2013. Sept ans. Sept ans que cette voix nous faisait attendre son retour pour donner une suite à The Golden Age. Certes, Woodkid était venu saupoudrer ces années de néant de petites offrandes, comme son EP pour Louis Vuitton (marqué par les innombrables incantations de Jennifer Connelly et les vocalises de Moses Sumney) ou le nostalgique single L’aérogramme de Los Angeles mêlant la voix de Louis Garrel et le talent du producteur français. Ces petits gestes de la part de l’artiste n’ont cependant jamais pu combler l’attente vorace d’un nouveau long format. Aujourd’hui, Woodkid dévoile Goliath, morceau annonciateur de son retour sur le devant de la scène. Cher Yoann, nous sommes prêts pour le Retour du Roi.

Le Français a ce talent pour le son grandiose. Dès les premières notes retentissantes de Goliath, notre corps semble comme perfusé d’une force intérieure et nous donne l’impression de voir nos pas défiler dans une grande avenue bordée d’immeubles immenses, pas et regards appuyés et déterminés. Le Français a ce talent pour le son qui nous transporte dans un univers cinématographique imposant, nous écrase, et nous transporte dans une bulle fictive. Woodkid semble être taillé pour mettre en musique des scènes où des héros et héroïnes illustrent tout leur pouvoir ravageur. Woodkid semble être taillé pour traduire en sonorités l’imposition, la grandeur, le pouvoir et l’assertion. À l’écoute de son art － n’ayons pas peur des mots － comme il est distillé dans Goliath, on se sent conquérant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sur The Golden Age, on retrouvait déjà cette sémantique dans Conquest Of Spaces. Woodkid a ce don et cette affection pour la musique « bold », la musique téméraire et audacieuse. Il est simplement impossible de ne pas parvenir à se créer une image mentale à l’écoute d’un de ses morceaux. C’est là tout le génie de son art : provoquer du cinéma dans nos esprits avec l’unique sens de l’ouïe.

Si Woodkid est producteur et auteur-compositeur, il est aussi réalisateur. C’est donc sans surprise qu’il s’est emparé de la réalisation du clip de Goliath pour en faire son propre chef-d’œuvre et mettre en images cette impression de gigantisme dont il parle lui-même.

Il profite d’être aux commandes pour nous plonger tout droit dans ce nouveau monde aux images d’une netteté rare, à la couleur du soufre et à l’odeur de la mine dans lequel est plongé cet ouvrier qui, barbouillé de suie et les traits saillants, a l’une de ces « gueules » de cinéma parfaites pour l’emploi. Goliath n’est cependant qu’une introduction à cette nouvelle esthétique et au nouveau récit que Yoann Lemoine a hâte de nous raconter. Le morceau évoque cette tension entre responsabilité individuelle et collective dans la création de la folie humaine － que l’on retrouve personnifiée et naissante à la fin du clip － et comment l’humanité doit faire face à cette monstruosité. Une rhétorique qui, enfouie sous la suie et le charbon, trouve bizarrement écho à la situation mondiale du moment. Une rhétorique qui, dans les personnages comme dans le message, pourrait nous faire apercevoir derrière Goliath un Germinal des temps modernes.

Goliath est le premier single du deuxième long format de Woodkid à paraître en 2020. Ce deuxième album devrait être nommé Adaptive Minerals, à en croire les indices disséminés dans le clip ainsi que sur le site web mystérieux qui avait teasé la sortie de ce premier single. Sur ce site appartenant d’apparence à une entreprise industrielle d’extraction de ressources minérales, l’artiste avait pris soin de cacher des indices sur la date de sortie de Goliath (« Activity is expected to resume week 17 » était renseigné en bas de la page, la dix-septième semaine de l’année étant celle du 20 au 26 avril). Nul doute que ce site soit truffé d’autres informations encore confidentielles à propos de ce futur monde dans lequel Woodkid nous immergera bientôt.

Valentin Dantinne

Se nourrit essentiellement de musiques électroniques, de pop et R&B indé et de houmous.