Father John Misty ce showman à la barbe tendre
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Auteur·ice : Corentin Souquet-Besson
18/11/2015

Father John Misty ce showman à la barbe tendre

Jeudi dernier on était à l’Epicerie Moderne (~Lyon) pour le concert deFather John Misty. En comparaison avec le concert de Curtis Harding (lundi soir), il y avait beaucoup d’Anglais dans la salle ce soir. D’ailleurs, j’ai pu constater en emmenant une troupe avec moi que, sur ce coup, ils avaient perdu leur sens de l’orientation. Si l’alcool est une excuse, alors excusons-les.

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C’est Anna B Savage qui a assuré la première partie. Seule avec sa guitare, dans le noir, accompagnée des feulements de son instrument et de sa voix grave Anna B Savage livre une prestation innocente et intimiste.
Les morceaux, longs et inégaux, semblent monter pour le live. Des variations d’intensité, des coupures au niveau du rythme et cette ensorcelante voix basse font que l’on gardera un œil sur Anna B Savage. Même si durant les 30 minutes de concert aucun mot n’aura été échangé avec le public et qu’il aura fallu attendre d’aller au stand merchandising pour connaître le nom de l’artiste.

COUP DE COEUR

21h40, sur un fond de Gainsbourg & Birkin,  Father John Misty and co font leur entrée. On apprendra à la fin du concert que Gainsbourg est le chanteur préféré du sir et que par conséquent, il a honte de ne pas parler français.

J’ai l’impression d’avoir en face de moi les protagonistes du tableau « la Cène ». Barbe de rigueur et cheveux longs. La comparaison se tiendra jusqu’à ce qu’I Love You, Honeybear et ses premiers crissements de guitare résonnent.Father John casse tout de suite la barrière virtuelle qui existe avec le public.
Il envoie valser le pied du micro derrière lui et s’approche au plus près du public pour chanter « Honeeeeybear, oooh Honeybeeear». Quelques secondes à peine écoulées qu’il est déjà à genoux en train de serrer les mains des fans (anglais) du premier rang. L’énergie communicative (et débordante) s’empare déjà de la foule ! Leçon n°1 : Comment chauffer une salle en une chanson.

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Il enchaîne avec Strange Encounter et ça repart de plus belle. Cette fois, ce n’est pas les genoux qu’il vient présenter aux premiers rangs, mais son postérieur jonché sur la grosse caisse de la batterie. La version du titre est plus rock que celle de l’album et ça plaît à un public plus que réceptif.

True Affectionet ses trois claviers résonnent. Les lumières sont plus intenses, on aperçoit enfin les 5 musiciens. Father John Misty se retrouve une nouvelle fois à genoux durant le titre. C’est à se demander comment font ses rotules pour tenir le choc. Le titre plus aérien et plus dance que les deux précédents permet au public de libérer son déhanché. Avec comme partenaires les premiers pas de danse de Father John Misty. Il y a dans sa manière de bouger une nonchalance maîtrisée, un style façon jenesaispascequejefais mais je le maîtrise bien quand même. À coup de tours de poignets, d’ondulations des chevilles et de mouvements sur la pointe des pieds. Father à cette aura des personnes qui peuvent se permettre de danser de n’importe quelle façon car ça fonctionnera toujours. Saleté.

Le premier morceau acoustique de la soirée fait son irruption : Only Son of the Ladiesman. Les premiers accords résonnent et les premières larmes (anglaises) de la soirée s’invitent. Non seulement il possède cette aura de mec qui maîtrise, mais il a aussi cette voix qui transperce. Y’a pas à dire, il chante merveilleusement bien. Je me régale de découvrir ses premiers aigus.

When You’re Smiling and Astride Me, on sourit déjà mais on le fait encore plus à présent. Le ton monte encore. Father John fait le show à coups de « OH OH OH », la profondeur du titre est assurée par le crescendo qui finit par imploser (sur les genoux sinon ça ne va pas !). Sans hésiter l’un des titres les plus intenses de la soirée. Malgré les non-larmes (anglaises) sur celui-là.

Il enchaîne avec The Night Josh Tillman Came to Our Apt. Et ce titre m’a moins convaincu. Plus de pas de danse car c’est la guitare à la main que ce morceau est joué. Plus calme, moins pertinent, c’est le seul titre un ton en dessous de la soirée.

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Father John continue dans la lignée des morceaux calmes sur le presque blues de I’m Writing a Novel, ça fonctionne. On nous présente un nouvel univers avec ce titre. Les guitaristes communiquent entre eux à coup de guitares interposées. C’est un peu country sur les bords et le break à la batterie agit sur le public comme énergisant. Father John Misty finit une nouvelle fois sur la batterie, on ne pourra pas lui reprocher de ne pas donner de sa personne.

