Dov’è Liana à Pete the Monkey : “siamo la festa” ou la passion de l’harmonie dans la fête
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Auteur·ice : Joséphine Petit
15/02/2025

Dov’è Liana à Pete the Monkey : “siamo la festa” ou la passion de l’harmonie dans la fête

| Photo : Anoussa Chea à Pete the Monkey pour La Vague Parallèle

En 2020, on découvrait Dov’è Liana en soirée, entre deux morceaux d’italo disco et on devenait accro en un claquement de doigts. On faisait alors tourner la ligne de basse de Perché piangi Palermo en boucle dans toutes les fêtes, on se disait que ça allait devenir gros et on n’avait pas tout à fait tort. Il y a quelques mois, le trio français le plus connu d’Italie a sorti son premier album du nom de Love 679, un hymne à la fois à l’amour et à la fête, deux qualités de la vie qu’on sous-estime trop souvent. Foulards sur la tête et lunettes vissées sur le nez, les trois artistes anonymes écument depuis le début de l’aventure les scènes françaises pointues et surtout les quatre coins de l’Italie où la fête se fait démesurée. 

De passage à Pete the Monkey, notre festival chouchou, cet été pour la deuxième année d’affilée, on a pris le temps de discuter avec eux d’écriture, de communion et de ce nouvel album, le tout toujours sous le signe de la fête. Alors que sort ce vendredi 14 février une mise en image de Peace, Love & Baci célébrant l’amour, on replonge avec joie dans cet entretien estival.

La Vague Parallèle : Salut Dov’è Liana, on se retrouve juste avant votre concert à Pete the Monkey, comment ça va aujourd’hui ?

Dov’è Liana : Très bien, on est en pleine forme. On passe tous nos week-ends en Italie en ce moment parce qu’on joue beaucoup là-bas. On était à Gênes le week-end dernier, le précédent à Milan où on a fait une super grosse date et ce week-end on va à Rome.

LVP : Donc là on est sur un gros dépaysement en Normandie (rires).

Dov’è Liana : Exactement, on fait une petite pause française très appréciée. Ça fait toujours plaisir de jouer en France, comme on y joue assez peu par rapport à l’Italie.

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle. Est-ce que vous pouvez nous présenter le projet pour celleux qui ne le connaissent pas encore ?

Dov’è Liana : Le projet, c’est “siamo la festa”, comme on dit en italien. Ça veut dire “on est la fête”. On veut faire des hymnes qui rassemblent, prendre le meilleur de ce qu’il y a dans les concerts, les fêtes en boîte et les nuits qu’on passe sous les étoiles et rassembler tout ça en un seul projet. On veut retranscrire tout ça dans notre musique.

LVP : Vous avez commencé avec le tube Perché piangi Palermo en 2020, puis un premier EP, Amore Internazionale en 2022, et trois nouveaux morceaux sont récemment sortis : Benvenuto a Casa RockTutte le Donne, et Summer of Love tout juste hier. Ça annonce un album prochainement ?

Dov’è Liana : En effet. On a composé Perché piangi Palermo il y a trois ans en une après-midi tous les trois autour d’un ordinateur en rentrant de vacances à Palerme. À l’époque, on ne connaissait rien du monde de la musique. On faisait ça pour nous, pour nos fêtes avec nos ami·es. On adorait ce morceau donc on a finalement décidé de le publier le lendemain sur Spotify. On n’a jamais fait de promo ni rien.

Ce qui est drôle dans l’histoire, c’est que depuis le début, tout n’a fonctionné qu’au bouche à oreille. On n’est que tous les trois, on n’a jamais fait ni promo ni com et tout a pris tout seul. Aujourd’hui, c’est un truc de dingue. En Italie, ça reste un peu underground mais c’est quand même devenu un sacré tube. Tous nos concerts là-bas sont fous. On est restés dans cette dynamique et on a sorti deux singles de notre prochain album. On est très excités à l’idée de cette sortie. Après trois ans de singles et EP, le but ici c’était d’arriver à quelque chose de super ambitieux. Ça nous tenait à coeur de faire un album qui garde la fraîcheur de nos compositions de base en y ajoutant tout ce qu’on a appris depuis.

