Entre passion et thérapie, la mélancolie en musique par Pauwel : “C’est comme un beau ciel mauve de fin de journée”
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Auteur·ice : Hugo Payen
19/08/2022

Entre passion et thérapie, la mélancolie en musique par Pauwel : “C’est comme un beau ciel mauve de fin de journée”

| Photo : Shana Mortelmans

Le monde de la folk en Belgique représente quelque chose d’à la fois si petit, et pourtant si grand de par sa richesse d’artistes en tous genres. Pauwel fait partie de ces artistes aux talents incontestables. Entre une délicate sensibilité, une plume sincère et des arrangements enveloppants, le premier album du singer-songwriter est un véritable chef-d’oeuvre. Ces dernières années, la vie de Pauwel a été de nombreuses fois bousculée. Des expériences qui font de lui l’artiste étincelant qu’il est aujourd’hui. 

La Vague Parallèle : Dear est ton premier album en solo, je suppose que beaucoup de choses sont différentes avec ce genre de sortie ? 

Pauwel : C’est sûr. Celui-ci est un album assez spécial pour moi, car ma mère nous a quitté·es quelques mois avant que je ne me lance dans le processus d’écriture. J’ai directement ressenti au fond de moi que le fait d’écrire m’aidait à comprendre ce qu’il m’arrivait, m’aidait à avancer dans mon deuil. D’habitude, quand j’écris une chanson, j’ai tendance à d’abord voir comment elle sonne avec le groupe puis seulement l’enregistrer. Là, on a tout enregistré d’un coup en presque une semaine. Ça nous a fait du bien. 

LVP : Faire de la folk en Belgique aujourd’hui, ce n’est pas commun.  

Pauwel : C’est dingue parce que lors de l’enregistrement de l’album, j’ai senti une espèce de renaissance de la folk en Belgique. Malheureusement, elle est un peu passée inaperçue entre le Covid, les festivals et le fait que les gens veulent profiter et faire la fête ! Ils ne veulent pas juste s’assoir et écouter des chansons tristes (rires). Il y a énormément d’artistes folk en Belgique, mais ils restent sous les radars malheureusement. 

LVP : Et toi, elle te vient d’où cette passion pour la folk ? 

Pauwel : J’ai toujours été un enfant très sensible. Pendant ma jeune adolescence, à 14 ou 15 ans je dirais, tous mes amis étaient à fond dans le punk et dans le rock. De mon côté, la guitare acoustique avait le don de me calmer, de m’apaiser. À force de chercher, j’ai découvert une radio belge qui passait de la folk ! Déjà à cette époque je dirais qu’il y avait un genre de renaissance de la folk grâce à des groupes comme Bon Iver ou Fleet Foxes qui ont apporté énormément de nouveautés au genre. Et c’est dur de ne pas y accrocher ! 

LVP : Dans l’album, on peut entendre énormément de morceaux très épurés où tu es seul avec ta guitare, puis l’instant d’après découvrir des morceaux avec une multitudes d’arrangements. C’était important pour toi de garder la sobriété de la folk tout en voyageant entre ces différentes atmosphères ? 

Pauwel : Tout à fait ! J’ai tendance à me fier à la manière dont j’écris le morceau dans un premier temps. C’est quelque chose d’assez flagrant quand je regarde la direction du prochain album, mais les chansons les plus brutes, juste en guitare-voix, sont souvent les plus personnelles. Ce n’est ni conscient ni inconscient, c’est quelque chose de très organique je dirais. Et je continuerai à fonctionner comme ça. J’aime cette idée de sobriété quand il est question de choses plus intimes. J’adore avoir ce genre de moments très sobres sur l’album, des moments où c’est juste moi.

LVP : Parallèlement, on peut également entendre à travers l’album ces percussions incroyables, ainsi que ces nombreux arrangements. Je suppose que c’est aussi quelque chose que tu voulais garder, le fait d’avoir ce genre de grandes envolées ? 

Pauwel : Le reste du groupe est incroyable pour créer une atmosphère, une ambiance. Vu qu’on a enregistré l’album alors que j’étais en plein deuil, je ne voulais pas donner trop d’arrangements. Je ne voulais pas que ce soit « too much ». J’ai terminé d’écrire pas mal de morceaux directement au studio, ce qui ne nous a pas trop laissé le temps de réfléchir. Ce qui fait que la majorité d’entre eux sont enregistrés en une prise. Le résultat est tel que tout est très spontané, très organique. On a décidé d’enregistrer les morceaux avec les mêmes émotions que lors de leur écriture et c’est quelque chose que je garde toujours en tête dans ma manière de faire de la musique.

LVP : Des musiciens qui te font voir ton écriture sous de nouvelles perspectives je suppose ? 

Pauwel : Clairement. Sur le côté, j’écris énormément avec un très bon ami à moi et c’est étrange mais il est capable de rentrer dans ma tête et d’appréhender mes émotions. Il m’arrive de finir l’écriture de certains morceaux pendant nos sessions au studio juste avant de les enregistrer, puis quand je sens que je coince quelque part, je sais que je pourrais toujours faire appel à lui pour trouver la pièce manquante du puzzle. Et il y arrive à chaque fois (rires) ! C’est particulier d’écrire en étant en plein deuil, car il arrive parfois que ton texte n’ait aucun sens puis d’un coup, une seule personne arrive et ajoute la pièce manquante. C’est aussi pour ça que j’adore m’entourer de musicien·nes ! 

