DeSaintex : “J’ai mis du temps à trouver le feu vert. Pas pour les autres, vraiment pour moi”
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Auteur·ice : Clémence Maillochon
30/04/2019

DeSaintex : “J’ai mis du temps à trouver le feu vert. Pas pour les autres, vraiment pour moi”

Le ciel étant d’un azur étonnant ce 19 avril, nous choisissons de lever les voiles en direction du Printemps de Bourges pendant que quelques iNouïs y défendent leur honneur. Les bagages posés au 22, nous découvrons DeSaintex. Sous une lueur violacée, l’artiste dicte sa poésie francophone sur fond de mélodies follement pop que nous lui adorons depuis son premier EP, Je vois, Je crois. Aventuriers dans l’âme, nous n’avons pu résister à la tentation de lui poser quelques questions.

La Vague Parallèle : Tout d’abord, de quelle ville viens-tu exactement ?
DeSaintex : Je suis né à Strasbourg. Mes racines alsaciennes sont lointaines maintenant car j’ai beaucoup bougé.

LVP : Peux-tu te présenter, toi et ton projet ?
D : Je m’appelle Antoine. À la base, je ne viens pas du tout de la chanson française. Un jour, j’ai eu un déclic ; pour me foutre à poil il fallait que je passe au français. D’où le nom, DeSaintex. Avec sa fausse particule et ce rapport à Saint-Exupéry, il sonne très français.
Au lancement du projet, je vivais encore à Berlin. J’ai commencé à expérimenter pour trouver mon son, ma couleur, que ce soit cohérent. Je ne savais pas encore si j’allais faire de la scène. Puis, il y a un an, je suis parti à Hawaï. Oui, parce que j’ai une autre passion, c’est la mer et les animaux marins. Ce voyage m’a donné les dernières ressources. J’ai terminé tous les morceaux d’une traite. Une colonne vertébrale s’est créée et a formé DeSaintex. Ensuite, je me suis dit : « ok, on va chercher des concerts, on va se vendre ».

LVP : Tu t’es débrouillé tout seul pour trouver tes partenaires ?
D : Oui, c’était sport.

LVP : Tu avais déjà des connaissances ?
D : Comme j’étais en Allemagne, je n’en avais pas du tout. Paris étant un réseau très parigot-parisien, j’ai recommencé à zéro en m’y installant. J’ai mis du temps à trouver le feu vert. Pas pour les autres, vraiment pour moi. Dans la vie, je ne suis pas hyper extraverti. Ce n’est pas une évidence absolue de se dire que, demain, on va monter sur scène. Tout cela a bien mis deux ans.

© C.Boulanger

LVP : Tu as décidé de t’inscrire aux iNouïs ou quelqu’un t’a poussé à le faire ?
D : J’ai un ami qui s’appelle Melchior. Il travaille dans une boîte de tour à Lyon. On s’est rencontré à Berlin par un ami commun. Il me donnait des coups de pouce quand je lui posais des questions techniques, on s’est toujours suivi. Donc généralement, c’est lui qui me pousse vers des opportunités comme celle-ci.

LVP : Es-tu confiant ?
D : Je suis content de mon concert. Je ne le suis pas toujours, même rarement. Enfin, il y a quand même un peu de pression. Mais, je suis surpris de ne pas avoir perdu les gens trop vite comme ça peut être le cas parfois. C’était plaisant.

LVP : Pour toi c’est le plus important finalement ?
D : Oui, on est là pour ça !

Ce serait sûrement horrible de dire « non, je viens juste pour la gagne ».
D : Ah pour la gagne ? Je n’y pense pas du tout. Mon tourneur m’a dit de faire le concert surtout pour moi et pour les gens présents. Dans ma tête, j’ai déjà gagné par le simple fait d’être là. Habituellement, je suis réticent à l’idée de faire un tremplin. Mais, je me rends compte que celui-ci est vraiment un beau tremplin.

LVP : Parlons de ton EP. Avais-tu une idée directrice, une envie particulière sur son contenu ?
D : Ne pas faire de chansons tristes au sens mineur. Je l’ai fait pendant longtemps et, selon moi, c’est plus facile de créer une émotion avec du mineur. Je voulais aussi que l’EP me ressemble. Si, dans la musique, tu récrées le même masque que dans la vie, c’est mauvais. Donc, il fallait quelque chose d’improbable, de très efficace, avec peu d’instrumentation, et que ce ne soit pas mineur. Barricadé est un morceau triste mais il n’est pas mineur. Puis, à force d’en parler, il s’est avéré qu’il y a ce lien avec Hawaï, sa chaleur. Les productions étant faites maison, il reste très fragile et c’est ce qui fait son charme. L’intention est réussie par rapport à ce que je voulais.

LVP : Quelles influences musicales, culturelles ou même personnelles t’ont aidé à composer ?
D : Des milliards. C’est tellement large. Musicalement j’écoute de tout.

LVP : Flavien Berger, non ? On doit te le dire souvent.
D : On ne me le dit pas tant que ça. Mais, j’adore son univers. Quelle simplicité, ça fait du bien !

