Fauve ≠ : l’interview
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Auteur·ice : Fanny Ruwet
02/03/2015

Fauve ≠ : l’interview

A l’occasion de la sortie de son deuxième album Vieux Frère Partie 2, le collectif FAUVE est passé par Bruxelles pour une journée promo. La Vague Parallèle en a profité pour poser quelques questions à trois de ses membres.

LVP : Après le gros succès du premier album (Vieux Frères Partie 1), aviez-vous beaucoup de pression pour le deuxième ?

FAUVE : On n’a jamais eu la pression, au contraire. Quand on écrit des chansons, on le fait surtout pour nous, dans une certaine démarche thérapeutique. On ne se soucie pas vraiment quand on écrit un disque de comment ça va être reçu. On est tellement partis de loin et tout ce qui s’est passé est tellement inespéré qu’on n’a pas vraiment de pression. On a l’impression d’avoir déjà gagné le championnat de France, et tout le reste c’est des super matchs de foot à faire mais c’est du bonus.

LVP : Vous faisiez quoi avant Fauve, vous avez des boulots particulièrement ennuyeux ? On a l’impression dans vos textes que c’était une période très difficile.

FAUVE :

  • Non pas vraiment, chacun supportait son quotidien de façon différente. C’est surtout la frustration de ne pas avoir autre chose dans la vie que ce qu’on avait. L’envie de retrouver sa liberté de mouvement. Après chez Fauve, ça se cristallise de façon un peu excessive mais c’est parce que c’est un défouloir.
  • On n’avait pas forcément la boule au ventre en allant au boulot le matin. C’est juste qu’un jour tu te rends compte que ça fait déjà 2 ans que tu bosses, et tu te dis « Putain si ça se trouve je suis parti comme ça pour 40 ans, j’aimerais tellement un truc dont je pourrais être fier, qui me donnerait envie de me dépasser, de donner le meilleur de moi-même. On voulait quelque chose de plus exaltant.
  • On ne s’est jamais dit non plus qu’on allait quitter nos boulots et faire FAUVE à plein temps. Ça s’est fait, c’est super et on en profite, mais ce n’était pas l’objectif.

LVP : Ce deuxième album parait moins sombre que le précédent. Ça pourrait laisser   une partie de votre public un peu perplexe. Vous n’avez pas peur que certains soient déçus parce qu’ils n’attendaient pas ça de vous ?

FAUVE :

  • On ne s’est pas du tout posé la question. Il y a toujours eu de l’espoir dans FAUVE dès le début, parce qu’on est des gens comme ça. Parfois justement c’est ça qui fait qu’on peut être un peu en colère. On peut être désarçonné plus facilement et pour le peu que tu sois un peu sanguin, ça donne des trucs comme ça. On raconte ce qu’on vit, ce qu’on voit autour de nous. A partir du moment où ton envie c’est de chroniquer tout ça pour le figer, que ce soit des choses dures ou positives, tu te poses pas la question. Quand ça va mieux t’as envie d’en parler aussi. C’est hyper agréable de fixer quelque chose de beau sur la feuille et sur la bande. Tout ce qu’on a vécu est tellement dingue que ça aurait été hypocrite de continuer à parler de trucs relou. Il semblerait pour l’instant que les signaux qu’on reçoit ne soient pas du tout perplexes, ils sont plutôt hyper positifs, même.
  • Après il y aura toujours le syndrome de « c’était mieux avant ». Les gens pensaient peut-être que FAUVE c’était des chansons sur la dépression, quelque chose de destructeur. Si ces personnes n’adhèrent pas à cette nouvelle partie du projet, c’est peut-être qu’elles ne l’ont pas compris.

LVP : Vous êtes ensemble depuis pas mal de temps maintenant, il n’y a jamais de désaccords entre les membres du groupe ?

FAUVE :

  • Non très peu, c’est assez fluide. On discute un peu de tout, on a la même vision du projet.
  • Chacun est un peu responsable de son domaine. Ça va de la compta à l’écriture des textes en passant par les plannings. On a appris à se faire confiance. Si tu te mets à questionner le moindre truc… Il y a tellement de choses à faire qu’à un moment donné il faut laisser pisser. C’est très fluide oui, on s’engueule jamais.
  • Dès qu’il y a un truc à faire, on ne se rassemble pas tous et on ne vote pas à main levée, c’est pas aussi formel que ça. Chaque projet regroupe un certain nombre de personnes du collectif. Après, comme on est tous amis avant FAUVE, il n’y a jamais d’accroc.


LVP : Vous semblez réservés, mystérieux sur vos identités, et parallèlement vous donner l’impression de vous mettre totalement à nu sur vos chansons.

FAUVE : C’est justement le fait de rester en retrait qui nous permet de pouvoir nous mettre à nu dans les textes. On est protégés. Si on se mettait en avant, il y aurait quelque chose d’impudique, et ça serait embarrassant et déplacé. Là, ça nous protège un peu. Un peu comme une conversation sur un Chat ou un forum. T’es derrière ton ordinateur, t’es anonyme. C’est le fait d’être discret qui permet d’être hyper transparent. C’est là que la fonction d’exutoire de Fauve prend tout son sens. Si on se montrait, il faudrait tout assumer.