 

LVP : C’était comment au studio ? 

Pauwel : J’avais l’habitude d’enregistrer des morceaux dans ma chambre ou mon salon (rires), le fait d’enregistrer dans un véritable studio pour la première fois de ma vie et ce, en une semaine seulement, a été une expérience à la fois terrifiante et incroyable. Avec cette pression de temps, on a enregistré pas mal de morceaux en une seule prise ! Ce n’était pas quelque chose de facile mais au final c’est l’authenticité que je cherchais, et j’en suis aujourd’hui très fier.

LVP : Lors de ces sessions d’enregistrement, y a-t-il des artistes qui t’ont inspiré plus que d’autres pour affiner la direction que tu voulais prendre ? 

Pauwel : Pendant l’enregistrement en lui-même j’étais vraiment concentré sur ce que je faisais avec le groupe. Pour ce qui est de l’écriture par contre, j’ai énormément été inspiré par l’incroyable Carrie & Lowell de Sufjan Stevens, tout en y ajoutant une direction qui tend plus vers le rock.

LVP : Tu me disais plus tôt que tu étais un enfant assez sensible. Ce premier album approche de manière très directe certaines de nos émotions les plus profondes. Est-ce qu’écrire comme tu le fais t’aide à faire face à ces émotions justement et à les comprendre ?

Pauwel : C’est étrange parce que oui, énormément même. Mais d’un autre côté, il m’arrive de ne pas être heureux à la fin d’un morceau par exemple. Quand tu écris, tu es obligé de revivre certains moments que tu abordes, de t’y replonger de manière très mélancolique. Écrire est quelque chose d’indispensable dans ma vie, mais il faut aussi savoir que ce n’est pas toujours la partie la plus fun. Il y a trois ans, j’ai abandonné la musique pendant un temps, j’avais un bon job, etc. Après 6 mois, j’ai compris qu’il me manquait quelque chose et que ce mode de vie n’était pas ce dont j’avais besoin. J’avais la vie facile quoi, et je n’arrive pas à écrire sur ces choses « faciles » (rires). L’écriture en elle-même ne m’aide peut-être pas à placer mes émotions et à les comprendre. Finir une chanson par contre m’aide énormément, c’est comme une thérapie. 

LVP : J’aimerais revenir sur le mot que tu as dis juste avant : la mélancolie. Récemment, on a eu la chance de discuter avec Leif Vollebekk, avec qui on a abordé cette notion de mélancolie et ô combien elle pouvait être complexe. Comment décrirais-tu la mélancolie à travers la musique toi ? 

Pauwel : Comme un beau ciel mauve de fin de journée. Pour moi c’est ça la mélancolie. Quand j’étais enfant, j’avais un livre avec plein d’illustrations dans lesquelles le ciel était en permanence teinté de mauve. Je me souviens très bien être assis dans mon lit le soir, lisant ce livre, et me sentir triste que la fin des vacances arrivent. Je me concentrais sur les moments que je venais de vivre au lieu de penser à tous ceux qui allaient seulement arriver. C’est la manière dont mon esprit fonctionne. Comme un ciel mauve.  

LVP : J’ai cru comprendre qu’un deuxième album était en cours d’écriture ? 

Pauwel : Il y a toujours un album en cours d’écriture (rires) ! Quand tu finis d’écrire un album, tu penses inévitablement au suivant. J’ai écrit énormément pour le premier, je me suis poussé dans mes retranchements. C’est pourquoi j’ai pris du temps pour moi sans réellement écrire. Je ne pourrais jamais arrêter d’écrire, c’est juste qu’au début ce que tu écris ne ressemble pas vraiment à des morceaux. J’écris, tout simplement. Ces dernières semaines, j’ai tenté de connecter ces écrits et d’y trouver un sens. J’ai déjà le plan, le titre de l’album, tout est prévu dans ma tête (rires). Mais je pense que ça prendra encore une bonne année, disons pour automne 2023 !

LVP : Est-ce qu’il y a quelque chose de nouveau que tu voudrais tenter sur ce deuxième album ? 

Pauwel : Quand tu termines un album, tu te dis directement que le deuxième doit être encore mieux. J’aimerais pouvoir gagner ma vie grâce à la musique, et je me bats pour ça tous les jours en travaillant. Si tu veux être un artiste en Belgique et que tu es indépendant, tu sais que tu ne vas pas tirer énormément d’argent de ça. C’est pourquoi on doit travailler dur pour faire ce qu’on aime. On a du faire un choix entre travailler dur pour la musique ou travailler dur dans une usine on va dire. Et j’ai choisi la première option ! 

LVP : Est-ce que tu dirais que c’est plus compliqué d’être un artiste dans un pays avec une telle frontière entre ses deux industries musicales ? 

Pauwel : Je pense que oui. Et je suis certain d’une chose : si tu fais ce que tu aimes, et que tu te pousses à le faire, un jour quelqu’un écoutera ce que tu fais. C’est dur, clairement, parce qu’on ne veut pas faire de compromis sur les choses qu’on aime. Il y a toujours quelqu’un pour t’écouter (rires) !