En immersion dans les parages de Halo, le nouvel album de Grand Blanc
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Auteur·ice : Paul Mougeot
16/05/2023

En immersion dans les parages de Halo, le nouvel album de Grand Blanc

Après cinq ans d’absence, Grand Blanc vient de faire son grand retour avec Halo, un nouvel album qui poursuit la métamorphose stylistique du groupe, opérée tout en douceur. Un disque surprenant, conçu dans l’intimité d’une maison de campagne transformée en studio poreux, ouvert sur le monde et sur ses parages, dont Camille et Benoît nous ont révélé les secrets au cours d’une interview à la fois poétique et solidement ancrée dans le réel.

La Vague Parallèle : Hello Benoît, hello Camille, comment allez-vous ?

Benoît David : Ça va bien !

Camille Delvecchio : Carrément ! Ça fait longtemps que le disque est terminé donc on ressent une excitation différente, plus fluctuante, avec des pics et des creux. Là, je crois qu’on est dans une phase ascendante d’excitation !

BD : J’aime bien ce mood. Cet album a été long à réaliser mais comme on est indépendants, avec notre propre label, on n’a pas de pression extérieure. On a eu le temps de faire les choses comme on voulait et il nous reste maintenant à préparer le live. C’est ce qu’on fait en ce moment dans notre maison-studio à la campagne.

C’est ce qui est chouette à la campagne : il n’y a pas que ta maison mais il y a les 5 kilomètres autour qui comptent. C’est comme ça qu’on a trouvé le nom de notre label, d’ailleurs, parce que les parages de cette maison sont beaux et inspirants.

LVP : On vous retrouve donc cinq ans après la sortie d’Image au mur, votre deuxième album. Qu’est-ce qui s’est passé pour vous durant ces cinq dernières années ?

CD : On a fait la tournée d’Image au mur puis on a commencé à composer le nouvel album, avec le confinement qui est venu s’intercaler dans le processus. Quand le confinement est tombé, on venait tout juste de commencer à faire quelques recherches.

Après ça, le temps s’est un peu arrêté au moment où on était à quatre dans cette maison pour composer et être ensemble. On a décidé d’y rester et le temps s’est étiré : deux semaines, trois semaines, un mois, un an… Finalement, on a fait une grande coloc’ et c’était génial, c’est quelque chose qui a beaucoup compté pour nous. On retrouve un peu de cette ambiance sur l’album.

© Romain Ruiz

LVP :  Est-ce que vous pouvez me raconter la manière dont vous l’avez conçu, cet album ?

BD : Cet album, il nous est venu petit à petit. Cela faisait six ou sept ans qu’on faisait du Grand Blanc sans s’arrêter, on travaillait avec un label donc on avait un agenda assez chargé. Ça nous convenait bien mais c’était quand même le rush tout le temps. Après la tournée d’Image au mur, on s’est un peu posés, on avait besoin de retrouver du sens.

Il y avait déjà des indices concernant la direction de ce disque : on a commencé à faire un disque de folk avec plein de synthés ambient derrière et puis on s’est rappelé qu’Image au mur se terminait sur Télévision, qui est une chanson folk avec des gros détunes de bandes cassettes… Avant Grand Blanc, on a eu une autre formation qui était plus folk, c’est la musique qu’on aimait quand on était un peu plus jeunes. Ce sont des choses qui faisaient sens. Alors on a cherché à faire de la musique qui nous correspondait vraiment sur le moment, en essayant d’être lucides sur ce qu’on avait envie de faire et de porter, en le faisant dans une maison de campagne en regardant des couchers de soleil et des nuages, c’est ce qui nous est venu assez naturellement.

