Glints, enfant de chœur à l’âge de la maturité
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Auteur·ice : Jeremy Vyls
06/03/2020

Glints, enfant de chœur à l’âge de la maturité

Ça y est, c’est jour de communion. Celle de Glints, qui devient aujourd’hui un grand garçon. Après deux EP’s et des apparitions notamment chez Warhola et The Subs, il sort son premier album Choirboy, fruit de deux ans de travail. Réalisé en famille, celle de cœur avec ses potes de toujours d’Abattoir Anvers, le disque tant cajolé prend enfin son envol. Et qui dit communion dit donc cadeaux: Glints nous a gâtés, déballons-les.

© Photo : Paul-Louis Godier

“Un album peut être bipolaire”, nous déclarait Glints il y a peu, posé dans un canapé au QG bruxellois de son label. Choirboy en a tous les symptômes. Dans le bon sens. Glints, ou Jan Maarschalk Lemmens pour l’administration communale, a mis toute sa personnalité dans ce premier recueil: des moments d’euphorie et des côtés sombres, du flow et du chant, de la rage et de la grâce. Revenu à ses origines d’enfant de chœur au sein de la chorale de l’opéra, il livre ici un regard mature sur son parcours jusqu’à l’âge adulte. Douze morceaux oscillant entre des gros bangers irrésistibles et les mélodies immédiates de balades à cœur ouvert.

On connaissait déjà sa première personnalité. Rap dur, flow pressé, instrus débordant la grime. En éclaireur: le classique Bugatti, qui a retourné les plaines de Werchter et du Pukkelpop ces derniers étés. Chronique d’un bad trip, synonyme de vie qui part en vrille. On était tout aussi familier avec Gold Veins, sorte de western gangsta où un sample d’Ennio Morricone soutient une quête désespérée : celle du bon filon, du bon coup qui sauverait tout, dans une existence parsemée de galères. Enfin il y avait Fear, porté à bout de bras avec le camarade DVTCH NORRIS. Clamant leurs vécus, faits d’anxiété et de problèmes psychologiques, et secouant leur auditoire avec une fougue rageuse.

Avec sa deuxième personnalité, Glints nous ouvre une autre partie de son cœur. Celle-ci se love dans des sonorités faussement downtempo. Le rappeur devient alors touchant, laissant ses sentiments les plus personnels s’exprimer. Mais ne vous méprenez pas: on n’est pas en présence de tire-larmes piano-voix ici. En prouvant sa maîtrise surprenante du chant, Glints peut surtout compter sur le talent de son frère de beats, Yello Staelens, aka Yong Yello. C’est d’ailleurs dans ces prétendues balades, finalement de vrais petits tubes, que le producteur excelle le plus. Les regrets amoureux de Good Guy ou l’enthousiasme d’un nouveau départ sur Moving Day : tous vous resteront instantanément dans l’oreille, on le parie.

Même effet avec Family Tree, sans doute le texte le plus personnel de l’album. En duo avec son amie belgo-angolaise Martha Da’ro, Glints se questionne sur le poids de la famille : comment on en arrive à reproduire le mal déjà causé par un de ses proches et comment vivre avec cette ressemblance. Pour Martha, le proche c’est son père, pour Jan, son grand-père.

HTTP 404, le morceau d’ouverture, et la descente causée par une rupture; Lemonade Money ou Minimum Wage et les difficultés de la précarité: Glints est le énième à aborder les angoisses de sa génération. Mais à 26 ans, il le fait avec une rare originalité d’écriture et de son, en plus de son accent pure british, unique dans nos contrées. Un mal-être qu’il a décidé de dire au grand jour pour mieux guérir, et finalement se présenter à nous comme un gars heureux. Sentiment matérialisé par Greatness, qui clôt l’album en apothéose. Une ritournelle parfaite entonnée au piano, pour remercier le crew de toujours pour le périple parcouru. Et pour se tourner, rayonnant, vers l’horizon dégagé. Avec un sourire flanqué d’une moustache sur le visage.

Chez Glints, l’image va de pair avec le son. Tout aussi identifiable que sa couleur sonore, son identité visuelle est d’une originalité subtile. D’abord dans les covers d’EP’s, de singles, de l’album qui sont shootées par Thor Salden et conçues par Iljen Put, les colocataires d’Abattoir Anvers tous deux bourrés de talents et de second degré (mention spéciale pour la face de pièce de 2 euros de Minimum Wage et pour le booklet de Choirboy). Ensuite dans les clips, jadis pensés par l’incontournable A$IAN ROCKY, aka Benoît Do Quang (la berlingo dans Gold Veins, c’est lui), maintenant réalisés par un autre pote Glen Schrijvers (on lui doit le costume de Winnie l’Ourson dans Lemonade Money et les saynètes loufoques de la série Not A Rapper). Du talent à tous les étages de la maison anversoise.

© Photo couverture : D. Carty


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