Des bangers contre l’extrême droite
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Auteur·ice : Rédaction
04/07/2024

Des bangers contre l’extrême droite

« Vivant ». Ce mot risque de tomber dans l’oubli si l’extrême droite prend les manettes de l’Assemblée nationale. Avec la remise en cause du statut des intermittents et la baisse des subventions allouées à la création artistique, c’est le fonctionnement même du secteur culturel qui est en danger. À la « culture », le RN lui préfère d’ailleurs le titre de « patrimoine ». Dans son programme, il compte financer la restauration de monuments en désuétude plutôt qu’aider ceux qui créent la vie sur scène.

À la Vague Parallèle, nous avons à cœur de défendre le spectacle vivant et la création musicale. Notre priorité est de mettre en lumière les artistes. Leur ingéniosité, leur créativité, leur prise de risque. Nous aimons par-dessus tout vous les faire découvrir en avant-première, s’émouvoir avec eux, danser, chanter et les applaudir en concert. Alors pour continuer de les soutenir, et pour se donner de la force jusqu’au deuxième tour des élections législatives, on vous propose des bangers à réécouter sans modération, contre l’extrême-droite, contre le fascisme, contre le racisme.

Triple shot de Diam’s – Ma France à MoiL’honneur d’un Peuple et Marine

Non, ma France à moi c’est pas la leur qui fête le BeaujolaisEt qui prétend s’être fait baiser par l’arrivée des immigrésCelle qui pue l’racisme mais qui fait semblant d’être ouverteCette France hypocrite qui est peut-être sous ma fenêtre

Il serait indécent de ne pas citer Diam’s, qui a livré des hymnes fédérateurs à toute une jeune génération, contre l’extrême-droite privilégiée et raciste. Des textes vibrants issus notamment de son troisième album Dans ma bulle, sorti en 2006 – quatre ans après un deuxième tour présidentiel Chirac – Le Pen – et certifié disque de diamant en 2007. Malgré la montée historique du Front national à l’époque pour un scrutin de cette ampleur, le parti reste minoritaire. 18 ans plus tard, ce que Diam’s redoutait arrive bel et bien : le Rassemblement national n’a jamais attiré autant d’électeur·ices. Dans ses titres, la rappeuse prône l’amour de son pays, de sa jeunesse, de ses travailleurs et ne se résigne pas à le laisser aux mains de ceux “qui voudraient qu’on bouge” (dans Ma France à moi). Diam’s va jusqu’à s’adresser directement à Marine Le Pen, en la tutoyant, dans son titre éponyme (Marine). Elle lui dit qu’elle aurait pu faire le choix d’aller à l’encontre de l’idéologie haineuse de son père et “nous rendre nos rêves”. “Moi j’emmerde, j’emmerde, j’emmerde qui?” clame-t-elle. Une chanson que le public a fait sienne en répondant haut et fort “Le Front national !”.

MarineRegarde-nousOn est beauxOn vient des quatre coins du mondeMais pour toi on est tropMa haine est immense quand je pense à ton pèreIl prône la guerre quand nous voulons la paix

Et nous faire croire que ce paysC’est des petits blonds dans une choraleNon ce pays c’est des Ritales, des Noirs, des ArabesEspagnols par héritage, des auvergnats qui font du rapCe pays c’est des portugais qui se saignent à la tacheGuadeloupéens, Martiniquais qui se fâchent quand on les taxeCe pays c’est tout un tas de couleursTout un tas de culturesTout un tas de couleursTout un tas de futurs


Martin Luminet – ÉPOQUE

Regarde la monter l’odeur de la haine dans ma France chérie, Chérie FNRegarde les Hanouna, Bolloré, Pascal PraudPutain qu’est-ce qu’on attend pour tirer la chasse d’eau ?

Très justement, Martin Luminet rappelle par ces quelques vers le rôle des médias dans la situation actuelle en déplaçant la fenêtre d’Overton (l’espace à l’intérieur duquel se situent toutes les propositions politiques acceptables) à l’extrême droite. Accorder du temps d’attention et du crédit à ces personnalités, c’est embrayer dans la même direction. Prenons soin les un·es des autres en évitant celles et ceux qui n’ont que la haine sur la langue et n’oublions pas que la chanson aussi a des idées à défendre en musique !


Mandy, Indiana – Pinky Shears

Et puis on élit des banquiers, et des gros bourges et des rentiersEt on s’étonne de s’faire baiserJ’suis fatiguée, tu sais pas c’que j’suis fatiguée

Mandy, Indiana résume à merveille dans ce morceau tout l’épuisement que cause ce moment politique de l’indifférence et de l’individualisme incarné par le macronisme. C’est cette politique qui mène à un sentiment de déclassement et de relégation qui nourrit une partie du vote RN. Après ce dimanche, il va nous falloir porter une vraie politique de gauche pour se débarrasser de ces idées délétères. En attendant, on crie notre désespoir en espérant créer le sursaut.


Double shot d’Eesah Yasuke – X-Tream et Focus

Levée de l’extrême doigt !
T’étonne pas des abeilles qui rappliquent en piquant si t’as secoué tout l’essaimSi j’te dis que j’connais tous les contours des ennemis c’est que j’peux t’en faire un dessinTu t’étales à critiquer tout ton entourage alors que t’es la moyenne des cinqC’est con comme un facho qui rappe, en vrai y’a pas plus indécent

Un mois avant l’élection présidentielle de 2022, Eesah Yasuke a sorti le titre X-Tream alors que les sondages présageaient clairement ce qui allait suivre : la qualification de Marine Le Pen au second tour. Si la levée de l’extrême droite n’a fait que s’accentuer ces dernières années, on est aujourd’hui au plus près du gouffre. Restons Focus ! Il fallait qu’Eesah Yasuke réaffirme son positionnement avec Focus alors que les élections européennes s’approchaient. Et maintenant ? Maintenant, la France est sur le point d’être accaparée par une idéologie qui se dédouane des accusations de racisme en applaudissant des personnalités issues de l’immigration étrangère : “Ils sont dérangeants mais quand ça les arrange. Pas pour ramener la coupe ou donner le la.” Alors on reste Focus, on lève l’extrême doigt et on fait barrage à l’extrême droite.