Il y a aussi eu un moment fondateur de ce disque : sur cet album, il y a un morceau qui s’appelle Loon, pour lequel on a fait un clip avec Jazz Lambaux, dont on est hyper contents. Ce morceau, on l’a écrit pour raconter la toute fin de la tournée d’Image au mur. On avait fait deux dates en Roumanie et on avait ensuite le temps de chiller un peu donc on est partis en voyage dans le delta du Danube. C’est un endroit vraiment très spécial, avec des centaines de kilomètres carrés de bras de fleuve, de roseaux, tu ne sais pas trop où est le ciel et où est l’eau, il n’y a pas vraiment d’horizon… C’est un moment qui nous a beaucoup marqués. On écoutait des morceaux de country, on était peinards et quand on a commencé à écrire Halo, on s’est dit qu’il fallait raconter ce souvenir. Et puis à force de le raconter, le souvenir originel a grandi avec l’album, il a fini par imposer sa couleur de voix, cette musique qui prend son temps, qui va au rythme des saisons.

 

LVP : Ce nouvel album opère un véritable virage stylistique assez radical mais il est vrai qu’on pouvait en deviner certains signes avant-coureurs, avec quelques titres plus acoustiques et plus organiques sur Image au mur ou encore le concert que vous aviez donné avec l’Orchestre National de Metz. Est-ce que c’est quelque chose que vous aviez en tête depuis un moment ou est-ce que c’est la conséquence logique de votre évolution artistique ?

BD : C’est difficile à dire…

CD : Je pense qu’on a besoin de prendre davantage de recul pour répondre à cette question. On n’y a pas forcément réfléchi de cette manière mais je dirais quand même que c’était conscient parce qu’au fur et à mesure qu’on composait notre musique, on la processait un peu et en se retrouvant face à ces ébauches de nouveaux morceaux, on s’est dit qu’il n’y avait pas de kick ni de snare, ce qui était plutôt inhabituel pour nous. On se demandait s’ils allaient finir par venir mais ils ne sont finalement jamais arrivés. Au bout d’un moment, on a fini par l’accepter et par embrasser pleinement l’idée de faire cet album mais c’est vrai qu’au début, on s’interrogeait un petit peu là-dessus.

Pour répondre à ta question, c’est une suite assez logique et qui s’est faite dans la douceur, la transition s’est faite dans le calme, mais c’était surprenant pour nous aussi.

LVP : C’est beau de se laisser surprendre par sa propre musique !

BD : Oui, on a toujours essayé de fonctionner comme ça ! La notion d’acceptation, cette idée que c’est la musique qui t’écrit, c’est un peu un poncif, mais au-delà du cliché, c’est l’une des plus belles choses à vivre. C’est assez intense parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de la dépossession, de l’extériorisation de soi qui est une expérience étrange, mais à chaque fois qu’on l’a faite, on en a été heureux.

Comme la création du disque a été un long processus, qu’on a créé un label entretemps, qu’on n’était plus à Paris, assez rapidement, on s’est rendu compte qu’on faisait vraiment ce disque pour nous.

CD : C’est vrai que ce disque-là, contrairement aux autres, pendant assez longtemps, on ne l’a fait écouter qu’à quelques personnes de notre entourage très proche. Quand on était sur notre label précédent, on était entourés de personnes à qui on faisait écouter nos travaux assez régulièrement parce que c’était comme ça qu’on fonctionnait. Mais là, on était vraiment coupés du reste du monde et je crois que c’était nécessaire pour que cet album existe.

Comme tu le dis, c’est un virage pour nous et je crois qu’on n’aurait pas pu l’aborder avec autant de liberté si on avait pensé aux autres en le faisant. Parce qu’indéniablement, tu penses aux autres quand tu fais de la musique, ce n’est pas quelque chose que tu ne fais que pour toi. C’est quelque chose que tu partages avec les autres et c’est ce qui fait toute la beauté de la chose. C’est comme une petite surprise que tu prépares dans ton coin pour des gens que tu ne connais absolument pas, et tu espères que dans le fond ils vont être contents et que tu le seras aussi. Là, il y avait un peu moins ça. On n’avait pas d’attentes, on était simplement dans cette maison, entre nous, et on était bien.

