Des clopes au soleil avec Zed Yun Pavarotti
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Auteur·ice : Charly Galbin
12/05/2023

Des clopes au soleil avec Zed Yun Pavarotti

| Photos : Laura Franco pour La Vague Parallèle

Encore ! C’est en français dans le texte que les Anglais·es beuglent pour avoir du rab à la fin des meilleurs concerts. C’est donc symboliquement comme ça qu’un Zed Yun Pavarotti mordu de rock d’outre-manche a intitulé son deuxième album sorti le 7 avril dernier, assumant brillamment mettre le rap de côté au profit de la chanson produite avec des vrais instruments, en studio et surtout sur scène. Avant justement qu’il ne fasse danser puis pleurer puis encore danser l’Orangerie lors d’une soirée unique aux Nuits Bota, nous avons pu rencontrer le chanteur stéphanois qui nous a promis d’amener le beau temps partout où il se produit. Il ne nous a pas menti puisque, surplombant le jardin botanique, c’est devant un des rares soleil d’avril qu’avec le Yun nous avons partagé cigarettes roulées et mots sincères.

La Vague Parallèle : Salut Zed Yun Pavarotti ! Près de deux ans et demi après Beauseigne, tu signes ton grand retour en sortant Encore, ton deuxième album. Tu es dans quel état d’esprit après cette relative longue absence ?

Zed Yun Pavarotti : Je me sens tranquille ! Là ça fait trois semaines que c’est sorti. Ça me fait du bien d’avoir une actu, ça me fait du bien de retravailler, de faire des concerts. Je me sens apaisé, ça fait vraiment beaucoup de bien !

LVP : Sur Encore, tu assumes définitivement ton virage pop/rock ?

Zed Yun Pavarotti : En tout cas de faire de la chanson oui. En réalité je me sens libre, je n’ai pas l’impression d’avoir fait un choix entre deux camps. C’est ce que je voulais faire à ce moment-là, mais ça peut bouger. En tout cas je me sens mieux, plus accompli dans ce format-là.

LVP : Il signifie quoi pour toi et ta carrière ce deuxième album ?

Zed Yun Pavarotti : J’ai l’impression que c’est mon premier album ! Peut-être parce que c’est la première fois que c’est aussi dur de faire un projet. Il y a plus de règles et de contraintes dans ce style de musique. Il n’y a plus vraiment d’ordinateur donc ne serait-ce que pour tout enregistrer avec des instruments, le fait qu’il y ait plus de monde et qu’ils soient disponibles, ça change tout. Ça a tellement été un travail pour de vrai que c’est comme si c’était la première fois.

| Photo : Laura Franco pour La Vague Parallèle

LVP : J’ai d’abord envie de te parler du live et de la scène car j’ai l’impression que ça va prendre une place encore plus importante du fait que tu es maintenant en groupe.

Zed Yun Pavarotti : C’est peut-être même le truc le plus important !

LVP : Comment se sont passés tes premiers concerts dans ce dispositif ? Est-ce que tu ressens déjà une différence dans l’énergie qu’il peut y avoir dans la salle comparée à tes concerts d’avant que tu performais seul avec un DJ ?

Zed Yun Pavarotti : Oui ça n’a absolument rien à voir ! Même si les gens ne savent pas trop ce qu’ils viennent voir, c’est un peu une première fois. Globalement ça se passe très bien mais sur la responsabilité qu’ils ont en tant que public, je pense qu’ils ne savent pas encore où se situer. Ce sera peut-être plus clair sur une deuxième tournée, ce que je comprends parfaitement. En réalité, je sens qu’il y a pleins de gens qui viennent chercher des trucs différents dans la salle. Il y en a qui sont OK dans le fait de venir voir un concert de rock, d’autres qui ne connaissent pas du tout et qui ont envie de voir mes anciens morceaux. Ça crée parfois des étonnements mais c’est quand même agréable.

Le plaisir est individuel mais le bonheur est collectif.

LVP : L’interprétation est très importante pour toi. Qu’est-ce que ça change à ce niveau-là d’avoir des musiciens à tes côtés sur scène ?

Zed Yun Pavarotti : C’est le jour et la nuit ! Le plaisir est individuel mais le bonheur est collectif. Il y a des vrais moments d’extase absolue. Avant j’étais assez réservé sur scène, je comblais avec pas mal de barrières pour être sûr de rester dans mon truc et être sécurisé. Maintenant, il n’y en a plus, je fais ce que je veux.

LVP : Tu joues ce soir au Botanique. C’est quoi ton rapport à Bruxelles ?

Zed Yun Pavarotti : Je connais bien cette ville mais c’est la première fois que je vais jouer dans une salle. J’avais déjà joué au Belga il y a des années. Mais je ne connais pas vraiment le public d’une grande salle comme celle de ce soir. En tout cas j’aime bien l’énergie de cette ville, les gens sont curieux, c’est idéal pour ce que je propose, il n’y a pas de stress, je sais que ça se passera bien.

