| Photos : liaxxondatrax & elenasmfd
Bientôt deux ans que le rap français a la crève, la faute à un vent persistant nommé Douze Déluge. La bonne nouvelle, c’est que la rappeuse a aussi le remède : sa trap de sous-sol sombre peinte en noir et bleue. Après une tape au début de l’été, elle revient avec le clip de LEAVE ME ALONE/OK, deux morceaux en un, responsables de plusieurs torticolis au Grünt Festival le week-end passé. Espérons qu’il reste des écharpes dans le 93, car c’est à Aubervilliers pour le festival SOLIPOP qu’elle vient sévir ce samedi, en soutien aux peuples palestiniens, en plus.
« Encore sept jours, et je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits et j’exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j’ai fait » fit Dieu, de mauvaise humeur. Paniqué, Noé était en train de bourrer son arche d’animaux quand les premières trombes d’eaux se sont abattues. Dans l’ombre du bateau, sur le quai, une silhouette. À sa base, une paire de Louis Vuitton. Finalement, au milieu des cataractes de basses graveleuses, un sourire, glacial d’assurance, dont s’échappa cet ordre : « LEAVE ME ALONE ».
Depuis un an et demi, Douze Déluge ne dévoile son personnage qu’au compte-goutte. La jeune rappeuse débarque à Bruxelles à 17 ans, avec tout le seum d’avoir grandi au Luxembourg. Collages confus d’ambiances sombres, voix pitchée, drum’n’bass, SUBUTEX est son premier morceau. Le public découvre un rap teinté de techno hardcore, une direction musicale qu’elle précise avec MCRCLMT, son premier EP brûlant de froid, trapcore qui s’écoute sur un soundsystem de 20 kilowatts. La Manu le Malin du rap FR.
Détestable. C’est comme ça qu’elle s’autoproclame sur ce nouveau titre, expliquant sur cette prod crépitante avoir été « élevée au couteau (coups tôt ?) ». En voulant à la terre entière dont elle n’attend surtout pas de nouveaux amis, son flow est marmonné et nonchalant, insolent, presque hautain. Et carrément menaçant sous les néons de pièces froides qui forment le décor de son dernier clip : « il est tellement toxique, elle a plus de libido, ah bon ? T’façon il est bidon, si j’le veux il bé-ton ».
Un egotrip froid qui s’habille en Prada, quand il ne revêt pas le sweat du label 33Recordz, celui d’8ruki avec qui Douze Déluge partage une vision, celle de la non-concession artistique. Dans ce nouveau clip, il ne suffit que d’un dérapage pour passer d’un son à l’autre. OK dévoile une prod sifflotante.
Pas le sifflement du flâneur enthousiaste pour rien : celui du vent qui s’infiltre dans les maisons mal isolées et fait grincer les portes. Cette prod ressemble d’ailleurs à ce qu’on entendrait d’une rave avant de la pousser, la porte. Entre des basses qui font de l’air et des claps qu’on entend comme des coups de fouet, Douze Déluge rappe d’un flow qui semble facile. Gardant du Luxembourg les goûts de luxe, la rappeuse entrouvre aussi un peu l’armure qui la protège. Parlant d’une vie délétère, les drogues paraissent derrière elle : « jsuis plus sous tranquillisant ». Ajoutant pour se comparer habilement à un gros bolide allemand : « ils sont pas sous kéta, les chevaux sous la calandre ». Au-delà du pouvoir d’immersion dans des ambiances lourdes et turn up, Douze Déluge c’est une écriture réfléchie, adepte de la rime et de double sens.
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Avant d’espérer headbang dans la fosse de son concert, il vous faudra d’abord écouter le banger MAUVAIS SANG issu de la tape HINTERHALT pt1 sortie en mai dernier. Format plus libre (ou trap débile selon l’artiste) dans lequel on peut même l’entendre rapper dans la langue de Mercedes, pour mieux nous emmener en embuscade, là où elle se sent le mieux. 12D c’est la maitrise au milieu du chaos. Le roseau qui ne rompt pas, pas même qui ne plie. C’est le regard assuré d’une nouvelle génération qui dit à la précédente : baisse les yeux.
C’est du rap, le plus bel art mon frère
