Faye Webster en concert au Botanique, de l’eau plein les yeux et du coton plein les oreilles
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
05/06/2024

Faye Webster en concert au Botanique, de l’eau plein les yeux et du coton plein les oreilles

| Photo : Caroline Bertolini

C’est en regardant notre casquette achetée au concert de Faye Webster de ce 21 mai dernier au Botanique que nous nous rappelons avec émotion une soirée des plus langoureuses en belle compagnie. Après nous avoir ému·es de manière consécutive sur ses quatre albums en date, Faye nous revenait cette année avec Underdressed at the Symphony qui n’aura pas manqué de toucher nos neurones meurtris avec délicatesse. L’occasion rêvée donc, pour espérer voir l’artiste sur scène et quel endroit pourrait concurrencer la scène de l’Orangerie pour cela ? 

Il est de coutume de commencer la soirée de concert par une première partie, si vous êtes à l’heure pour ce faire, comme la personne ponctuelle qui écrit ces lignes. Dans un Botanique sombre, armé d’une guitare acoustique seulement, ainsi que de deux spots lumineux, Benét se tient devant nous, prêt à nous amener une atmosphère apaisante pour ce début de soirée. Nous avions déjà eu l’occasion de l’écouter auparavant et nous aurions adoré compléter l’expérience live de ce soir avec quelques instruments supplémentaires. Pourtant cette fois, la guitare acoustique sera entièrement suffisante pour nous bercer et ce, 40 minutes durant. Si nous devions vous conseiller une chanson pour découvrir l’univers de Benét, on vous proposerait Kiling Eve. On vous prévient, par cette action, vous vous exposez au risque d’avoir un crush musical éminent, loin de nous déranger donc.

| Photo : Caroline Bertolini

Avant de commencer à vous conter notre fanatisme absolu et assumé, il sera utile de vous préciser que bien que les deux derniers opus de l’artiste nous aient eu un bon nombre de fois à verser une larme dans la douche, c’est néanmoins Atlanta Millionnaires Club qui nous a extorqué le plus d’eau. Et pour cela, il nous faut lui faire une mention spéciale. Si le concert ne devait comporter qu’une chanson unique, issue de cet album à tout hasard, nous aurions bravé les torrents de pluie belge pour l’écouter d’un parterre de robots en manque de romance.

Néanmoins, le concert commence par surfer sur nos préférences en commençant sa quête par But Not Kiss. C’est ainsi que Faye Webstar (si vous nous permettez de la renommer pour les besoins du plot), fait une entrée remarquable avec un single qu’un aurait cru réservé à la fin du show. Une bien jolie et presque brutale façon de se mettre dans le mood. Et c’est entre les têtes hautes d’un mètre quatre-vingt que nous parvenons à entrevoir l’artiste qui arbore une douceur plutôt rare. Cette douceur est de celles qui sont confiantes, solides. Vous savez, il est de coutume de voir la douceur comme une chose délicate et fragile. A notre humble avis, celle de de Faye, ainsi que sa vulnérabilité font partie des rares forces qu’il nous ait été donné d’observer.

| Photo : Caroline Bertolini

C’est d’ailleurs grâce à la chanson suivante qu’une pensée intrusive nous arrive à l’esprit : la voix de l’américaine se place hors des schémas stéréotypés des voix du spectre de la douceur. Elle est solide, elle ne craque pas, elle garde un cap très linéaire sans être monotone pour autant. Sorti·es de nos pensées, il nous est maintenant possible d’apprécier pleinement les silences entre lesquels sa voix vogue sur I Wanna Quit All The Time, qui fait référence à la peur de la célébrité à laquelle l’artiste fait face.

I wanna quit all the time

I think about it all the time

It’s the attention that freaks me out

Overthinking in my head again

Vient alors Thinking About You pour rester dans l’intro que nous appellerons “voici mes nouvelles chansons”. D’une simplicité qui fait jalouser l’efficacité, les (nombreuses) répétitions des mots “I’m thinking about, thinking about you” qui se voient dédoublées mélodieusement à la guitare, mettent la salle dans une étrange transe. Une chose est sûre, nous ne sortirons pas indemnes de ce concert. À l’instar de Frank Ocean, Faye semble exceller lorsqu’il s’agit de se languir.