BD : Il y a une autre idée qu’on aimait beaucoup quand l’intention du disque s’est dessinée, c’est la sobriété dans la production. Quand on a commencé à faire de la musique avec Grand Blanc, on a découvert la new wave, toute une nouvelle culture musicale qui s’ouvrait devant nous et plein d’outils pour la mettre en pratique, mais c’est vrai qu’on avait des idées fixes sur la manière de le faire. On avait découvert le bouton “kick” et le bouton “reverb” et quand on nous proposait des sessions live, on disait “ouais non, on veut jouer avec le kick à fond”, c’était une musique qui était faite pour des clubs ou des salles de concert.

Quand on s’est mis à faire ce disque, on s’est rendu compte que c’était un disque hyper produit mais que sa production était tout de même assez discrète : il faut tendre l’oreille et le réécouter dix fois pour en saisir toutes les subtilités. D’ailleurs, je n’avais pas capté l’espèce d’énorme frise de réverb’ sur le troisième couplet de Loon, je ne l’ai entendu que récemment alors que je l’ai écouté 300 000 fois durant l’odyssée du mix et du mastering, mais je suis tout de même passé à côté.

CD : I did it (rires) !

BD : Il y a encore des trucs que je découvre ! En fait, sur ce disque, la prod’ est pensée de telle manière à ce que les chansons puissent simplement exister en guitare-voix. Ce sont des chansons que tu peux emporter et jouer n’importe où avec ta guitare. Elles trouvent leur place dans toute cette mythologie folk qu’on a beaucoup écoutée. On n’a pas du tout fait un disque pour parler de la pandémie et du confinement, ces thématiques étaient déjà là avant que ça n’arrive, mais je crois que ça a renforcé l’ambiance du disque. Ce sont des musiques qui se jouent avec un rien, il y a cette notion de nudité et de fragilité, qui fait que tu te sens fort parce que tu n’as besoin de rien pour les jouer. Ce sentiment a beaucoup compté pour Halo.

 

LVP : Je trouve que cette formule plus organique laisse aussi la place à la respiration, à la surprise, à l’imprévu. Est-ce que c’est aussi une forme de lâcher-prise, de sérénité, que d’arriver à produire un album de cette manière ?

CD : Quand tu parles de lâcher-prise, je pense que le lieu dans lequel on a donné vie à cet album a beaucoup joué. Ce n’est pas un studio insonorisé, c’est un studio dans un grenier avec un velux qui donne sur le jardin, juste à côté d’une église. Au départ, j’enregistrais les voix de Ben pour Immensité et je me plaignais du bruit de la pluie sur le velux, ça nous dérangeait. Finalement, au bout d’un moment, on a fini par accepter dans l’enregistrement tous ces bruits qui venaient de l’extérieur. Parce qu’au fond, ils y avaient leur place : le bruit des cloches, le chant des oiseaux, la pluie contre la fenêtre… On a fini par se dire qu’on allait continuer dans ce sens-là parce qu’on en avait envie. On s’est beaucoup baladés avec un enregistreur Zoom et un vieux magnéto à bandes et on a commencé à aimer cette démarche qui consistait à laisser entrer les bruits extérieurs sur les pistes et à les coller les uns avec les autres.

BD : Le dernier morceau sur lequel on a travaillé, Oiseaux, on l’a enregistré dans un sous-bois et sur la prise de la gratte, il y a un moment où les oiseaux organisent une espèce de jam naturaliste (rires). Ce truc de l’acceptation, on l’appréhendait un peu au début parce qu’on réfléchissait beaucoup et que ça avait tendance à casser la spontanéité et la beauté de la démarche.

On commençait à parler de folk, d’ambient et de field recording avec nos potes et on se disait que c’était trop moche parce qu’on aurait dit des hashtags (rires). Le field recording, on se disait que ça ferait couillon en interview, qu’on aime vraiment beaucoup les gens qui ont passé leur vie à enregistrer des oiseaux ou des volcans avec leur Zoom et qu’on n’avait pas la légitimité pour s’inscrire dans cette démarche. On a trouvé un entre-deux acceptable avec cette idée du studio poreux, c’est un peu du garden recording (rires). Ça nous allait parce qu’on ne voulait pas emprunter un concept, c’est quelque chose qui s’est vraiment imposé à nous.

