Foals : « On est plus matures sur tous les plans »
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Auteur·ice : Adrien Amiot
01/07/2022

Foals : « On est plus matures sur tous les plans »

Mardi après-midi. Le rendez-vous est pris à l’Hotel Grand Amour, Paris 10e arrondissement. Hier soir, les trois membres du groupe anglais Foals ont joué au Zénith, guichets fermés. Un peu fatigués mais visiblement électrisés par l’énergie reçue, ils attendent les journalistes à leur table. Nous voici réunis Rue de la Fidélité, dans le confort d’un établissement chic – le sirop à l’eau coûte 6€ – et on se demande quels chemins ont été empruntés depuis la trashy secret party de Skins. Fidèles, nous le sommes depuis le choc Antidotes et son math rock implacable. C’est désormais l’heure du septième LP intitulé Life Is Yours et le retour attendu d’un grand amour adolescent. Dans le patio, on s’agite : c’est notre tour.

La Vague Parallèle : Vous avez joué au Zénith hier soir. Comment s’est passé le concert ?

Jimmy Smith, le guitariste de Foals : Incroyable, je pense que c’était mon concert préféré à Paris. Le public était à fond et c’était sold out. Je n’avais aucune envie d’arrêter ! (rires) Ce concert était reporté depuis 2019, donc on l’attendait avec impatience. C’est la meilleure tournée qu’on ait jamais faite. Le lightshow, les nouvelles chansons, l’ambiance entre nous… Tout paraît simple. Pas de négativité.

 

LVP : Ça se ressent dans le nouveau disque. Le son paraît plus serein, apaisé, sûr de lui.

Foals : On a pratiqué nos instruments tous les jours pendant le lockdown et j’ai l’impression que nous sommes devenus de meilleurs musiciens. Le jeu est donc plus fluide. On a commencé à écrire le disque pendant cette période et l’objectif était clair dès le début. Sur la manière de sonner, sur le concept artistique. On est plus matures sur tous les plans. 

LVP : Quel était cet objectif ?

Foals : On voulait un party album. Voilà l’histoire : on était dans un pub en septembre 2020, avant d’enregistrer quoi que ce soit. On cherchait un exemple d’album dont on voulait s’inspirer. Qui soit concis, précis, un 10-tracks efficace, à écouter en voiture, par exemple. Le Blue Album des Weezer est ressorti. Les morceaux sonnent dans une continuité, un mood fil rouge. L’écriture s’est faite ainsi : uniquement de la positivité, des bonnes énergies. 

Nous avons eu assez de souffrances dans nos vies, il était temps de s’amuser. Avec la gestion du covid à Londres – qui était particulièrement horrible – et le Brexit – on est foutu pour des années -, nous avions besoin d’une échappatoire. Les dégâts causés par les conservateurs sont un désastre pour les générations futures. Ça craint d’être au Royaume-Uni en ce moment. Passer la porte du studio et écrire ces chansons joyeuses, c’est tout ce dont nous avions besoin.

LVP : Vous empruntez beaucoup d’éléments à la musique électronique sur ce disque. Vous en écoutez beaucoup ?

Foals : Oui. On écoute beaucoup Monolake, par exemple. L’idée était de composer de la minimal techno avec des guitares et des polyrythmies. Personne n’avait fait ça avant. Quand on enregistrait notre premier disque à New-York, notre producteur Dave Sitek nous avait recommandé d’écouter de l’afrobeat. On n’en avait jamais entendu parler. Ça nous a beaucoup influencé sur la manière de superposer musiques électroniques et guitares. Récemment, on a joué un concert avec Tony Allen, un homme très généreux. La boucle est bouclée.

 

Je peux citer deux inspirations majeures : les disques West Coast de Studio et Plumbicon de Monolake. Néanmoins, je dois dire que je ne vais plus en club, je n’aime pas danser et je trouve l’ambiance trop stressante. J’ai adoré Fabric et le Berghain, mais ce n’est pas mon environnement préféré.

LVP : Ce disque parle du fait de sortir la nuit pour faire la fête. Quelle serait pour toi la soirée parfaite ?

Foals : Ce serait à Londres, bien sûr. Ça commencerait en fin d’après-midi à boire des coups dans un parc avec des amis. Puis entrer au hasard dans un endroit qui paraît cool. Enfin, finir dans un club sans savoir comment on est arrivés là. Mes soirées préférées sont imprévues, go with the flow. Je déteste quand tout est prévu. C’est l’effet new year’s eve, on est forcément déçu.

Récemment, je suis allé à une soirée à Hollywood Hills, ma première. Elle était organisée par le DJ Zedd, que ma copine connait. Je pensais que ça allait être rempli d’abrutis, mais les gens étaient cools et intelligents. Je dois dire que Paris est une des meilleures villes pour faire la fête également. Des bars avec fumoirs sans fenêtre, ils en rêveraient aux Etats-Unis. Malheureusement, je ne suis pas vraiment la scène rock française.

LVP : Un des singles de l’album s’appelle 2am. Que se passe-t-il dans vos soirées à cette heure ?

Foals : En Angleterre, c’est l’heure de la décision. Les pubs sont près de fermer, il faut décider où aller ensuite. Mais peu importe le choix, c’est toujours un mauvais choix. Du genre qu’on regrette le lendemain.