 

LVP : J’aimerais te parler des thèmes abordés dans Encore. J’en ai décelé trois principaux qui s’articulent entre eux : ton rapport à tes origines sociales, la fête et, bien sûr, l’amour. L’album s’ouvre avec House sur lequel tu parles des effets néfastes du showbiz que tu tentes d’éviter en gardant ton objectif initial qui est d’« acheter ta putain d’House ».

Zed Yun Pavarotti : Il y a un peu de second degré là-dedans. On crée une forme d’hystérie qu’il n’y a pas. Je me fous un peu de ma gueule et de cette fascination qu’il y a dans le rap pour les biens matériels. C’était une façon de tout sortir et de tourner la page.

LVP : La deuxième chanson c’est Ma colère interminable. On comprend que cette colère est liée à un sentiment de revanche sur tes origines ?

Zed Yun Pavarotti : Oui un peu et sur mon histoire de manière générale. À un moment tu te rends compte que tu avances avec des choses pas forcément positives, qui aident et qui m’ont aidé à produire et à ne jamais interrompre ce processus. Par contre il y a des choses qui peuvent faire du mal, on peut avancer mais pour des mauvaises raisons. Mais je trouve que là ça va mieux, je me suis apaisé, je suis devenu un adulte.

LVP : Dans Pas notre faute tu dis qu’ « il n’y a plus d’ombre plus de martyr » ou encore « il n’y a plus de bon seigneur, j’ai fermé la porte ». Est-ce que ça veut dire que tu n’as plus envie de parler de ce rapport à tes racines ?

Zed Yun Pavarotti : Non, je dirais que Pas notre faute c’est plutôt une espèce d’ode à la jeunesse. Sur le fait de se sentir libre. Certes les responsabilités sont personnelles, je suis contre l’anarchie de manière générale car je pense qu’il faut que l’on se responsabilise moralement sur pleins de trucs. Mais ça ne dure pas hyper longtemps d’être jeune, il faut se sentir prêt à tout.

 

LVP : C’est peut-être surtout un album de fête. On ressent bien ça sur Je suis Cendrillon par exemple. Pourquoi était-ce important pour toi de traiter de ce sujet ?

Zed Yun Pavarotti : Oui carrément ! C’est parce que j’avais jamais fait ça. J’étais identifié comme quelqu’un qui fait de la musique triste, j’en avais marre. Il y a un décalage entre ce que je voulais produire en termes de résultat social et ce qui existait vraiment. Je pense que j’avais peur de me lancer dans un truc joyeux car je trouvais la musique joyeuse un peu désagréable pendant un temps. Finalement je me suis rendu compte que c’était ça le sens de la musique, le feu d’artifice. Une fois que j’ai ouvert la porte je me suis rendu compte que je savais faire et que c’était bien. Je pense que je ne pourrai pas retourner en arrière. Je prends moins de plaisir à être dans la désolation. C’était aussi mon côté ado que j’ai moins aujourd’hui.

LVP : C’est quoi une bonne fête pour Zed Yun Pavarotti ?

Zed Yun Pavarotti : Une bonne fête c’est quand on se couche avec le sourire, je pense. Peu importe ce qui se passe, on peut boire, on peut ne pas boire, il peut y avoir plein de situations. C’est surtout se faire des souvenirs qui restent.

J’étais identifié comme quelqu’un qui fait de la musique triste, j’en avais marre.

LVP : Il y a aussi des pures et magnifiques chansons d’amour sur cet album, je ne te cache pas que j’aurais aimé tomber amoureux en l’écoutant ! Je pense à Girlfriend notamment dont le propos est si simple qu’il touche parfaitement juste. Je sais d’ailleurs qu’il y a pour toi un enjeu à te rendre plus compréhensible. Est-ce que ça été compliqué pour toi de faire des chansons plus directes ?

Zed Yun Pavarotti : Un peu, au début je me trouvais un peu pathétique. Il y a moins d’écriture, c’est plus court, ça laisse donc moins de place à la nuance et au contrebalancement. L’avantage du rap c’est qu’avec le volume on peut facilement réajuster un bout de couplet qui n’est pas ouf ou bien rééquilibrer en donnant d’abord un couplet second degré puis ailleurs quelque chose de plus sérieux. Dans la chanson ce n’est pas vraiment possible, il faut choisir sa direction et la garder. Donc au début ça me faisait un peu bizarre, je me disais que les gens allaient se dire que je me fous de leur gueule. Mais en fait non, je me rends compte que c’est une autre manière d’étaler le récit. Paradoxalement on peut aller beaucoup plus loin en se restreignant davantage. Raccourcir ça permet dès fois d’épaissir un sujet.

LVP : J’aimerais maintenant te parler de la musicalité de cet album. Tu as appris à composer pour celui-ci, comment ça c’est passé concrètement ?

Zed Yun Pavarotti : C’est d’abord en écoutant de la musique, en l’analysant. Pour m’imprégner, j’en ai écouté de manière pas forcément naturelle, c’est à dire longtemps et beaucoup de fois les mêmes albums. Puis j’ai aussi repris la guitare dont j’avais tout perdu. Là j’ai vraiment réappris. Puis ça m’a permis de vraiment apprendre les notes et les accords, à chanter, à me laisser plus de liberté. Là j’essaye aussi de commencer le piano, c’est un peu dur. Mais il faut juste essayer sans cesse et à un moment ça passe.