C’est vrai que ça crée des espèces de noeuds dans les morceaux : sur Immensité, la pluie arrive juste avant le refrain et il n’y a plus eu qu’à la traiter au mix, c’était un vrai appel de refrain comme on aurait pu l’écrire nous-mêmes.

CD : Le moment qui m’a fait me dire qu’on allait accepter les bruits de l’extérieur, c’est l’introduction de Loon. C’est une prise de Zoom et donc la qualité n’est pas la même qu’en studio. Il y avait une route à côté et sur la prise, il y a un camion qui passe et qui provoque une longue basse tenue, on dirait presque des cordes, et j’ai trouvé ça génial, ça trouvait toute sa place sur le morceau. Quand je parlais d’acceptation du son, c’est de se dire que puisqu’il y a déjà ce bruit à l’extérieur, on pourrait aller le chercher, fouiller dans les backups du Zoom pour en extraire des choses, les coller ensemble… Les parages sont vraiment présents dans ce disque.

 

LVP : Je trouve que ce nouvel album marque justement un changement dans votre rapport au réel, ou en tout cas celui que vous mettiez dans votre musique. Vos deux précédents albums utilisaient des images brutes, concrètes, dures parfois, jusque dans leurs titres. J’ai le sentiment que celui-ci a un rapport plus distancié ou plus poétique avec la réalité, qu’il construit une matérialité différente. Est-ce que ça correspond à une évolution dans votre manière de voir le monde ou est-ce que c’est un besoin de prendre du recul par rapport à une réalité qui est devenue plus oppressante ?

BD : La ville, ça nous a fascinés et on a beaucoup aimé la démonter, la mettre en mots par petites briques et la fantasmer, essayer d’en trouver la bande-son. Ça correspond aussi à un moment différent de nos vies, avec des préoccupations différentes. Mine de rien, Grand Blanc a presque 10 ans !

Comme tu le dis, il y a toujours eu une part sombre et mélancolique dans notre musique et elle existe toujours dans Halo mais je crois qu’elle se trouve à un autre endroit. Sur ce disque, on la retrouve plutôt dans ce sentiment d’espace, d’espace trop grand pour soi. Le fait de partir loin, c’est quelque chose qui nous a plongés dans quelque chose de concret, de très présent, mais vu de la place de Clichy (là où s’est déroulé l’entretien, NDLR), parler des fleurs, des oiseaux et de la nuit qui passe, ça paraît lointain alors que c’est quelque chose de très concret. Même pour nous, ça nous a pris du temps pour accepter que c’était devenu notre quotidien. Le studio, ça a pris du temps pour le monter, ça a pris du temps de trouver l’intention de l’album, de trouver la manière de le produire… Ça a aussi pris du temps de faire notre potager et d’en récolter le fruit, on a des super tomates d’ailleurs…

CD : Les meilleures tomates de la région (rires) !

BD : Ça nous a fait marrer parce qu’en finissant la tournée d’Image au mur, on a beaucoup trippé sur Problemos, un film sur le néo-hippisme et on s’est rendu compte qu’on était en plein dedans. Tout ça pour dire que c’est ce truc un peu naturaliste, le contexte dans lequel on était et le moment de nos vies dans lequel on se trouvait qui a provoqué tout ça.

On avait besoin de mettre l’accent sur ce qui était beau, sur ce qui était doux et pas sur ce qui était discontinu, sombre, nocturne… On avait besoin de calme. On aime tous la poésie et on laissait libre court à nos interrogations : on se demandait pourquoi on écrivait depuis des millénaires sur les fleurs et les oiseaux, et puis on s’est rendu compte que c’était parce que c’est très réel et aussi que c’est un monde où le statut de l’événement est différent. Il se passe des micro-choses tout le temps et en même temps il ne se passe rien, ça modifie ton rapport au temps, à ce que c’est qu’un événement, aux choses auxquelles tu décides de donner du sens.