Et voilà qu’arrive notre chanson préférée, dans une ambiance écarlate, comme il se doit pour ne pas manquer sa cible. Si The Right Side of My Neck ne vous avait pas encore pris·es par les sentiments, c’est le moment de se laisser voguer à la sensualité et la tendresse que vous avez trop longtemps rejetées. Une chanson d’utilité publique, qui devrait être une forme de thérapie à elle seule. On n’a pas de vision claire sur ce que fait le guitariste mais on entend ses riffs typiquement estivaux sous la nappe de voix de Faye. “The right side of my neck still smells like youuuu” et toute la salle se balance doucement, langoureusement et on oublie tout le reste.

| Photo : Caroline Bertolini

Ce son distordu ou la marque de fabrique de Faye Webster sort tout droit du blues et de la country des années 60. Il ne faut qu’un bottleneck et quelques notes pour nous emmener à Hawaii rien que par la force de notre imaginaire et de notre nostalgie pour une époque ou nous n’étions définitivement pas né·es. C’est aussi grâce à ce son particulier que les musiques émotionnelles font leur chemin jusqu’à notre colonne vertébrale, via des frissons des plus soudains.

Il nous faudra tout de même vous avouer que cet album avait eu un léger goût de trop peu. Trop peu d’intensité quand Faye nous a déjà prouvé pouvoir brûler et refroidir en l’espace de quelques instants. Trop de retenue quand sa musique et ce projet en particulier, dépeint précisément la tristesse d’une fin de relation. C’est pourquoi nous étions heureux·ses de retrouver quelques chansons issues de I Know I’m Funny haha. Un Better Distractions en règles suivi de Kind Of (un des sons préférés de la première partie), A Dream With a Baseball Player (dont la ligne de basse nous aura à tous les coups) et le single éponyme de l’album, qui lui, plonge toute la salle dans un karaoké chuchoté.

| Photo : Caroline Bertolini

Faye nous avait annoncé que Lil Yachty ne serait pas présent pour performer leur featuring, qui pourtant fut notre Joconde de l’année. Il avait performé quelques jours plus tôt à Bruxelles, mais le destin en a voulu autrement. On se laisse fermer les yeux l’espace d’un instant pour Lifetime, nos poils se hérissant sur les notes de piano et la voix mielleuse de l’artiste. Sans substance illicite aucune, se sentir flotter au milieu d’inconnu·es n’a jamais été aussi simple. Une nappe de silence se propage au dessus de nos têtes et c’est tout ce qui compte à cet instant.

Un moment qui doit malheureusement finir progressivement, nous laissant désarmé·es face à In A Good Way qui arrive ensuite pour nous voler toute volonté d’être en colère contre le monde. Pourtant, on vous jure, on essaye. S’en est fini de nos ressentiments, de nos doutes, de nos mauvais souvenirs. Faye Webster nous a enveloppé·es dans du coton bio et comme lui, elle nous promet réconfort, douceur et rattrape nos larmes si le besoin est.

| Photo : Caroline Bertolini

Wakey Wakey ! On sort de la douceur pour se plonger dans le riff brut et entettant de He Loves Me Yeah!, un des sons qui a piqué notre curiosité sur cet opus, aussi parce qu”il réveille l’ado émo en nous et les hopeless romantics d’une salle entière. L’admiration est toujours de mise dans l’Orangerie du Botanique. Il ne nous restera qu’à bouger les épaules sur du blues et auto-tune, qui nous touche particulièrement depuis qu’un jour, nous sommes tombé·es par hasard sur l’EP Love, Loss, and Auto-Tune de Swamp Dogg. Et pour le coup final, car celui-ci est bel et bien difficile à encaisser, c’est notre petit coeur qui se brise sur la breakup song : Kingston. Délicatement déchirés, nos corps sortiront de cette pièce encore sonnés, de manière robotique presque, comme des “walking machines” pour reprendre les mots de Tamino. Mais quel plus beau câlin de réconfort que la voix de Faye Webster pour nous laisser à nos propres doutes et joies amoureuses ?


Bleu:
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