LVP : On a l’impression, dans le songwriting du nouveau disque, que les éléments sont ajoutés progressivement, de manière collégiale. 

Foals : Ça dépend. Sur 2am justement, Yannis (le chanteur, ndlr) a tout écrit à l’avance. Mais normalement oui, nous apportons chacun des éléments au fil des sessions studio. S’ils survivent à une semaine de répétitions, alors on le garde dans le disque ! (rires) Le processus est beaucoup plus simple depuis que nous ne sommes que trois. Straight to the point. Encore une fois, notre objectif était de sonner lumineux, frais, limpide. Ceci dit, nous avions beaucoup de producteurs, donc le son ne dépendait pas que de nous. Ils ont été géniaux. 

 

Quand on a commencé à enregistrer, en septembre 2020, il n’y avait aucune deadline car personne ne savait combien de temps le covid allait durer. Donc on a pris notre temps pour choisir nos producteurs. Il y a Miles James, un maître pour capturer les sons de batterie de manière old school – ce qui prend beaucoup de temps. Puis A. K. Paul, un producteur mythique, le frère de Jay Paul. Il joue de la basse sur 2001. Puis Dan Carey, le meilleur dans la scène psyché. Il produit tous les bons groupes de Londres : Black Midi, Goat Girl, Fontaines D.C.. Enfin, John Hill supervisait le tout pour que rien ne devienne hors de contrôle. Ça aurait pu être un désastre car il y a beaucoup d’égos. Mais ça a marché !

LVP : Comment avez-vous construit votre nouveau live ?

Foals : Encore une fois, très simplement. Nous ne sommes plus que trois dans le groupe, mais nous avons des musiciens additionnels, donc rien n’a vraiment changé. Et puis le light show est énorme. C’est la première fois qu’on investit autant. Tout ça, c’est la faute de Tame Impala ! (rires) On était obligés de les suivre dans le spectaculaire. Ceci dit, notre installation est plutôt simple et de bon goût, je trouve. Pas de surenchère.

LVP : Comment as-tu construit tes goûts en matière de musique ?

Foals : Quand j’étais ado, j’étais à fond dans le Heavy metal. Iron Maiden par exemple. Puis j’ai eu une phase Trance. De la musique électronique très mélodique. Ensuite, j’ai suivi le début du mouvement Emo, avec des disques comme Static Prevail de Jimmy Eat World. Ça sonnait comme du Post-punk à l’époque, rien à voir avec les high school bands – c’est de la merde. C’était simplement audacieux, cool et émouvant. Je peux citer aussi Fugazi ou d’autres groupes de Washington. Évidemment, je suis passé par la suite par Radiohead, qui a changé l’histoire.

Mon premier groupe, c’était avec Walter (le bassiste de Foals, ndlr) quand j’étais à la fac. Après avoir passé mon diplôme, je n’avais aucun plan pour l’avenir, j’étais baisé. Donc on avait fait un pacte avec Walter : si quelqu’un intégrait un bon groupe, il devait y intégrer l’autre. Il l’a fait et j’ai rejoint Foals. Yannis ne voulait pas d’un autre guitariste, mais finalement nous jouons toujours ensemble 20 ans plus tard ! (rires)

LVP : Foals a influencé une génération entière de groupes. Arrivez-vous à percevoir vos références dans la musique des autres ?

Foals : Oui. On a déjà relevé des plagiats évidents. Seulement un accord différent dans un morceau… Mais de manière générale, c’est très positif. Le groupe avec lequel on tourne en ce moment s’appelle Egyptian Blue. Ils ont tous 25 ans et ont grandi en écoutant notre musique. Pareil pour shame ou Yard Act. On se sent fiers. Tout ça n’était pas une perte de temps : notre héritage se perpétue. À l’inverse, on s’en fout complètement de sonner ‘actuel’, ni comme qui que ce soit d’ailleurs.

LVP : Écoutez-vous vos anciens disques ?

Foals : Jamais. On n’aime pas être influencés par nos anciennes compositions. Il y a un blocage, je ne saurais dire lequel. Peut-être quand j’aurai 70 ans, à la retraite ! (rires) Pour l’instant, il faut regarder vers le futur. 

LVP : Vous reste-t-il des rêves musicaux à accomplir ?

Foals : Écrire l’album parfait. J’ai envie de sortir un Ok Computer ou un Kid A, qui change l’histoire de la musique. Life If Yours n’est pas parfait, mais c’est celui qui s’en rapproche le plus. On n’a jamais été aussi heureux d’un disque. D’habitude, on est toujours frustrés pour de nombreuses raisons. 

LVP : Dernière question, quel serait votre meilleur souvenir sur scène, et le pire ?

Foals : Hier soir était un de mes concerts préférés ever. Mais je me souviens davantage des mauvais moments que des bons. Comme pour les critiques. (rires) Je me rappelle être tombé sur scène, avoir sauté dans le public sans que personne ne me rattrape, cassé un synthé… Tout ce qui est possible. Une fois, quelqu’un m’a jeté une bière entière en pleine tête. Mais pour être plus positif, d’incroyables moments arrivent : Glastonbury en premier lieu, et la saison des festivals.

Les prochaines dates de concert de Foals sont à trouver en suivant ce lien.

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