LVP : Il y a quelque chose de mystérieux autour des pochettes des nouveaux singles qui sont illustrées de chiffres. Est-ce que ça a un sens particulier ?

Dov’è Liana : Ça a carrément du sens, c’est parce que ça annonce le nom de notre album qui va s’appeler Love 679. C’est un jeu de mot avec 8 et “hate” : 6, 7, 9, love not hate. C’est le nouveau peace & love !

LVP : Vous êtes français mais vous chantez en italien, une association plutôt inhabituelle mais qui a justement fait votre renommée. D’où vient l’envie de s’exprimer dans cette langue adoptive ?

Dov’è Liana : On revenait de Palerme quand on a commencé la musique et on a été très marqués par la ville. On a fait un mois de fête totalement délirantes là-bas, où tu fais la fête dans la rue toute la journée. On voulait essayer de retranscrire tout ça donc on a chanté directement en italien. Ce qui est marrant, c’est qu’au début on ne parlait pas forcément bien la langue. C’est pour ça que les paroles sont assez simples. Là, week-end après week-end, sans même prendre de cours, on apprend petit à petit l’italien et ça y est, maintenant, on peut enfin parler avec les personnes qu’on y rencontre.

Ce qui est drôle aussi, c’est qu’au-delà de trouver que ça retranscrit très bien l’énergie sauvage et folle de la Sicile, les fans en Italie sont très touché·es également par les paroles alors qu’on écrit ça de manière très sincère et enfantine. C’est une écriture très naïve mais qui les marque beaucoup.

LVP : Oui, ça sonne comme des slogans que les gens peuvent reprendre en chœur.

Dov’è Liana : C’est exactement ce qu’on recherche. En termes de musique, on a plutôt une culture des hits et des tubes. On est très sensibles aux refrains, à la communion de chanter tous·tes ensemble. Donc quand on compose, on s’imagine en live en train de jouer le morceau. On fait la fête tous les trois en composant au studio. Le but c’est de trouver ce qui marche instantanément. En s’amusant dans une autre langue, on est finalement très décomplexés et on arrive à trouver des choses efficaces et qui vont droit au but. C’est ça qu’on aime.

C’est aussi ce qu’on trouve particulièrement beau dans nos concerts. En Italie, quand on arrive sur scène, tout le monde connaît toutes nos chansons par cœur et on chante tous·tes ensemble en une seule voix. C’est très touchant.

LVP : L’an dernier, ici même avec Σtella, elle nous disait qu’elle avait essayé de chanter en grec qui est sa langue maternelle, mais que les mots lui paraissaient trop sérieux pour ça. Vous avez déjà essayé d’écrire en français ou c’est l’une des raisons qui vous ont poussés à aller vers l’italien ?

Dov’è Liana : Exactement, c’est beaucoup trop intime. Je trouve ça admirable d’écrire dans sa propre langue, mais on n’écoute pas vraiment de musique en français, donc ça nous a paru plus simple d’aller vers une autre langue comme l’italien. Dans l’album, c’est partagé entre l’italien et l’anglais. On a essayé d’appliquer ce que nous a permis l’italien jusqu’ici, d’avoir du recul sur la langue, choisir nos mots préférés qui sonnent le mieux, mais avec d’autres images. On ne ferme pas non plus la porte au fait de chanter en français. On n’a pas une revendication extrême dans le fait de chanter en italien. C’est purement esthétique et de l’ordre de l’intuition.

LVP : La plupart de vos morceaux abordent aussi des thèmes communs : le soleil, l’été, l’amour, les vacances… Le tout en Italie. Ça sent bon le linge qui sèche sur les balcons, les marchés sur les places pavées, les gelati pour contrer la chaleur, la récolte des olives sous le soleil doré et la fête jusqu’au bout de la nuit caniculaire. Est-ce que vous considérez que l’essence même de Dov’è Liana, c’est d’illustrer ces tableaux et d’y transporter les gens qui vous écoutent ?

