| Photo : Louise Duquesne
Voilà déjà plus d’un mois que les festivals rythment notre été à travers le plat pays et l’hexagone, pour le plus grand plaisir de nos oreilles passionnées, nos cernes sous les yeux et nos jambes meurtries. Ce week-end, c’est à Esperanzah! que l’équipe plantera sa tente. Si pour certain·es, il s’agit d’une expérience renouvelée après une édition magique en 2023, pour d’autres, la découverte du festival le plus engagé de Belgique sera une première. Et si d’aventure, il vous vient la brillante idée de faire de même, ce guide vous aidera sans doute à la concrétiser.
“On ne vient pas à Espé que pour la musique mais pour vivre une expérience complète qui mérite d’être explorée au delà des gros concerts”, nous disait dernièrement Augustin Schlit, l’un des programmateurs du festival. Cette année, le festival se réinvente plus que jamais. D’abord avec la création de la Coopérative ZAH! pour soutenir les activités de l’association et pour laquelle chacun·e peut devenir membre, et ensuite avec un tout nouveau storytelling sur “L’île d’Esperanzah!”, mini monde que voici :
Nouveau plan, nouveaux emplacements pour les 7 scènes. Parmi elles, certaines se trouvaient déjà sur le festival : comme celle au Jardin (fédératrice) et au Village des possibles (convergence des luttes). D’autres ont été transformées, la programmation musicale de l’ancienne Futuro s’est splitée entre La Rugissante (ambiance volcanique queer et punk), La Turbine (boom boom toute la journée) et la Nova (défricheuse de nouveaux talents). Ainsi que des scènes renforcées telles que la Wakatay (jour et nuit) et Kokako (vertigineuse) qui abritent des artistes circassien·nes et d’autres divertissements.
C’est tout un monde qui existe aussi sein d’Esperanzah! et qui permet à son public de piocher ce dont il a besoin parmi toutes les activités proposées, des plus bruyantes aux plus apaisantes. C’est pourquoi nous avons décidé de t’aider à t’y retrouver grâce à des tips de fans invétéré·es qui ont croisé notre chemin de mélomane exigeant·e.
Equipé·e, tu partiras
Comme dans tout festival, il convient de bien s’équiper pour profiter d’un confort la nuit qui te permette de tenir toute la journée – enfin, ça, c’est si le focus est mis sur le sommeil. Cet article ne te dira pas de prendre de l’anti-moustique car on sait que tu es organisé·e et que tu n’utilises désormais plus ton unique pull en guise de coussin. Néanmoins, quelques objets sont intéressants à arborer durant ce festival, pour plus de confort.
Tout d’abord, troquer tes plus belles baskets contre des chaussures de marche et des mollets en forme, car faire “Espe” c’est aussi arpenter de haut en bas l’Abbaye de Floreffe pour ne rater aucune des activités de ta liste et ça grimpe. Leyla, fidèle de longue date du festival, nous conseille également de prendre ton propre Ecocup, un bracelet en plastique et un mousqueton, d’abord pour un max de style à la ceinture et surtout pour pouvoir le remplir à tout moment, puisque l’eau est accessible et gratuite partout sur le site. “Une joie de ne pas faire la file pour de la flotte”, c’est vrai. Dire que nous étions déjà ému·es à l’idée d’avoir de l’eau gratuite.
Autre accessoire utile selon Leyla : de la liquidité. Pour le Comptoir des saveurs, comprenez “endroit où l’on mange” et pour le Bar de Magda (on ne vous dira rien de plus qu’allez-y, vous ne regretterez pas l’expérience). Il parait que les autres bars fonctionnent avec une carte, donc n’hésite pas à installer l’application Payconiq pour recharger ta carte en direct et ne pas faire la file. Cet article n’est pas sponsorisé, on te le promet.
Dernier accessoire qui peut sauver des vies, tout poncho, cape anti pluie, kway, et autres protections hydrophiles et/ou imperméables, parce que “la légende veut qu’il y a toujours bien une énorme drache à un moment à Esperanzah!“, nous dit Clara. “Ça fait des années que j’y vais. Et une bonne drache d’orage qui rafraîchit tout le monde nous attend souvent. Après ce sont des légendes (qui se confirment cependant d’année en année)”.