LVP : Le rapport aux fonds marins aussi…
D : Beaucoup de monde commence à le penser. Je dois faire attention à ne pas l’écrire dans une chanson. Finalement tout m’a influencé ; ce que j’ai écouté, mangé, vu. On m’a souvent parlé de Bashung par exemple. Étant ado, j’écoutais peu de chansons françaises, mais s’il y en a bien un que j’ai toujours validé dans ma tête, c’est lui. Sinon, mes influences sont plutôt anglo-saxonnes, j’étais un grand fan des Strokes. J’adore les voix graves comme celles de Julian Casablancas, Lou Reed. Dernièrement, j’ai adoré Jumping the Shark d’Alex Cameron. Puis, artistiquement, vu que mon père est architecte, les formes et les couleurs, ça me parle.

LVP : J’avais justement une question à ce sujet car ton identité visuelle est déjà très marquée. Penses-tu qu’aujourd’hui l’image soit indissociable de la musique ?
D : Oui. Mais, je pense aussi qu’une bonne chanson n’a absolument pas besoin d’un clip pour exister. C’est lourd même. Malheureusement, le contenu vidéo est important pour que quelqu’un y prête vraiment attention. D’ailleurs, je m’amuse avec ça. Je fais des petits montages sur Photoshop. Car, même si j’aime bien l’image, j’ai du mal avec la mienne. Du coup, plus je la déconstruis mieux c’est. Pourtant, on m’envoie des jolies photos de live, avec du beau grain. Mais, si je les utilise telles quelles, ça fait « moi et moi », c’est chiant. En triplant mon personnage c’est tout de suite plus marrant et ça me permet d’avoir de la distance sur le projet et moi-même.

LVP : Parlons de la pochette de l’EP alors.
D : C’était le début. J’étais en vacances dans le sud de la France. Lorsque j’ai composé l’EP, je ne savais pas du tout ce que j’allais en faire. J’ai voulu aller au plus simple. En ce moment, tous les artistes ont leur gueule en frontale. Mes photos de presse sont comme ça, mais je ne voulais pas que ce soit la pochette. Si je continue à voir ma tête… Tu vois ce que je veux dire… Ça m’arrange de prendre le contrepied.

LVP : Cet EP s’écoute comme on lirait un conte très imagé et poétique, dans une chambre avec une lumière tamisée, rose pâle, des bonbons plein la bouche. Peut-on dire qu’il est une sorte d’exutoire pour toi, comme un doudou ?
D : C’est pas mal ! J’ai voulu qu’il soit vrai, qu’il me ressemble, donc il y a de ça clairement. C’est drôle parce qu’à force, j’ai pris conscience du décalage entre ton image et ce que tu es réellement. Mais, j’aime bien l’idée du conte. Beaucoup de gens font de la super bonne musique, vraiment. Mais, c’est aussi très important de raconter une histoire. Parfois, en composant, je me rends compte que le texte ne suit pas. Pourtant, sans être un gros gratteur j’écris vite. Sauf que si le texte ne marche pas, je n’y crois pas et alors les gens n’y croiront pas non plus.

LVP : Ça t’arrive d’écrire des histoires qui ne sont pas en lien avec ton vécu ?
D : Mon écriture est très automatique. Je n’écris pas en pensant à quelque chose de précis. Sous les cocos, c’est Hawaï. Je vois, je crois, c’est une sorte de délire.

LVP : Pour toi, ça n’a pas besoin d’être concret ?
D : Non. Pourtant je suis sûr que ça l’est finalement. Par exemple, après avoir écrit Je vois, je crois, je me suis dit que le texte n’était pas si con. Je doutais tout le temps, du genre « ouais je vois, mais je crois, je ne suis pas sûr ». C’était ça le sentiment.

LVP : Fedex rapporte le témoignage d’un colis en plein vol. Quelle était l’idée première sur ce titre ?
D : Les camions FedEx circulent dans le monde entier. Visuellement, cette typo rouge et bleu me fascine et me fait automatiquement voyager. Ça parle aussi de la sensation que tu as durant dix heures de vol. Tu ne sais plus l’heure, ni où tu es. Il y a une sorte de nostalgie un peu kiffante et en même temps tu réfléchis beaucoup. Tu écoutes le ronronnement du moteur. Tu te fais une petite histoire en imaginant d’où tu pourrais revenir. C’est un retour de voyage mélancolique mais cool.

LVP : Question live, que dirais-tu à quelqu’un qui ne te connais pas encore pour le convaincre de venir te voir ?
D : Je pense que l’EP est une carte de visite et que le live offre une plus grande dimension. On comprend mieux l’intention en voyant le live qu’en écoutant simplement. Par exemple, au tout début, on me classait dans le genre new wave. Je m’en défends. En live, on perçoit que ça peut aller plus loin, il y a plus de corps.

LVP : Pour finir, quels sont tes projets à l’avenir ?
D : Je suis en train de bosser sur un deuxième EP. J’espère jouer pas mal en tournée cet été ; au Festival Printemps Electrik le 10 mai, à Paris au 1999, à Marseille fin mai. Pour le moment je vis plutôt au jour le jour.
Et si ! Très important ! Le clip de Barricadé sortira d’ici peu. J’ai travaillé avec les mêmes réalisateurs que pour Je vois, je crois, mais l’univers change complètement. On voulait prendre un virage à 90°. J’ai hâte.

Merci DeSaintex !

Voguer en live avec DeSaintex, absorber ses vérités, boire ses fantaisies : le 10 mai au Festival Printemps Electrik (Saint Ouen) ou encore le 5 juin au 1999 Club (Paris).

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