Felixita nous raconte comment elle a glissé le soleil du Sud dans son premier EP
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
10/07/2021

Felixita nous raconte comment elle a glissé le soleil du Sud dans son premier EP

Ah, les coups de soleil ! Il y a ceux, légers, qui passent avec le temps. Ceux, mesquins, qui brûlent et blessent au beau milieu de la nuit. Et puis il y a ceux, plus intenses, qui transpercent l’épiderme pour nous réchauffer de l’intérieur. Le projet Esquisses de Felixita est un de ceux-là. En guise de carte de visite, cette hédoniste méridionale à l’énergie pétulante nous offre six baisers lumineux et un aller simple pour les côtes ensoleillées de la Méditerranée. Pour mieux comprendre la politique de la lumière qui transcende ce premier projet, on a partagé avec elle un appel Zoom alimenté aux bonnes ondes ainsi qu’un shooting déjanté sur les flots de la Seine à bord d’une bouée gonflable. 

| Photo : Clara Rouget pour La Vague Parallèle

Un univers infusé aux couleurs du soleil

Dès sa première sortie, Nunuages, en juin 2020, il était évident que les inspirations de Felixita n’avaient rien de maussade ou de ternes. On visait ici en plein dans la chaleur et le réconfort, dans les mélodies qui s’envolent pour offrir une écoute plaisante, coulante. La musique du plaisir et de l’allégresse, symbolisés autant par des jeux sur les sonorités que par les images qui les accompagnaient. La chanteuse, dans des tableaux tout droit sortis de la French Riviera qui l’a vue grandir, nous introduisait à son univers rêveur et émancipateur. Et pour décrire son petit monde, c’est encore elle qui le fait le mieux :

J’ai teinté ma musique du sud, de mon environnement. J’ai la chance de vivre la moitié du temps à Nice, au bord de la mer, et donc j’ai incorporé des éléments qui viennent d’ici dans mes morceaux : des bruits de mer, de vague, de vélos, ou même des sons de bois ! C’était important pour moi de faire une musique détendue, et qui célèbre le fait de prendre son temps. La sieste, par exemple ! Ne rien faire, très fort. Et puis, hop ! S’exciter tout d’un coup et se mettre en super bombe pour aller à la fête, courir pour ne pas louper son métro. C’est comme une allégorie des deux vies que je mène entre le farniente du Sud et l’accélération de Paris.

 

Et si ces ondes sudistes pleines de générosité nous avaient tapé dans le cœur sur ce premier single, on les retrouve plus explicitement encore sur Les maisons du sudUne douceur pétillante, qui se fait la bande sonore d’une jeunesse fougueuse passée au bord des flots niçois, avec comme témoins privilégiés les façades aux tons pastels de ces maisons du sud. Comme si tous ces décors avaient constitué le terreau fertile de ce premier EP.

J’aime parler à travers les images du sud, comme le soleil ou la mer. C’est un peu comme si ces éléments étaient les couleurs sur ma palette, à partir desquelles je transmets des messages nuancés. L’environnement du sud, c’est mon ADN. L’utiliser dans ma musique, c’est une forme de pudeur aussi. Car je parle avec des choses que je connais, qui représentent un véritable sanctuaire pour moi. 

Niveau sonore comme visuel, Felixita s’autorise tout. En témoigne le morceau Cabrioles, dont la folie du clip (truffé de véritables cascades réalisées par l’artiste elle-même) se voit doublé par l’audace technique d’un tel morceau : un cocktail surprenant du clavecin et des beats plus modernes. Un choix artistique qui traduit bien la pluralité des influences qui ont forgé son identité musicale.

Ce mélange, c’est également un reflet de mes influences. Petite, j’ai baigné dans cette culture de la variété française : de Claude François à Johnny ou encore Dalida. Et d’un autre côté, je suis une grande amatrice de rap francophone, ça me fait vibrer. Et de réussir à mélanger deux genres opposés, c’est toujours un vrai kiffe. Donc proposer un beat bien corsé avec ce clavecin façon Michel Legrand, c’était un pur plaisir. 

Une histoire de famille

Accompagnée sur scène par son frère et conviant l’ensemble de ses frères et sœurs à prendre part à la réalisation de ses clips, Felixita sait garder ses affaires pour elle et ses proches. Une façon de traduire avec authenticité et fidélité ses inspirations et les histoires qu’elle compte transmettre. Une exigence, aussi, qui est inévitable lorsque l’on prend le pari fou de ne bosser qu’avec ses proches pour composer son premier EP. Mais, somme toute, une stratégie qui porte ses fruits et qui stimule profondément l’artiste dans son processus de création.