Au camping, tu dormiras
Les festivaliers·ères ne sont hélas pas d’accord sur tout. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse du public. En ce qui concerne le camping, certain·es préfèreront, comme Leyla, “aller au Camping festif, car le Camping famille est hyper loin”, d’autres choisiront “le calme”, “sans bar ni djembé”. Ce choix, facile pour les un·es, sera le plus difficile pour les personnes sur le point d’entrer dans la trentaine. Et si on a bien compris, celleux qui ont déjà passé quelques festivals au Camping festif, choisissent désormais le Camping famille, par choix de la raison.
Toutefois, si ton choix se dirige vers la fête et les percussions, il te sera possible d’apprécier la radio matinale du camping, “idéale pour se mettre en jambes avant l’ouverture du site” selon la personne qui l’anime depuis plusieurs années, Augustin Schlit.
Au festival, tu te ravitailleras
Un point d’attention qui aura motivé notre venue, c’est aussi l’accessibilité du festival en terme de prix. Un pass 1 jour à 50€ et 3 jours à 110€, c’est l’un des tickets les plus bas existants en Belgique. Si l’inflation n’a pas épargné le monde de l’événementiel et en particulier celui des festivals, tous ceux qui étaient comptés comme les plus abordables le deviennent de moins en mois.
Et si le poids du ticket dans son porte-monnaie compte, c’est aussi la vie sur le festival qui, souvent, te pousse à reconsidérer une carrière dans la finance. À Esperanzah!, ce qui nous permet de garder de l’énergie trois jours durant, les boissons et la nourriture donc, sont plus qu’abordables. On nous dit que la nourriture y est “ultra qualitative et variée avec une vraie charte éthique sur la provenance des produits et des restaurateur·ices avec qui on travaille pour la plupart depuis des années”, selon Augustin Schlit. Une aubaine, puisque les frites à 7€ en festival ne parviennent souvent pas à adoucir notre palais fatigué mais sont pourtant bien déterminées à nous voler nos derniers cents.
De la musique, tu écouteras
Aller à un festival pour la première fois, c’est une opportunité incroyable de découvrir. C’est pourquoi, on nous a conseillé d’aller voir ce qu’il se passe du côté de la scène Nova qui met en avant la scène émergente décrite comme un “refuge sous un vestige jusqu’alors inexploré”. L’histoire de cette scène se résume par l’organisation d’un endroit de passage, “curieuse explosion thermonucléaire, aussi brillante qu’éphémère, qui emmène tout le monde dans un tourbillon de fête, révélant à la lumière des feux de camp les artistes sorti·es du bois”. Cette nouvelle étoile est internationale autant que défricheuse, elle révèle les étoiles montantes et les jeunes constellations de la musique actuelle.”
A ne pas rater : Baby Volcano et Lalalar
On peut également entendre que “Ze place to be” cette année, ça sera La Turbine, la grange de la teuf avec des DJ sets de l’ouverture à la fermeture”. Une scène comparable à une usine qui sert à ravitailler les autres scènes. On peut lire sur le site : “oubliez les fleurs. Là bas, rien ne pousse”. Le nouveau moyen trouvé pour alimenter la machine est novateur : mixer des sons boum boum non-stop. Il parait que la programmation turbine à plein régime, “c’est gris, c’est brut, ça tranche les tripes au laser. Autant avoir le cœur bien accroché avant de franchir le pas de la porte blindée.”
A ne pas rater : DJ Brebis et BB Fat
Une dernière pour la route, c’est La Rugissante qui arbore une programmation “queer punk dans l’attitude comme dans la musique”, toujours selon Augustin. On peut lire que c’est la “porte d’entrée du meilleur comme du pire, ou le désordre est désormais d’un nouvel ordre”. Pas seulement équipée en musique car sur cette scène, “tout est là pour s’enivrer sans trêve” dans une ambiance ultra festive et politiquement engagée ; maitrank, karaoke live, poésie, entre stand up et shows drag en passant par les live bands aux mentalités bien punk. Si tu avais besoin d’encore un argument pour t’abandonner à La Rugissante, l’organisation t’invite à survoler le politiquement correct et à nager dans le grand bain de l’insolence, du culot et de la désinvolture.
