DJ Poolboi, plongeon dans une piscine en apesanteur
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Auteur·ice : Joseph Lanfranchi
07/05/2020

DJ Poolboi, plongeon dans une piscine en apesanteur

À 26 ans, dj poolboi signe sur Majestic Casual, star des chaînes de diffusions YouTube, au flair unique et toujours affûté. Le jeune producteur d’Austin en profite pour partager avec le monde son premier album, it’s good to hear your voice, dont s’échappent quelques pierres précieuses de house rêveuse. 

À l’écoute des premières notes, aussi simples que touchantes, nos sens se dressent sur la pointe des pieds pour entendre la suite. Au fur et à mesure que les secondes défilent, les artifices du musicien nous envoûtent, et c’est bientôt notre âme toute entière qui nous ordonne de céder à leurs appels. 

Plonger dans la musique du jeune producteur, c’est replonger avec tendresse dans les matins, tôt, de la fin de notre adolescence. Son écoute nous glisse dans un océan encore frais et immense, avant que les premiers rayons du soleil ne réchauffent nos yeux rougis par la nuit blanche. Y plonger et y flotter surtout, portés paisiblement par les mélodies nostalgiques et le tempo doré.

Chaque morceau devient un instant hors du temps, lorsque notre visage émerge de la mer, encore recouvert d’une fine pellicule d’eau. Juste avant d’ouvrir les yeux et de secouer les gouttes qui s’y bousculent. Les arrangement sont épurés et l’on y flâne, bercés seulement par quelques notes de piano diffus, un beat apaisant et de discrètes percussions. C’est à la fois un remède contre la tristesse, une libération pour les nerfs et une inévitable claque de nostalgie.

Fuyant le piège d’une house surproduite et sans âme grâce à une rare sensibilité, dj poolboi dépouille ses chansons des détails inutiles qui pullulent et polluent la nébuleuse house. Dès les premières mélodies de like we were the last two people on earth, il esquisse les principales composantes de son univers mélancolique. À l’harmonie parfaite mais sans intérêt, il oppose le spleen indélébile et intime de ses compositions. À la construction impeccable et automatique de tracks inévitablement ennuyantes, il répond par une culbute nonchalante et l’expression non maîtrisée de ses pensées créatives. Sans chercher notre attention, sans vouloir nous faire aimer sa musique, et sans doute en partie grâce à cela, il nous conquit.

Piste la plus réussie de ce premier LP, we can be happy, à l’aide d’un kick, de quelques notes de basse et de subtils arrangements, nous soulève et nous transporte dans nos rêves. i’ll see you in my dreams annonce un futur radieux pour le producteur, révélant ses talents à travers une construction plus élaborée, s’éloignant des standards du genre. Une fin d’album sous forme d’ascension à la douce intensité, qui jette un œil vers certains morceaux de MGMT et Superpoze

dj poolboi ne met pas de majuscule aux titres de ses chansons, un peu comme s’il souhaitait leur enlever ce formalisme pesant et grave dont se targuent parfois les artistes. Le musicien se cache derrière ses compositions, qui elles-mêmes ne se mettent à nu qu’à travers leur nature profonde : la musique. Quelques notes de piano, une atmosphère adolescente, une voix hachée mais toujours douce et sensible suffisent.

Le jeune musicien n’a toutefois rien d’un amateur et chacune des huit pistes de it’s good to hear your voice est finement ciselée. Il appartient à une espèce rare, celle des nouveaux orfèvres, qui de Nils Frahm à Nicolas Jaar, ont troqué les marteaux et fourneaux pour les synthétiseurs modulaires et les boîtes à rythmes. À son écoute, je m’éveille et je m’endors. 

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