En famille, le gros point positif, c’est qu’on a les mêmes références. Les échanges sont très frais, parce qu’on se renvoie un peu la balle de ping-pong à toute allure, sans filtre. C’est smash sur smash (rires).  C’est beaucoup de rires, mais quand c’est la panique, c’est la panique générale. Et ça, j’adore. Parce que c’est une exigence, c’est un rythme qui te tient en éveil. Du coup, désolée du terme, mais tu ne débandes pas, en gros ! Ce genre de collaboration en famille, ça ne réserve que des bonnes surprises.

| Photo : Clara Rouget pour La Vague Parallèle

Une plume espiègle qui vise juste

Autre trait marquant chez Felixita : cette écriture. Jamais à court d’humour et de second degré absolument revigorant, ses textes parviennent tout de même à titiller quelques sujets de société sans jamais vraiment se prendre au sérieux. Une certaine philosophie de vie qu’elle applique au quotidien et qui trouve source dans une réelle envie de faire avancer les choses, mais avec sérénité et détente. Deux mots qui semblent régir la Niçoise.

C’est surtout une façon sincère d’en parler. Que ce soit la pression de l’apparence sur Belle, ou les clivages entre les genres avec J’aime les gars, ce sont des choses avec lesquelles on vit toustes. Chaque jour. Et ces choses-là, il faut en parler. Mais ce n’est pas en haussant le ton ou en se prenant au sérieux que le message va mieux se transmettre. Alors que porter le message, c’est le plus important. Et l’humour, c’est une bonne façon de transmettre son message. Ces morceaux expriment des points de vue détendus sur ces situations, mais n’en sont pas moins pertinents. Ils proposent des solutions de façon apaisée.

Et puis il y a ce sens des mots, cette façon de les faire voler entre eux avec une aisance déroutante. Rien ne semble trop intellectualisé ou forcé. Les mots sont empruntés pour leurs sonorités, et les enchaînements mélodiques des syllabes donnent naissance à une musicalité spontanée et libératrice. Les carcans surfaits du songwriting se voient ainsi balayés par la plume à la fois radicale et naturelle de Felixita qui nous raconte ses récits estivaux avec simplicité et clarté.

Cette écriture, elle est certainement due aux choses que j’ai pu écouter ou lire dans ma vie. Et puis, les mots, pour moi, c’est comme les images et les sons : c’est un médium de jeu. Comme des particules qui s’emboîtent pour former des jeux encore plus grands, des phrases. Et ces phrases sont des mélodies à elles toutes seules. D’où ce jeu sur les syllabes, avec les Nu-nu-nu-nuages ou La vie pa-pa-pa-pa-passe. Ce sont des procédés amusants, qui me font tout simplement kiffer.

 

La politique de la lumière

Ce qui ressort de cet EP, c’est surtout son optimisme et sa luminosité. Felixita veut dire “bonheur” en italien, et il semblerait que l’artiste n’ait pas volé son nom. À en croire les morceaux, la tristesse ne semble pas appartenir au jargon de la musicienne, même si elle n’est pas contre l’idée d’un jour proposer quelque chose de plus fleur bleue pour nuancer ses teintes vives et joyeuses.

Je ne m’interdis pas la tristesse. Au contraire : je me permets tout. En effet, il y a un côté mélancolique sur La Vie Passe. Mais je pense que c’est aussi une question de tempérament, de comment on exprime cette mélancolie. J’espère, dans le cadre d’un long-format, pouvoir proposer quelque chose de plus explicitement mélancolique. Mais ici, sur cet EP, je n’avais pas envie de dédier une de ces précieuses places à un morceau résolument triste. Ce n’était pas mon mood durant la production du projet.

À la fois confortante, amusante et dansante, la musique de ce premier EP tombe à pic pour ponctuer cet été aux accents de libération et de décompression. Comme quoi, le remède idéal à nos peines de confinement réside peut-être dans ces six coups de soleil. Quant à la suite des événements, on espère pouvoir découvrir cet univers gorgé de vitamine D sur les scènes de France et de Belgique très prochainement. En attendant, on s’est permis un petit bond dans le futur, le temps de se pencher sur ses projets à long terme. Rendez-vous dans cinq ans !

Felixita : Dans cinq ans, j’aimerais pouvoir réaliser un gigantesque clip, ou même un court-métrage. Ou même un long-métrage ! Bref, un objet audiovisuel qui reviendrait sur le meilleur morceau de mon deuxième album.

 

LVP : Si ça arrive, on pourra dire qu’on avait l’exclu cinq ans plus tôt.

 

Felixita : Et ça, ce serait vraiment classe !


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