A ne pas rater : Madam et Ilona (standup)
De notre côté à La Vague Parallèle, on vous souffle simplement notre petite sélection programmatique du weekend, à bon·nes entendeur·euses :
- Vendredi – Yame, Peet, Aili, Lalalar, Baby Volcano, Bo Meng, Raql
- Samedi – Lucky love, KT Gorique, PORCELAIN ID
- Dimanche – MC Solaar, Zaho de Sagazan, Eloi, Turkish Kebap, L4U
Le coucher de soleil, tu regarderas
Ici, on te partage un secret que peu de personnes connaissent. Il est possible de regarder le coucher de soleil dans le cimetière. Selon Clara, c’est un “moment break hors de la foule, relax et mignon”. Le bémol, “il faut que ça se synchronise avec un moment où il n’y a pas de concert cool”. Il s’agit maintenant de vérifier que l’endroit est toujours accessible via le nouveau site, il est à côté du festival, près de l’Eglise Notre-Dame-De-Rosaire. Il parait qu’il faut se mettre sur le muret et qu’il est possible de voir le camping avec le coucher de soleil.
“La bouffe, les stands, les djset, la programmation de manière globale, tout est réfléchi pour que tu sois dans une bulle hors du temps, pour qu’une fois de retour en ville, tu retrouves tes racines”.
Sur le site, tu te pavaneras
Un conseil ultime qui est revenu autant de fois que de personnes interviewées : “le meilleur conseil que je donnerais c’est d’aller tôt sur le site pour avoir le temps de déambuler, c’est souvent l’après-midi que j’ai passé mes meilleurs moments”, selon un adepte du festival. Selon Violette, festivalière régulière : “Je pense que ce qui est intéressant c’est de faire d’autres trucs que juste aller aux concerts, il y a des débats, des séances cinéma et du spectacle vivant. Pour ça, je te conseille d’y aller au feeling, mais je te garantis que tu n’auras que de belles surprises. La bouffe, les stands, les djset, la programmation de manière globale, tout est réfléchi pour que tu sois dans une bulle hors du temps, pour qu’une fois de retour en ville, tu retrouves tes racines”.
Si ce super témoignage ne t’a pas encore convaincu·e, Clara conseille également de “s’informer sur les séances de cinéma (souvent, on se focus sur les concerts) mais les films et documentaires sont cool. En plus, il y fait “frais”, cinéma présent dans le Village des possibles dont on vous parle dans un instant. Petit plus, en début de journée, il propose des projections pour les enfants, que demander de plus finalement.
Pour garder une attention délicate sur le·a festivalier·ère que tu es, le Plan SACHA est également présent sur le site. Dispositif initialement créé par Esperanzah!, il a spécialement été conçu pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs. Il vogue maintenant en solo pour travailler sur ses trois axes principaux : la formation, la sensibilisation et la prise en charge. Au sein du festival, c’est une “culture de la fête et du consentement” qui est prônée.
Pour ta sécurité et celle des autres, il y aura donc des “Super Sacha’s” formé·es aux “problématiques liées aux violences sexistes et sexuelles envers les personnes sexisées et toute personne discriminée en raison de son genre, de son orientation sexuelle, de sa race, etc”. Elles sensibilisent les festivalier·ères à la culture du consentement et ont un protocole spécifique peu importe leur rôle sur le site. Il y aura également de l’affichage qui vise à sensibiliser, ainsi que des stands Plan SACHA et des ateliers plus approfondis. Très important aussi en cas de problème : une cellule de prise en charge est mise en place, disponible 24h/24 par téléphone et en face-à-face grâce à des espaces sécurisants.
Parce que le consentement c’est aussi cool et sexy, on vous conseille vivement de vous renseigner sur les activités et formations de l’association, et puis on n’encouragera jamais assez à respecter l’espace et les limites des autres, tout simplement pour un max de fun – pourvu qu’il soit safe.