© Romain Ruiz

LVP : J’aime beaucoup cette idée de parages, de parvenir à réenchanter ce qui se trouve dans notre proximité immédiate, ce sur quoi on a tendance à fermer les yeux alors que ça se trouve sous notre nez. On a beaucoup tendance à chercher l’exotisme, l’aventure ou l’émotion ailleurs quand on pourrait plutôt se reconstituer des petits espaces de rêve dans notre quotidien, un peu comme dans le clip d’Immensité.

CD : Il y a un livre qui a été très important pour nous à propos de ça, ça a été un vrai déclic pour nous, ça s’appelle TAZ, c’est un essai de Hakim Bey.

BD : C’est un essai d’anarchisme poétique et c’est une étude sur le concept de temporary autonomy zone. C’est une sorte de méditation dont l’idée centrale est qu’on est arrivé à un stade de l’histoire humaine où l’autorité s’exerce partout, avec un acte fondateur qui est la fin de la cartographie du globe. C’est un moment où il n’y a plus d’autre monde à l’intérieur du monde. Ce qu’il théorise dans ce livre, c’est que comme l’autorité ne peut pas s’exercer de manière homogène partout, il reste des lieux et des temps au sein desquels l’autorité ne s’exerce pas. Dans cette perspective, ton rôle en tant que citoyen ou en tant que sujet politique, c’est d’être attentif à ces espaces-temps, de travailler ta capacité à les reconnaître et d’en faire quelque chose de beau quand tu es en capacité de le faire.

CD : Il y a dans son livre une phrase qui nous a beaucoup inspirés : “sous chaque repli, des immensités”. Je ne sais plus si la phrase est tournée comme ça, mais c’est cette idée que si tu arpentes assez longtemps un territoire, si tu le regardes assez fort, il finit par révéler son immensité. Il évoque aussi la théorie des fractales, qui est une déclinaison de cette idée : dans chaque chose, une autre chose. Quand on faisait nos balades autour de la maison, on pensait beaucoup à tout ça.

BD : Oui, au début, notre carte de la forêt c’était le chemin, le pré, la clairière et puis progressivement, on y ajoutait tel arbre, telle racine… L’image des parages est devenue de plus en plus riche et de plus en plus complexe, de plus en plus réelle et infinie. C’est aussi comme ça qu’on s’est aperçus que c’était une histoire qui valait la peine d’être racontée. J’aime beaucoup cette histoire de fractale, de division infinie, c’est un problème de cartographie assez fondamental en mathématiques. C’est beau parce que ça a l’air d’être une abstraction plaquée sur le monde, je n’y comprends rien mais je trouve ça plutôt poétique.

D’ailleurs, on se vannait pas mal entre nous parce que c’est vrai qu’on a tendance à faire des envolées conceptuelles quand on réfléchit à notre musique ou quand on est en interview et une fois, on avait dit que notre musique était topographique. On a été très surpris de voir que la formule avait été beaucoup reprise et on se disait que pour cet album, on a repris nos exercices de topographie d’une manière qui nous a vraiment passionnés.

 

LVP : J’ai l’impression que Grand Blanc évolue vers quelque chose de plus immersif avec la création de votre label. Est-ce que c’est vers ça que vous avez envie de vous orienter, un projet plus immersif ?

