Departures : sublime mélancolie et nouvelle aventure pour Portland
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Auteur·ice : Hugo Payen
21/03/2023

Departures : sublime mélancolie et nouvelle aventure pour Portland

| Photos : Hugo Payen pour La Vague Parallèle

Après avoir fait trembler les scènes des plus belles salles et des plus grands festivals du pays, Portland nous revient avec un nouvel album. À l’image de son groupe, Departures est un album terriblement sincère, singulier et surtout lumineusement vulnérable. Entre deux averses et un ciel toujours aussi gris qu’à son habitude, on retrouve Jente Pironet en plein cœur de Bruxelles. Un moment hors du temps qui nous a permis d’en savoir un peu plus sur la création de ce nouvel album.

Nous sommes en 2017 quand le nom de Portland commence à retentir dans les couloirs de la petite et complexe industrie musicale belge. Après quelques sessions en acoustiques, c’est au tour de Pouring Rain, premier single du groupe, de faire son apparition. Un mélange de voix rauque d’un côté et cristalline de l’autre, une écriture sincère et des arrangements rock aussi modernes que ceux de nos voisins anglo-saxons.

Sarah Pepels et Jente Pironet, rencontrés quelques années plus tôt, marquent rapidement les esprits. Sans grande surprise, la recette Portland semble fonctionner. Entre une signature chez PIAS deux ans plus tard, des dates en festival, quelques centaines de milliers d’écoutes et de nombreuses apparitions sur les célèbres ondes britannique, tout va très vite pour le duo.

Atteindre ces résultats dans l’industrie musicale a toujours fait partie de moi, a toujours été l’un de mes rêves. Nous étions très heureux à l’époque. Très stressés, mais très heureux.

Soudain, c’est la consécration : Portland est élu grand gagnant de The Nieuwe Lichting – célèbre et prestigieux concours récompensant les jeunes auteurs-compositeurs belges – avant même la sortie de son premier album. Un premier album qui, en 2019, marque les esprits de tous·tes. En effet, avec ses onze titres aux sonorités rêveuses, Your Colours Will Stain leur ouvre la porte des Music Industry Awards. Avec deux nominations au compteur, Portland se retrouve sous le feu des projecteurs. Une renommée naissante qui se verra pourtant freinée, pandémie oblige.

De nouveaux départs

Le temps passe, leurs vies personnelles évoluent. Beaucoup de changements qui impliquent de nouvelles choses à dire, à raconter. Après un mélange de confinements à répétitions et d’isolation, le duo se retrouve. Tant bien que mal. Car si certaines choses demeurent intactes, d’autres ont bien changé. Ce nouvel album raconte ainsi cette aventure où les hauts et les bas se chevauchent, où les chemins se divisent et où les émotions fluctuent. « Departures est un album de rupture » confie Jente Pironet avant d’ajouter : « les aléas de la vie me donnent toujours ce besoin d’écrire. Que ce soit la complexité des relations amoureuses, amicales ou familiales, la musique m’aide à comprendre et surtout à guérir ».

 

Maintenant que le ton est donné, concentrons-nous sur ce qui fait de cet album un véritable joyau : ses émotions et sa sincérité. Avis aux plus mélancoliques d’entre vous donc, vous allez être servi·es. « Quand tu écris, tu te laisses porter par tes émotions, par ta créativité. C’est d’ailleurs ça qui apporte cette beauté dans la musique, cette instantanéité » explique Jente. Une instantanéité du moment que le duo est allé chercher dans les rues mouvementées et inspirantes de Londres afin d’enregistrer ce qui deviendra leur deuxième album. Avec Oli Bayston aux commandes, le duo s’immerge dans la culture locale et ne cesse d’expérimenter, d’innover et surtout de mettre en musique toutes ces choses qui leur semblaient importantes à ce moment-là.

Le fait d’enregistrer un album à Londres te plonge dans cette bulle qui t’enlève tout ce qui pourrait te freiner musicalement en Belgique. On a mis de côté nos vies en Belgique pendant un mois. C’était à la fois l’expérience la plus compliquée mais aussi la plus cathartique je crois. On y a rencontré plein de belles personnes, découvert de supers endroits. Londres a définitivement inspiré cet album à sa manière je dirais.