Le Village des possibles, tu arpenteras
Esperanzah!, ce n’est pas qu’une affaire de festivité, c’est aussi un festival où tout est pensé dans la perspective d’un projet de société, ce qui le rend éminemment politique et c’est aussi ce qui nous touche particulièrement au sein de la rédaction de La Vague Parallèle. C’est d’ailleurs une des premières choses qu’on nous a conseillé à propos du festival et c’est d’ailleurs au Village des possibles que se matérialise la politisation du festival, même si elle n’y est pas présente exclusivement. Ça tombe bien, puisqu’on a pu avoir Cyprien Hoffmann au téléphone, coordinateur·ice de la scène.
Cyprien nous annonce tout d’abord être en plein montage sur le site du festival, aux côtés de ses collaborateur·ices ainsi que de l’asbl liégeoise L Trans Form qui réalise en non mixité de personnes FINTA, des chantiers participatifs pour personnes minoritaires ou pour des projets associatifs, personnels, militants et engagés. Si l’emplacement a changé cette année, le concept reste le même ; dj sets tous les soirs, show drags, scène ouverte, cinéma, du stand up, des discussions/débats. Le but, vous l’aurez deviné : la convergence des luttes.
Pour ce qui est de la thématique de cette année, la baseline est “omerta coloniale réveil international”, sujet ô comment visible actuellement. 28 associations ont posé leur stand sur le site du festival et ont collaboré au choix du thème sur une démarche d’éducation permanente. Elles ont ensuite pris leur sujet d’action principal et l’ont tourné autour de la décolonisation. “Jeux, vidéos, cartes, … beaucoup d’outils qui seront disponibles pour permettre de comprendre de quoi on parle quand on parle de colonisation”. La réflexion de départ a émergé au vu de la situation en Palestine notamment et qui s’est élargie ensuite, nous raconte Cyprien. “C’était important de parler de la Belgique et de son empire colonial pour raccrocher les wagons” et faire des ponts. Même dans le pays dans lequel on vit, on est concerné par la colonisation, ça ne se passe pas que loin de nous et ce n’est pas déshumanisé.”
A ne pas rater : Déconstruire le Féminisme Blanc : Dynamiques de Domination, Invisibilisation des Afrofem et Instrumentalisation de l’Intersectionnalité, discussion à l’Espace débat entre Ntumba Matunga du Média Afroféministe Tétons Marrons et Estelle Depris du Média Antiraciste Sans Blanc De Rien. Le vendredi 26 juillet de 16h50 à 17h50.
Le profil de personnes recherché par le Village des possibles ? Tout le monde. “Le but c’est de toucher le public le moins conscientisé possible, rendre l’activisme et le militantisme accessible et faire comprendre quels sont les enjeux de la colonisation. Pour pouvoir profiter un maximum et apprendre, discuter, se rencontrer : pas d’horaire précis. Le mieux, c’est de venir à tout moment pour déambuler et découvrir les différentes activités. Il y aura même un espace chill au cas où les stimuli du festival sont trop pesants, ainsi qu’un salon canapé. Il est donc possible de s’y poser mais aussi de fêter, notamment en allant au Bar Magda dont on vous a parlé plus tôt qui se trouve dans le village, ainsi que les DJsets de Rokia Bamba et DJ Bea qu’on conseille particulièrement.
Il y aura des choix à faire pour pouvoir apprécier sereinement le Village des possibles mais on te conseille vivement de prendre le temps de t’attarder sur un stand ou une activité à la fois, de lui accorder un peu de temps pour y découvrir plein de choses passionnantes. En plus, il parait que l’ambiance y est toujours bonne, et “dans un monde qui semble toujours aller plus vite vers le mur, ça fait du bien d’y découvrir des tas de gens et de collectifs qui œuvrent quotidiennement pour un monde meilleur”, selon Augustin Schlit.
En bref, on a hâte de se pavaner sur le site d’Esperanzah!, d’y découvrir ses pépites, son public, ses travailleur·euses et associations, sa nourriture et ses artistes. Une première expérience qui s’annonce belle et intense.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.