Équilibre des Pirouettes : un double album pour un double concentré de pop tubesque
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Auteur·ice : Joséphine Petit
14/02/2021

Équilibre des Pirouettes : un double album pour un double concentré de pop tubesque

Un double album pour apprendre à marcher sur le fil après une rupture amoureuse. C’est ainsi qu’Équilibre a vu le jour, façonné des mains désormais expertes des Pirouettes. Le duo, qu’on sait maintenant séparé à la ville, a choisi d’entretenir sa complicité à la scène, au plus grand plaisir de notre penchant pour leur pop française addictive.

Équilibre, tu es un rêve inatteignable“. Le cadre est posé par le duo lui-même au cœur d’un morceau éponyme. Et pourtant, le disque remet en cause toutes ces conceptions prédéfinies pour secouer la balance, la retourner dans tous les sens, et tester sa résistance. Il suffit de jeter un œil et une oreille à son essence même pour comprendre. Un double album se révèle être précisément le format qui permet à la notion d’exister et de survivre en son sein, tout comme le choix de la tracklist. Si les Pirouettes chantent toujours à deux voix, la symétrie semble parfaite dans la répartition. Le duo joue avec le concept presque en mathématiciens, en proposant des morceaux comme Équilibre qui, d’abord tel un orage éclatant en pleine mer, se transforme rapidement en une montagne aux versants uniformes. L’exacte répartition des parties vocales entre Vicky et Léo, de même que la mélodie associée au titre du morceau, rappellent autant l’équilibre au sommet, que le risque de trébucher dans les pentes abruptes. Love de moi se dresse alors comme la vague qui fait tanguer le plongeoir, Léo célébrant l’égo dans un titre au texte feel-good déroutant dans nos habitudes d’autodépréciations quotidiennes. Faisant toujours vaciller le navire, Enquête d’amour s’inspire à son tour de nos manies digitales sociales contemporaines pour dévoiler un morceau presque trap à l’atmosphère lourde et planante. Mettant sans cesse en péril l’harmonie qu’ils s’évertuent à construire, le jeu d’équilibriste auquel se livrent les Pirouettes sur ce double album est alors constant, total, et remarquable.

 

Sous la notion d’équilibre relationnel, Vicky et Léo ont choisi d’aborder un thème étroitement lié, qui n’est autre que la communication. La plupart des titres s’en imprègnent, certains par les mots, tels que Pli du cœur, Encore un peu d’amour, ou Tu parles trop, et d’autres par les sons, de manière plus implicite, comme Allô et ses sonneries de smartphone intégrées. Là où le véritable changement s’opère sur le disque, c’est dans les voix et leur dialogue. Si nous avions laissé le duo fusionnel dans leur chant sur Monopolis, ce “on” auquel nous étions habitués laisse aujourd’hui davantage place au “je”, et à la conversation. Les deux voix se séparent, échangent et se répondent, pour parfois se retrouver, et souvent mieux s’éloigner. En témoignent les parfaits exemples de Mets les voiles, Avant que l’on se lasse, et Oulala, au clip qui ravira les amateurs de rétro dans une effervescence de paillettes, leggings et justaucorps en couleurs au milieu d’une salle de danse vieillie.

 

Coté composition, si la production reste résolument pop à travers des morceaux tels que San Diego, aux intonations faisant écho à l’album précédent, les Pirouettes expérimentent ici en s’aventurant sur des côtes plus trap avec Enquête d’amour, ou encore Élevé par des loups. Les kids des années 90 reconnaîtront des clins d’œil à la musique électronique des débuts des jeux vidéo, aussi bien qu’au R’n’B de l’époque avec Comment ça fait. Les influences ne se comptent plus, et si l’on pensera parfois deviner une référence à certaines guitares de Souchon des seventies dans Les morsures Monica, l’inspiration pourrait être tout autre. Sur Vitamines, leur plume se libère, les textes se font plus affutés et les pincettes se rangent au placard. Vicky et Léo brouillent les pistes. C’est ainsi qu’Équilibre en sort varié, riche, et toujours plus hétérogène.

Au-delà de la musique, The Pirouettes, c’est aussi une esthétique, et ce nouveau disque est loin de déroger à la règle. Des chorégraphies et tenues au choix de featurings pertinents (le talentueux Timothée Joly sur Lâcher Prise), jusqu’au design et à l’image : tout est soigné au millimètre près. La nouvelle pochette réalisée par Vicky, un bijou lissé de tout défaut sous coucher de soleil en mer, ne se limite pas simplement au format carré d’un album, mais va chercher plus loin, et embarque l’œil sur son catamaran. Les textes, quant à eux, apportent toujours plus d’images sous nos paupières, dans l’esprit d’un “tableau sous ciel de vanille”, tandis que les clips d’Il n’y a que toi, Encore un peu d’amour et Ciel Radieux ne font qu’ajouter à l’image rétro mais décidément contemporaine du duo. En outre, pour les nostalgiques de scénographies surprenantes à la Héros de la villeVicky et Léo ont choisi de maintenir leur Trianon du 24 février prochain en livestream, pour remonter sur scène et y défendre leur troisième disque.

À travers ce nouvel opus qui vient clore une trilogie assumée, les Pirouettes justifient avec minutie le besoin et la profondeur d’un double album. Équilibre est un cadeau délicatement déposé dans le creux d’une vague. Il ne reste qu’à plonger dedans pour s’y oublier, voire même s’y retrouver.

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