Dov’è Liana : Oui, mais pas que sur ces tableaux-là. En l’occurrence, les deux premières années où on a fait de la musique ont beaucoup été consacrées à ça, parce qu’on allait tout le temps à Palerme. C’était notre inspiration première. Ces images simples et figées qu’on met tout de suite dans la tête des gens, c’est vraiment ce qu’on cherche à faire. Dans l’album, il n’y a pas que de l’Italie, il y a d’autres inspirations. Il y a cette idée d’être tous·tes ensemble à chanter, au même endroit, au même moment, devant la même image : c’est ce qu’on préfère dans la fête.

LVP : Ces dernières années, on voit une vague de musique italienne – ou du moins en italien – faire son petit chemin en France. On pense à Post Nebbia, Ada Oda ou encore Leatherette en rock, aux Psycho Weazel en électro, à Andrea Laszlo de Simone, Calcutta et même Roberto Cicogna avec qui vous partagez l’affiche du festival en chanson pop. Est-ce que vous vous associez à ce mouvement ?

Dov’è Liana : Pas tellement. On voit pas mal tous·tes ces artistes mais on ne se sent pas forcément de leur vague. Celui qui nous parle, c’est Andrea Laszlo de Simone qui est une grande source d’inspiration. On a passé tout le week-end dernier à écouter son album en boucle dans les backstages. On a beaucoup d’estime pour lui, on adore sa musique.

On a une position particulière du fait qu’on soit français et qu’on chante en italien. On ne fait pas vraiment de la chanson. Elleux sont plus chanteurs·euses que nous, nous c’est comme si on utilisait des samples qu’on fait nous-mêmes. On répète nos refrains comme des boucles. On a un peu un pied dans la french touch, un pied dans l’italo disco et encore un autre dans la house, tout en restant dans quelque chose de très pop. On est tous seuls sur notre vague finalement (rires).

LVP : Ne pas faire la même chose que les autres, c’est très bien aussi !

Dov’è Liana : Pour donner un exemple, on a découvert la plupart de ces artistes après avoir commencé. C’est Spotify qui a fini par les associer à notre profil. Mais ça reste un de nos points forts à nos débuts. Aucun de nous trois n’avait un pied dans le milieu de la musique. On s’est lancés à vingt-cinq ans sans connaître personne. On était très vierges et décomplexés. On a fait des choses très simples et basiques mais qui fonctionnent et touchent les gens. Il y a un côté très naïf, on ne s’est pas dit qu’on allait faire quelque chose de simple, on a juste fait ce qu’on voulait faire à l’époque.

LVP : On parlait d’Andrea Laszlo de Simone, qui a composé de la musique de film, pour Le Règle Animal par exemple. Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait vous plaire ?

Dov’è Liana : De ouf. On est ouvert à tout. Toute nouvelle expérience qui pourrait nous faire composer dans d’autres contraintes peut être géniale. C’est quelque chose qui manque parfois dans le cinéma. En tant que spectateur de ce film, on s’est fait la remarque, on est emmenés dans un univers tout le long grâce à la musique, dans une atmosphère qui reste la même. C’est trop beau. Dans les années 70, tous les films avaient leur B.O., avec un thème et un compositeur. Ça ancre encore plus le film.

LVP : Vous vous présentez toujours coiffés de foulards sur la tête, lunettes de soleil sur le nez. Laisser vos identités de côté, c’est une manière de mettre en valeur la musique que vous faîtes avant tout ?

Dov’è Liana : Exactement. C’est très précisément cette démarche. On veut mettre en avant la musique et la fête avant tout. Après, on n’est pas non plus très à l’aise avec le fait de se montrer, notamment sur les réseaux. Au début, on ne voulait pas se montrer du tout, sauf que quand on a fait les premiers concerts et que les gens se sont mis à partager des vidéos, c’était super mais on était trop mal à l’aise de les repartager parce qu’on nous voyait dessus. On a testé les foulards et lunettes de soleil un peu par hasard et on a vu que ça fonctionnait.

On trouvait ça cool de manière esthétique. Avec la lumière sur scène en contre-jour, ça dessine bien trois silhouettes. Et surtout on a fait ça un samedi et le samedi suivant beaucoup de gens sont revenus nous voir avec un foulard et des lunettes sur le nez. À chaque concert, il y avait de plus en plus de gens qui en portaient. On s’est dit que si les gens adhéraient aussi vite, c’est que ça fonctionnait. D’autant plus que ça renforce encore plus le côté communion, le fait de chanter tous·tes ensemble.