CD : En fait, si on a créé Parages, c’est pour avoir la liberté de sortir notre musique quand on veut et comme on le veut. Il y a un moment où on était dans cette maison et où on se posait pas mal de questions et la conclusion de tous ces questionnements c’est que la chose qui comptait le plus pour nous, c’était d’être ensemble. Ça fait dix ans qu’on est amis, on l’était avant Grand Blanc et on le sera encore si Grand Blanc prend fin un jour. Ce label, c’est quelque chose qui est un peu plus grand que Grand Blanc. On pourra sortir des projet solos si on en a envie et je sais que si j’ai envie d’en sortir un jour, mes directeurs artistiques seront Benoît, Luc et Vincent. C’est ça, la base du label : se dire qu’on peut faire ce qu’on veut et que les personnes à qui on va demander conseil sont nos amis. C’est quelque chose qui va nous permettre de nous exprimer librement avant tout.

BD : Il y a un truc qu’on a découvert, c’est que faire des disques et les sortir avec un label indé, c’est beaucoup de travail, de doute et d’efforts. Ce ne sont pas des choses négatives mais c’est tout de même éprouvant. Le but ultime, à la fin, je crois que c’est de se réaliser. Le sentiment de t’être réalisé, tu ne le contrôles pas totalement, mais ta démarche en tant qu’artiste te permet quand même d’influer là-dessus. On est hyper contents de tout ce qu’on a fait avec Entreprise jusqu’ici, mais ce sentiment de réalisation dépendait de beaucoup plus de facteurs.

Maintenant, on souhaite évidemment qu’Halo fonctionne, que les gens se l’approprient, mais le fait de l’avoir fait nous-mêmes nous apporte déjà énormément de satisfaction et un vrai sentiment d’accomplissement. Ce n’est pas confortable mais en même temps, si tu veux être hyper confort, je crois qu’il ne faut pas forcément faire de la musique.

La Vague Parallèle : On connaissait aussi Grand Blanc pour ses concerts incandescents, très rock d’une certaine manière. Comment est-ce que vous allez faire vivre votre musique sur scène désormais ? Quelle place vont trouver vos anciens titres dans vos concerts ?

CD : On y réfléchit !

BD : On y travaille, même !

CD : Maintenant qu’on commence à maîtriser tous les morceaux qu’on a sélectionnés dans la liste de ceux qu’on aimerait jouer, on en arrive à cette question que tu viens de poser. Je crois que c’est la partie la plus excitante dans la composition d’un live, celle où tu construis la setlist et où tu changes les arrangements. Ça va être la surprise !

BD : Oui, c’est un peu pareil que pour le reste : on avait des idées et des concepts, on y travaille et on voit comment ça répond à la réalité. Il y a des morceaux pour lesquels on pensait que ça marcherait et pour lesquels ça n’a pas marché, d’autres qu’on imaginait moins mais qui ont bien fonctionné… En tout cas, ça se passe bien, les morceaux d’Halo ne nous ont pas fait défaut. Mémoires vives et Image au mur comportaient des morceaux très séquencés, Halo nous demande d’être ensemble d’une manière complètement différente et c’est de ça dont on avait envie.

On va laisser une place aux morceaux des autres disques dans la setlist parce qu’au moment de composer le live, on est sortis de notre écrin des parages et on s’est rendu compte que même si on n’était pas Lady Gaga, quand on postait des trucs sur les réseaux, il y avait des gens qui nous attendaient et qui se souvenaient de nos morceaux. Ça nous a ramené dans le passé du groupe et on va lui laisser une place sur scène parce que c’est important pour nous et pour les gens qui nous suivent.

La Vague Parallèle : Pour finir, est-ce que vous pouvez partager avec nous un coup de cœur musical ou artistique récent ?

BD : On a déjà parlé d’un bouquin mais on va continuer dans cette direction : il faut lire Chroma de Derek Jarman.

CD : Juste pour teaser un peu ce livre, c’est un livre qui parle de la couleur. Derek Jarman, c’est un peintre et cinéaste et il était en train de perdre la vue progressivement lorsqu’il a écrit ce livre. Au fil du livre, il passe de couleur en couleur en écrivant ce qu’il ressent pour chacune. Ça nous a beaucoup guidés pour cet album, c’était le livre du début du disque, c’est ce qui nous a donné envie de parler de lumière et de couleur.