Chateau Lobby #4, c’était beau de voir LE fan (non anglais) du concert être heureux comme un enfant à la veille de Noël dès les premiers accords de la chanson. C’était communicatif, on redécouvre avec plaisir les aigus purs et doux de notre orateur du soir. Je commence à penser que je suis en train d’assister à un très bon concert … Mal m’en a eu puisque Nancy From Now On fait redescendre en moi cette pulsion.

4 des 5 musiciens l’accompagnant quittent « la cène ». Father John et son claviériste se retrouvent seuls face à nous. C’est une version intime de Bored in the USA, que le désormais duo a à nous proposer. La ferveur des moments passés redescend quelque peu, mais la beauté de l’instant compense de belle manière ce doux moment presque biblique. La cène est de retour.

Place au meilleur morceau scénique de la soirée : Nothing Good Ever Happens at the Goddamn Thirsty Crow. L’arrangement live est un véritable bonbon acidulé. Le côté doux et sucré du début et cette explosion caractéristique finale qui te fait en revouloir. Le retour du Father John à genoux, le jeter de guitare au technicien et cette version fait de ce titre le point d’orgue de ce concert. Le public (anglais) est définitivement conquis.
C’est aussi un arrangement live sur : This is Sally Hatchet, plus rock, plus sulfureux. Les guitares hurlent, se répondent et deviennent de plus en plus présentes. Non ce n’était pas qu’une pensée, ce concert est un très bon concert et Father John Misty est excellent sur scène.

S’en suit Hollywood Forever Cemetery Sings ou le titre phare de FJM. « Jeee-e-ee-sus Christ » résonne, j’anticipe et rejette loin de moi le retour du tableau la cène dans mes pensées. Hollywood Forever Cemetery Singsétait le titre le plus attendu, mais il faut avouer que ce n’est pas lui que l’on retiendra sur l’ensemble de la soirée. Que l’on se rassure, le titre est bon et le plaisir de l’entendre est plus que présent mais d’autres morceaux sont plus forts en live.

Paré de sa plus belle guitare, c’est-à-dire licorne et arc-en-ciel cousus sur sa sangle, Father John Misty entame Funtimes in Babylon. Une ballade qui calme le jeu et qui permet de découvre l’artiste dans un nouveau registre ce soir. On s’y plaît.

Holy Shit sera l’avant dernier morceau avant le rappel. Sincère, émouvant et touchant.

Le set se clôture avec The Ideal Husband et le moment WTF de la soirée prend place. Un hybride entre rock punchy et ballet de danse se déroule sous mes yeux. C’est étonnant mais bizarrement ça fonctionne parfaitement. Le public est plus que chaud et Father John et ses genoux sont de retour, combo tête à tête avec un membre du public + pas de danse sur la pointe de ses pieds. Notre petit rat de l’opéra nous offre, pour finir son set, une dose d’énergie rassasiante et purifiante !

Place aux rappels avec I Went to the Store One Day et Everyman Needs a Companion, Father John Misty en profitera pour discuter avec un fan de son t-shirtPatti Smith et de son dernier livre. En plus de chanter, jouer de la guitare, danser, être un show-man, le voilà maintenant sympathique. Le rappel est un peu en dessous du concert mais il permet de se poser, de profiter de l’instant présent et de ce dernier moment en compagnie de l’artiste.

Pour résumer, en quelques mots,Father John Misty a cette grâce scénique que peu d’artistes ont la chance d’avoir. Il possède cette force qui fait d’une chanson banale un morceau qui prend les tripes (anglaises de préférences). Il a aussi cette sympathie irrévérencieuse qui fait qu’on a envie de prendre un verre ou deux avec lui. Le genre d’artiste qui mériterait mieux d’être plus connu en France.

Jeudi 12 novembre, veille de ce terrible vendredi 13 novembre en France. On communiait, on était heureux, on avait le sourire. A Paris, ce sont ces mêmes scènes qui se sont déroulées quelques minutes avant l’effroi et l’horreur. Ce partage, cette sincérité, ce vivre ensemble qui font des salles de concert un endroit cosmopolite. Un puits de tolérance. Vous n’aurez pas ma haine. Rien ne changera, nous allons continuer à taper des mains, à chanter, à danser, à communier. Car je ne souhaite, jamais, au grand jamais, que se rendre à un concert devienne un acte de résistance.

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