Fuckez les fachosAucune éducationOn reste focusÇa va jamais cesser


Sexy Sushi – J’aime mon pays

J’aime que les PD soient punisJ’aime que les pauvres soient isolésJ’aime que les handicapés s’ennuientJ’aime que ma voiture soit bien garée
J’aime mon pays, comment peux-tu en douter ?J’aime aussi le Seigneur, car il pardonnera mes pêchés

Comment de pas compléter cette liste sans mentionner J’aime mon pays de Sexy Sushi, un titre toujours aussi pertinent et tristement d’actualité. Déjà en 2013, Sexy Sushi aimait jouer avec les clichés de l’extrême droite et des réactionnaires à travers l’écriture de cette chanson : patriotisme exacerbé, homophobie, racisme – autant de problématiques que l’on retrouve malheureusement encore aujourd’hui du côté que l’on aimerait encore pouvoir éviter ! J’aime mon pays reste un incontournable ironique, toujours très apprécié des rassemblements militants et manifestations, où l’on aime le chanter pour continuer de nous moquer de cette vision incongrue du monde et faire résistance. Nous aussi on l’aime notre pays, différemment. Et on voudrait tant continuer à l’aimer mais dans toute sa diversité.


Rachid Taha – Voilà voilà

La leçon n’a pas suffiFaut dire qu’à la mémoire, on a choisi l’oubliDehors, dehors, les étrangersC’est le remède des hommes civilisésPrenons garde, ils prospèrentPendant que l’on regarde ailleurs
Voilà, voilà, que ça recommencePartout, partout, sur la douce France

“La seule façon de combattre le racisme et la xénophobie, c’est de remettre la mémoire en place”, Rachid Taha, 1987. Six ans plus tard, le contexte politique effrayant lui inspire Voilà voilà, un hymne qui résonne encore de vérité en 2024, voire même plus. Disparu en 2018, on espère sincèrement que ce grand génie du métissage musical ne voit pas où l’on en est aujourd’hui, au risque de mourir à notre tour de honte.


Vin’s – Liberté

En bas d’la pyramide, tu n’verras pas d’échelleFaut pas croire qu’on est libre, parce qu’on n’voit pas nos chaînesOn dit chacun pour soi, cette vision n’est pas la mienneLa liberté n’existe pas dès lors qu’tout l’monde n’a pas la même

Liberté, Egalité, Fraternité. “La France oublie ses valeurs, faut lui rafraîchir la mémoire” nous dit Vin’s dans ce texte qui met en lumière la contradiction entre le dire et le faire alors qu’on “assiste à l’effondrement des libertés fondamentales.” En tant que média engagé et indépendant, nous craignons la fin de notre liberté d’expression si le Rassemblement national détient les clés de Matignon. Nous craignons que ces vers éclairants de Vin’s ne prennent encore plus d’ampleur, car ils ne font qu’exposer la réalité telle qu’il la perçoit – ”ils enverront la police pour gazer les plus réticents”, “ça fait beaucoup de bavures commises pour appeler ça des accidents” – et ce bien avant l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Alors que se passerait-il si cela devenait une réalité le 8 juillet prochain ?


Médine – Médine France

Ils reculent l’âge de la retraiteMais avancent l’âge de la mortDisent que c’est nous qu’appelons au meurtreEnvie d’gerber jusqu’à l’auroreEst-ce que l’État nous protège ?Ou l’État s’protège de nous ?

Sorti en 2002 en période d’élections présidentielles, Médine France est encore tristement d’actualité. N’en déplaise à ses détracteur·ices récurent·es, Médine réaffirme son identité française tout en dénonçant un contexte politique grave et désastreux. À la veille des élections législatives où l’extrême droite à le vent en poupe, il est urgent de réécouter les mots du rappeur et de rester soudé·es.


Simeondatrack – CE MATIN (j’emmerde le RN)

J’emmerde le RN, j’emmerde le front national, J’emmerde Jordan Bardella, j’emmerde Marion MaréchalEt si t’es raciste, si t’es fasciste tu t’assois pas à ma table

On découvrait Simeondatrack il y a quelques semaines avec l’un des plus beaux clips de la sélection du festival Côté Court. Passé sous les radars et éloigné à souhait de l’univers de l’artiste, ce titre criant de sincérité pourrait être celui qu’on aurait tous·tes aimé écrire en réponse au sentiment que nous inspirent aujourd’hui les égoïstes et les intolérants.


En bonus, un petit classique dont on ne se lasse pas :

Dalle Béton – 49.3

Rien à foutre d’la CGT ? 49.3 !
T’aimes voir les gens travailler ? 49.3 !
T’aimes pas trop les retraités ? 49.3 !
Ta voiture est mal garée ? 49.3 !Ta reforme veut pas passer ? 49.3 !

Le groupe de punk breton Dalle Béton tourne en dérision l’usage excessif du 49.3 sous le gouvernement Borne en répétant à la fin de chacune de ses phrases “49.3”, rappelant un choeur de manifestants. L’ancienne Première Ministre avait utilisé cet article en moyenne une fois par mois (1,3 exactement) durant son mandat d’un an et sept mois, depuis sa nomination le 16 mai 2022. Un moyen de faire passer un texte de loi par la force, sans vote préalable des députés à l’Assemblée nationale.

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