LVP : Mais du coup on a l’impression que vous « fuyez » la célébrité.

FAUVE :

  • Non c’est pas fuir la célébrité. C’est une décision qu’on a prise il y a 4 ans dans nos chambres, et on n’était pas à l’aise avec l’idée de se montrer parce qu’on parlait de choses trop intimes. La célébrité on s’en branle.
  • C’est plus un effet collatéral. Après je pense que même si on se montrait en photo, ou qu’on passait de temps en temps à la télé, c’est pas comme si tout le monde allait nous reconnaître dans le métro.
  • Demain tu peux croiser le batteur de Radiohead dans la rue tu ne le reconnaitrais pas. Si ça se trouve tu l’a croisé hier et tu le sais pas !
  • Ouais tu le reconnaitrais quand même il est chauve..
  • Ouais ok, même s’il y a beaucoup de chauves. Mais genre le bassiste de Coldplay tu le reconnais pas, pourtant le mec remplit des stades. (Rires)

LVP : Vous allez enchainer les dates à partir du 04 mars (Ancienne Belgique, complet). Est-ce que c’est encore réjouissant ou vous êtes déjà rompus à l’exercice ?

FAUVE :

  • On voit pas du tout le truc comme quelque chose de casse-couilles. C’est plus un truc hyper excitant qui arrive. C’est un moment de ouf la scène. Et nous on essaye de faire en sorte que ça devienne pas chiant. Bien sûr, si on faisait les mêmes salles que l’année dernière, avec les mêmes chansons… Bien sûr qu’on se ferait chier.
  • Et encore c’est même pas sûr…
  • Ouais, ça pourrait être juste un peu plus routinier. Là il y a plein de nouveaux titres, on change tous les décors, on a une personne de plus du collectif sur scène, donc on sera 6… On va essayer de décliner le principe des Nuits Fauves, donc on va partir avec des baby-foot, des machines à Barbe-à-papa… On va essayer de faire une sorte de grande kermesse etc. Ça ne tient qu’à nous de faire que les choses ne deviennent pas boring. Si jamais on voyait le truc comme un peu relou, on ne le ferait pas.

LVP : Pour revenir un peu sur votre écriture, vos textes viennent-ils de choses vécues ou y a-t-il une part de fiction ?

FAUVE :

  • Non c’est toujours du vécu.
  • Ça peut être quelque chose qu’on voit, des gens qui nous sont proches et qui vivent des histoires qui peuvent nous inspirer.
  • C’est pas des choses inconnues quoi, il n’y a pas de fiction. D’ailleurs c’est pour ça qu’on a été hyper étonnés qu’il y ait des gens qui adhèrent au projet parce que ce sont des histoires ultra personnelles, et on n’a pas du tout comme démarche de faire quelque chose d’universel qui pourrait parler à d’autres personnes. C’était presque embarrassant au début, parce qu’il y a des gens qui rentraient dans notre intimité.

LVP : Comment on se sent quand des choses très personnelles parlent à autant de personne ?

FAUVE :

  • On se dit « T’es pas seul ». C’est assez fou.
  • Quand tu parles de certaines angoisses ou frustrations, au début t’as des personnes de ton entourage assez éloigné, par exemple un cousin un peu éloigné qui vient te dire « Cette chanson ça me parle trop, je ressens la même chose » alors qu’on en n’a jamais parlé ensemble. Jamais on a pensé qu’on pourrait parler à des gens. L’ampleur que le projet a pris, c’est inimaginable. Au début quand il y a des personnes qui viennent mettre des commentaires sur ta page ou sur ta vidéo et tu le connais pas, c’est plutôt déstabilisant, tu te dit pas « C’est génial ». Après, on s’y fait, et on a une gratitude immense pour toutes les personnes qui suivent le collectif.

LVP : D’où la chanson « Révérence » ?

FAUVE : Tout à fait, et d’une manière générale tout l’album « Vieux Frères » est une façon de remercier les personnes qui nous suivent. Révérence en particulier, s’adresse à toutes les personnes qui on permis au projet de voir le jour.

LVP : Vieux Frères Partie 2, c’est la fin d’un cycle. On ne verra plus FAUVE sous cette forme là par la suite ?

FAUVE :

  • Oui.
  • La seule réponse qu’on peut donner à ça c’est qu’on n’en sait rien. On doit se donner du temps pour trouver ce dont on a envie et ce dont on a besoin. Parce qu’on s’est donné corps et âme dans le projet sans se poser la question individuellement de savoir « Quel est mon rapport au projet ?». Là on a besoin de prendre le recul nécessaire par rapport à FAUVE. Et peut-être que cette réflexion aboutira à un 3ème album de FAUVE, mais pas « Vieux Frères partie 3 » parce que le cycle est terminé. Mais peut-être qu’on n’aura pas envie d’y retourner et qu’on fera autre chose, ou rien. Aujourd’hui je ne sais pas, mais c’est pas désagréable de se dire qu’on va avoir un petit moment pour soi. Ça peut faire peur, d’un coup  de n’avoir rien de prévu pour les 3 prochaines semaines. Au début c’est cool t’as du temps et puis après t’as un peu peur. C’est un peu inquiétant mais ça ne peut que nous faire du bien.

Interview : Clément Bacq et Fanny Ruwet

Photo : Kmeron

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