Avec cette quête constante de sincérité et d’authenticité, Departures résonne de manière très organique, comme nous l’explique Jente. L’essence musicale du groupe ne change pas mais évolue. On y retrouve les détails qui nous ont fait craquer pour Portland il y a près de six ans, tout en ayant ce petit quelque chose en plus. Des sonorités rêveuses sur fond d’arrangements romantiquement rock. Une fois encore, le duo fait des merveilles. Nous sommes comblé·es, et notre écoute de Departures ne fait pourtant que commencer.

Minimalisme comme maître-mot

Deux choses relient des artistes comme Angus et Julia Stone, Big Thief ou Sufjan Stevens : leur manière très directe de parler de leurs émotions mais aussi leur présence indéfectible dans les playlists de Jente. Au fil de la discussion, celui-ci nous explique avoir été attiré par la manière très minimaliste qu’ont ces artistes de raconter leurs histoires et de concevoir leurs morceaux. Une caractéristique importante de ce nouvel album qui nous permet de comprendre un peu plus les joies et les peines du duo.

On dit souvent que l’écriture est la pièce la plus importante du puzzle mais tu peux très bien écrire quelque chose de très simple et y ajouter plein de petites choses. Au final, ce sont toutes ces petites choses assemblées les unes aux autres qui forment le tout. Avoir un état d’esprit minimaliste est quelque chose de très chouette au final, tu joues avec les arrangements et tu arrives à créer quelque chose de singulier.

La mélancolie prend ainsi vie à travers ces arrangements construits de manière très naturelle. C’est le cas notamment sur des morceaux comme Little Bit Closer, No Man’s Land ou Stardust. Le duo se parle et s’écoute, en musique. Departures est vraisemblablement un album de détails. Dans cette course moderne à qui aura la note de musique la plus folle, Portland désire ralentir la cadence et revenir à quelque chose de plus simple. « Si tu écoutes Angus et Julia Stone par exemple, tu peux voir qu’ils n’ont que quelques chorus parfois très simples. Mais ils rajoutent tellement de profondeur que leurs morceaux prennent vie d’une manière si puissante » développe Jente.

 

Une profondeur bien présente tout au long de Departures qui ravit nos cœurs autant qu’elle les fait fondre. Oscillant entre lueur d’espoir sur Sensational, libération sur Last Trip et Never Leave, souvenir sur Serpentine ou rédemption sur So Sweet, ce nouvel album semble avoir été la plus belle des thérapies pour le groupe. Un tourbillon d’honnêteté et d’émotions en tout genre dans lequel le duo nous emporte pendant près de cinquante minutes grâce à son éventail de morceaux aux atmosphères singulières et à l’écriture tant vulnérable que puissante, qui alimente notre admiration du début à la fin.

Sarah et Jente ressentaient le besoin de déverser toutes ces émotions. Voilà chose faite. Qui plus est, de manière sublime. Plus qu’un nième album de rupture, Departures sort des clichés du genre et nous emporte dans un voyage mélancolique où l’acceptation et l’optimisme se mélangent afin de former un tout des plus singuliers. Avec ses sonorités alternatives et uniques au groupe, la mélancolie retrouve un peu de couleur – chose qu’on adore par-dessus tout. Et ça fait du bien. Plus qu’une thérapie personnelle, Departures nous rassure, nous connecte d’une certaine manière. Par ailleurs, et comme le conclut Jente : « c’est potentiellement le pouvoir principal de la musique ».

La mélancolie nous console. Ça fait partie des choses que l’on peut interpréter différemment en fonction du moment, en fonction des choses que l’on traverse à ce moment précis, en fonction de nos émotions. La mélancolie a le pouvoir de te consoler si tu le veux, de te rendre triste si tu le veux et à l’inverse peut se gorger d’espoir si tu le veux. Évidemment on a tous besoin de morceaux sur lesquels danser toute la nuit. Mais le fait est que la mélancolie permet de connecter les gens, de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls dans ce qu’ils traversent. Les gens se sentent compris grâce à la mélancolie.

Departures marque ainsi la fin d’un chapitre époustouflant et sincère, mais marque surtout le début d’un autre. En attendant la suite, on se donne rendez-vous le 19 avril prochain entre les murs de l’Ancienne Belgique pour découvrir toutes ces belles histoires en live. Certaines choses ont changé ces derniers temps avec le départ de Sarah, c’est certain. Mais comme le souligne Jente, la magie que porte Portland depuis ses débuts sera toujours là. Sur ce point, on en a aucun doute et on a d’ailleurs sacrement hâte d’aller nous déhancher toute la soirée, entre nos petites larmes de cœurs sensibles évidemment.