le groupe annonce la sortie de leur huitième album, Turn Blue, véritable tournure musicale pour le duo qui s’essaye avec brio à un rock plus psychédélique, plus ambiant. Une expérience réussie pour les deux compères qui donnent plus de temps et d’espace à la musique comme sur leur grandiose Weight Of Love.

Malheureusement, les aléas de la vie font que Carney se blesse en pleine séance de surf, ce qui l’empêche de jouer pendant un certain temps. Un hiatus forcé pour le mythique groupe de rock, offrant l’opportunité à Auerbach de sortir son deuxième album en solitaire. Ce n’est qu’il y a deux ans, après une pause de cinq longues années que le groupe remonte sur scène en nous proposant Let’s Rock, un neuvième album signant le retour, attendu par tous, de The Black Keys.

 

Le duo de rockeurs quitte très jeune son Ohio natal pour venir s’implanter dans la capitale de la musique américaine, Nashville dans le Tennessee. La country et le blues étant leur point de repère artistique depuis des années, les mythiques honky tonks et autres activités musicales que leur propose la ville ne font qu’agrémenter leur inspiration déjà bien fournie. Mais entre le rock et ce blues américain authentique qui sublime la fin de notre vingtième siècle, la frontière n’est pas des plus épaisses. Et si les quelques reprises blues que le groupe réalise au fil de sa discographie ravissent les auditeurs, Auerbach et Carney ont décidé qu’il était temps de rendre un véritable hommage à ces artistes légendaires d’une plus belle manière encore. Après ces quelques reprises éparses, il était incontestablement temps que Delta Kream voie le jour.

Renouer avec ses racines

Avec des figures phares du genre comme Muddy Waters, John Hurt ou R.L Burnside, en passant par Junior Kimbrough ou le légendaire John Lee Hooker, nul besoin d’expliquer davantage d’où l’État du Mississippi tient son titre de « ville où le blues américain est né ». Avec Delta Kream, c’est précisément à cette ineffable musique aux sonorités chaudes, issue du Mississippi du Nord, que le groupe a voulu rendre hommage. Cette musique même qui n’a pas besoin de longs textes pour nous faire voyager, pour nous transcender. Le blues possède en effet cette force émotionnelle intrinsèque incroyable, une force qui ne peut laisser personne de marbre.

Cependant, la genèse de Delta Kream ne date pas d’hier. En effet, ce besoin presque nécessaire de renouer avec leurs racines blues, les deux compères l’ont en eux depuis leur adolescence en Ohio, et ce, grâce à leur éducation musicale portée sur ce blues haut en couleur. Après avoir officiellement formé The Black Keys en 2001, c’est bien sur les pas de ces grands bluesmen qu’Auerbach et Carney ont construit, petit à petit, leur inspiration première. Et si le groupe a souvent préféré la voie du rock & roll plus authentique et abrupte, ils ne se sont jamais réellement éloignés de cette rythmique caractéristique du genre, reconnaissable dès les premiers accords de guitares.

On a fait ce disque pour rendre hommage à la Mississippi hill country blues qui nous a influencée à nos débuts. Ces chansons demeurent aussi importantes pour Pat et moi qu’au moment où on a pris nos instruments et commencé à jouer ensemble. – Dan Auerbach

C’est alors en décembre 2019 que le groupe décide, sur un coup de tête, de revisiter ces grands classiques. Nous sommes alors à la fin de la tournée de Let’s Rock, leur précédent album, quand le groupe organise une session d’enregistrement dans le sous-sol d’Auerbach quelques jours plus tôt, sans répétition au préalable. Accompagné de Kenny Brown et Eric Deaton, musiciens talentueux ayant notamment travaillé avec R.L Burnside, le groupe se sent tout de suite dans son élément. Enregistré en une prise pour chacun des onze titres, Delta Kream reprend ces grands classiques avec brio, nous emmenant sans difficulté dans les contrées boisées du Mississippi du Nord. Des décors ayant sans surprise inspiré le mythique photographe originaire du Mississippi, William Eggleston, ayant photographié ce remarquable cliché dont le groupe s’est servi en guise de pochette d’album.

 

Pendant près d’une heure, c’est sous les merveilleux accords d’Auerbach et sous les percussions retentissantes de Carney que l’on peut ainsi redécouvrir ces onze titres légendaires ayant traversé les âges sans la moindre difficulté. Que ce soit avec Going Down South, Come on and Go with Me ou Do the Romp, c’était un pari risqué que le duo a entrepris il y a plus d’un an maintenant. Un pari qui porte indéniablement ses fruits quant à la beauté et à la netteté résidant dans ce nouvel album. Un album des plus sincères et honnêtes pour le groupe, qui arrive à redonner une nouvelle couleur, et in fine, une nouvelle vie à ces archives musicales que peu d’artistes arrivent à surpasser aujourd’hui.

Ces multiples leçons et expériences musicales sont encastrées dans chaque chose que The Black Keys enregistre depuis 2001 maintenant. Avec à leur palmarès six albums studio des plus acclamés, de nombreuses récompenses et autres disques de platine, ce nouvel album reste pour Auerbach et Carney, un des plus importants – voire le plus important – de leur carrière musicale. Ce style authentique est comme implanté en eux, et ce, depuis leur plus jeune âge.

On ne réalisait pas qu’on était en train de faire un album. On enregistrait juste avec ces gars qui ont joué avec nos héros. Ça a été sans aucun doute l’album le plus facile à enregistrer pour Dan et moi parce que c’est le genre de musique qu’on écoute le plus ! On a grandi en apprenant à jouer comme ces gars. C’est pourquoi on en revient toujours à cette musique. Je dirais même que c’est la raison pour laquelle le groupe existe. On a fait cet album pour rappeler aux gens la base première de notre inspiration. – Patrick Carney

Delta Kream peut être comparé à cette pulsion presque nécessaire dans la vie artistique des deux compères de The Black Keys. Une envie présente depuis des années au sein du groupe, qui se conclut sur cet aboutissement grandiose, rendant hommage à ces artistes de la plus belle des manières. Ces artistes mêmes sans qui le blues n’aurait incontestablement pas la même saveur aujourd’hui.


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