LVP : Est-ce que tu considères prendre un risque en faisant le choix de l’acoustique à l’ère du tout-ordinateur ?

Zed Yun Pavarotti : Non au contraire, je trouve ça idéal car ça fait longtemps qu’on n’en voit plus. On cherche de l’étonnement permanent donc ça revient naturellement. Le rock revient vraiment, en Angleterre notamment, avec des groupes modernes super bien comme Fontaine D.C. ou Wet Leg. En plus l’enregistrement a changé, les contraintes d’enregistrements des années 70 obligeaient à entrer dans un concept de composition plus poussée. On ne pouvait pas rajouter les transitions après par exemple. Si en plus on arrive maintenant à avoir une qualité extraordinaire, modifier du son qui a déjà été enregistré, etc. Il y a pleins de trucs qui ont pas déjà été fait finalement. J’adore MGMT pour ça par exemple, je trouve que le croisement entre acoustique et modernité est parfait.

J’aimerais que d’autres gens se lancent dans ce que je fais,

pour avoir un peu de concurrence.

LVP : Tu n’es donc pas nostalgique d’une époque où le rock était numéro 1 ?

Zed Yun Pavarotti : Non mais le seul truc que j’aimerais, c’est que d’autres gens se lancent dans ce que je fais pour avoir un peu de concurrence. Ça ne m’est jamais arrivé car j’ai toujours fais des trucs que j’étais un peu seul à proposer. Mais là j’aimerais bien avoir peur, écouter un morceau et me dire « merde il a fait mieux que moi ! »

 

LVP : Je voulais te parler un peu d’image. Tu fais une sacrée performance d’acteur dans le clip d’In Amour, on te voit notamment pleurer. C’est quelque chose qui te plait cet exercice ?

Zed Yun Pavarotti : Ce qui me plait c’est de co-réaliser mes clips et de pouvoir faire ce que je veux. Je ne sais pas si je pourrais faire ça si on me l’impose. L’idée c’est de faire des trucs qui me font peur, des trucs casses-gueules. Se faire peur c’est trop bien car à la fin tu te dis « bon, j’y suis arrivé ».

LVP : J’ai remarqué que tes clips étaient souvent des huis clos. C’est notamment le cas sur tes derniers comme celui de House ou de Je suis Cendrillon. Ça répond à un choix artistique de ta part ?

Zed Yun Pavarotti : C’est vrai qu’avec Charles Leroy on écrit toujours naturellement des choses qui se jouent davantage sur les personnages. On aime bien faire des tableaux, des trucs un peu felliniens. Puis c’est plus compliqué de construire un récit en changeant d’endroit. Par exemple on dit souvent que les clips de The Blaze sont extraordinaires, pourtant ça reste au même endroit. C’est aussi comme ce que je disais sur les chansons, plus tu raccourcis, plus il y a de l’identification. Si on devait faire autrement, ce serait vraiment à l’extrême, avec beaucoup de vitesse et un million de trucs.

Se faire peur c’est trop bien car à la fin

tu te dis « bon, j’y suis arrivé ».

LVP : Jusqu’ici le contenu de chacun de tes projets était une surprise. Sur Encore tu as l’air d’avoir trouvé ton style. Comment vas-tu faire pour te renouveler, tu n’as pas peur de ne plus avoir peur ?

Zed Yun Pavarotti : J’ai déjà des idées. C’est sûr qu’un jour ce sera fini mais j’ai des objectifs, il me reste des trucs à faire. Une carrière ça passe vite, je ne compte pas être sur le devant de la scène toute ma vie. J’aimerais bien bosser dans le ciné ou même rester dans la musique mais pour faire autre chose que des albums. Je dirais qu’il me reste encore deux ou trois albums max.

LVP : Ton chef d’œuvre est déjà sorti ?

Zed Yun Pavarotti : Non pas du tout ! Je vais essayer de faire une œuvre, qu’entre le premier jet et le dernier il se soit passé un vrai truc, ce serait bien.

LVP : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter après la sortie de cet album ?

Zed Yun Pavarotti : Des milliers de centaines de ventes. Que ça me rapporte un peu de pognon au point que je puisse me dire « j’ai 10 ans devant moi à rien faire si je veux ». Puis que ça m’ouvre des portes, notamment dans la mode qui m’intéresse ou dans le cinéma pour faire des BO. J’aimerais bien me lancer dans des trucs qui ne sont pas juste comme d’habitude.

LVP : J’avais une dernière question : tu penses quoi de la saison de l’AS Saint-Etienne ?

Zed Yun Pavarotti : Est-ce qu’on peut vraiment parler de saison ? C’est catastrophique cette descente, ça a été tellement vite…

LVP : En tant que supporter du Stade Lavallois je compatis… Merci Zed Yun et à ce soir !


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