LVP : Dans un concert, on donne toujours beaucoup plus de lumière à l’artiste qu’à son public et ici on a l’impression que vous vous mettez plus au même niveau que le public en ayant la même identité physique finalement.

Dov’è Liana : Oui, surtout maintenant qu’on est habillés comme le public (rires).

LVP : Au-delà de la house qui vous caractérise, on sent que l’analogique vous tient à cœur, avec la présence d’une guitare et de claviers sur scène, ou encore les arrangements très doux sur La Tududu qui clôture votre premier EP. Est-ce que ça fait partie de votre bagage musical ?

Dov’è Liana : À la base pas du tout. On a commencé la musique à l’ordinateur, avec Garage Band et un micro. Il y a seulement quatre pistes dans Perché piangi Palermo. C’est très confortable finalement, on peut emmener l’ordi partout avec nous et bosser dessus tout le temps de n’importe où. C’est aussi très décomplexant. Tu peux faire une ligne de basse en t’imaginant que t’es un bassiste légendaire alors que t’es derrière un ordi. Tu peux faire des solos de trompette délirants alors que tu sais pas jouer une note (rires). Les puristes n’aimeront pas ce discours mais nous on trouve que ça donne un côté accessible à la musique qui est génial.

Après, petit à petit, on devient de plus en plus sensibles à l’analogique. C’est un des défis qu’on s’est imposé sur l’album, d’intégrer plus de vrais instruments. On s’est tous les trois mis à apprendre à jouer et on aime bien ça. Par exemple, les lignes de basse des derniers morceaux qu’on a sortis sont faites par Andreas, qui nous a aidé à produire l’album. Ça apporte une autre dimension très intéressante.

LVP : La question à un million : mais qui est Liana ?

Dov’è Liana : Liana, c’est une fille. Ça a participé au fait de mythifier la chose en Italie. Les gens adorent le principe de se demander où est cette fille, puisqu’on ne dit jamais rien à son sujet. Nous, on aime bien se concentrer sur l’idée que ce qui est important ce n’est pas de savoir qui c’est, où est-ce qu’elle est, mais de la chercher. Où est Liana, c’est un peu ce qu’on cherche tous·tes. Dans l’idée, c’est l’amoureuse de primaire que t’as perdue, que tu cherches toujours mais que tu ne reverras jamais.

LVP : C’est la deuxième fois d’affilée que vous êtes programmés à Pete the Monkey. Ça vous fait quoi de revenir cette année encore ?

Dov’è Liana : C’était déjà fou l’an dernier. Ça a été prévu trois jours à l’avance. On pensait que personne ne nous connaissait, on était très stressés et ça a finalement été une fête de malade. On est très flattés de revenir cette année. On est invités sur une meilleure scène, à un meilleur horaire, ça nous touche. Ça confirme le fait que la fête était belle l’an dernier et qu’on est prêts à refaire la même ce soir. On espère que ça sera encore mieux.

| Photo : Anoussa Chea à Pete the Monkey pour La Vague Parallèle

LVP : Ça fait partie de l’ADN du festival, de réinviter les artistes qui y ont déjà joué, dans la programmation ou en tant que festivalier·ères et de créer un sentiment de petite famille autour d’elleux. Être programmés deux années d’affilée, ça participe à vous donner cette impression ?

Dov’è Liana : Pour nous c’est le cas. C’est très flatteur, ça valide le sentiment avec lequel on est repartis l’an dernier. De voir que les organisateur·ices et le public ont apprécié, ça fait plaisir. On commence à prendre nos habitudes, comme de dormir à cinq dans une tente (rires). C’est très cool.

LVP : Pour finir, est-ce que vous pouvez nous confier votre coup de cœur dans la programmation du festival ?

Dov’è Liana : Il y a Altin Gün ce soir et Los Mirlos. Puis Voyou qu’on loupe mais qu’on aurait bien aimé voir. Et Mézigue en closing aussi ! Artistiquement, il est très fort et touchant.

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