Rencontre avec Guillaume Brière, membre des Shoes : la révélation
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Auteur·ice : Margot Desautez
16/02/2014

Rencontre avec Guillaume Brière, membre des Shoes : la révélation

En ce samedi après-midi on s’est dit que c’était presque l’heure de danser alors on est allés frapper à la porte du studio des Shoes pour rencontrer Guillaume Brière. L’auteur, compositeur et producteur s’avère être une  “révélation (sur) scène”  comme au sein de son intimité: portrait d’un mec bien dans ses baskets.

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LVP : Hello ! Tout d’abord félicitations, victoire « révélation scène » avec Woodkid hier, tu t’y attendais ?

Guillaume : Oui. En termes de show, de spectacle, je trouve ça mérité. Je ne vais pas faire le faux modeste et te dire que 1995 aurait dû gagner, même si j’adore 1995 … en plus les mecs sont sympas … je trouve que Woodkid c’est un vrai spectacle !

LVP :Travailler avec Woodkid ça t’a apporté quoi, qui apprend à qui ?

Guillaume : On s’est mutuellement appris des choses, ça fait très cliché de dire ça mais c’est vrai. Je lui ai appris des choses en termes de production, de façon de faire de la musique et, comme lui c’est un génie, ça va très vite, bientôt il n’aura plus besoin de moi. C’est un mec qui, dès qu’il touche quelque chose, le transforme ; là où toi tu vas mettre trois ans à apprendre un truc lui va mettre trois semaines. C’est assez fascinant ! J’ai apporté mon expérience par rapport à la scène et lui qui est habité, qui croit complétement en ce qu’il fait, m’a appris le travail car je n’ai jamais vu ni une motivation, ni une capacité de travail pareilles et pour moi qui suis un gros feignant, c’est bien.

LVP : Et pour The Shoes c’est également toi le feignant de la bande ?

Guillaume : Ah non, on est aussi feignants l’un que l’autre, c’est une catastrophe, pour tourner un bouton c’est dur ! En même temps ça marche comme ça et puis on rigole bien ! Moi si je fais ce métier c’est pour rigoler, sinon j’aurais fait expert comptable ou un truc comme ça !

LVP :Expert comptable ?

Guillaume : Ouais non mais c’est parce que je pensais à un boulot chiant, respect aux experts comptables, enfin surtout au mien ! (rires)

LVP : The Shoes écoute quoi en ce moment ?

Guillaume : Comme d’habitude j’écoute du rap ! J’écoute Chief Keef à fond, des vieux trucs de rap des années 1990, parce que je suis nostalgique de mon adolescence. J’écoute des choses que Brodinski m’a filé et qui ne sont pas encore sorties, qui sont assez fascinantes. J’écoute beaucoup la musique de mes copains et évidemment la musique sur laquelle je travaille puisqu’en ce moment je travaille beaucoup. La musique que j’écoute le plus c’est celle de mes copains, qu’on me donne, on me dit « tiens, j’ai fait ça ! » et puis j’ai tellement de copains qui font de la musique, il m’envoient toujours des trucs du genre « file moi un coup de main là dessus, fais moi une prod sur ça » et finalement j’ai plus trop le temps d’écouter des trucs de mon côté. Et sinon quand je fais du vélo ou que je marche dans la rue j’écoute du rap, j’ai pas le temps d’écouter les petits oiseaux ou une petite guitare.

LVP : Si je te pose cette question c’est parce que vos associations de sons sont surprenantes et je me demande à quelle sauce va être mixé votre prochain album. Vous êtes passés du rock à la pop et à l’électro et pour moi The Shoes c’est un peu le groupe qui a choisi de ne pas choisir. Alors, le prochain album, c’est quoi: plutôt un truc à la « Golden Chains » avec des voix, des percus, un retour au classique, suite à ta  collaboration avec Woodkid (ndlr : pour « Iron » et le remix de « Angelene » de Thomas Azier »), ou encore un truc plus hip-hop et techno sur l’exemple de votre dernier remix de Kanye West : « Whatamess » ?

Guillaume : On a fait un dernier remix avec Pharell Williams aussi qui n’est pas encore sorti, un remix d’ « Happy » qui va sortir très prochainement. J’aime beaucoup ta formule « le choix de ne pas choisir » et sur le prochain disque on n’a toujours pas choisi, on a 14 morceaux, c’est de la musique très brutale.

LVP : C’est une mode ça la noirceur : Gesaffestein, Monsieur Monsieur ?

Guillaume : Non mais nous on restera toujours dans le domaine pop, pas de techno.

LVP : Un retour à “America” alors ?

Guillaume : Oui voilà et surtout un gros retour aux années 2000 !  On s’est demandés ce qu’était la musique pour un mec de notre âge, je ne vais pas faire du Club Cheval à mon âge ! Même si je suis complétement fasciné par ce qu’ils font, je suis admiratif, mais je ne saurais pas le refaire, ce n’est pas ma génération, ce n’est pas moi ; et surement que je fais des choses qu’ils ne sauront pas faire non plus. Je ne vais pas suivre une mode, il n’est pas très à la mode notre album.

LVP : Tu peux te permettre de faire ça aujourd’hui ?

Guillaume : Oui, c’est très prétentieux de se dire « je vais faire ce que mon public attend » parce qu’à moins d’être Mylène Farmer tu n’as pas de public ! Y’a des mecs qui ont 12 000 fans sur Facebook et disent « mon public », il faut s’en foutre et faire la musique que t’as envie de faire, qu’elle rencontre un succès ou non. Les gens qui nous suivent seront contents de cet album, j’espère ne pas les décevoir mais je ne ferai pas de musique pour « mon public » car à ce moment là, la créativité est complètement annihilée, ou alors tu rentres dans un confort financier. Mais on n’a pas vendu suffisamment d’albums avec le premier pour se dire qu’on va se faire plein d’oseille en refaisant la même chose. Je pense que notre album n’est pas attendu donc on a le temps de le sortir quand il sera fini. Cet album revient à repartir à zéro, on a fait plein de choses différentes et on en est fiers, on a décidé que notre style était de ne pas en avoir.

LVP : Et cette diversité est peut-être ce qui fait que tu t’adresses à un large public ?

Guillaume : Ben c’est vrai que si on reprend notre premier album, lorsque j’en discute avec les gens autour de moi, personne n’a le même morceau préféré, je suis toujours surpris de ça ! Le prochain album tape un peu partout aussi mais en vieillissant on sent quand même moins les grosses ficelles, quand on était plus jeunes y’a certains morceaux que je réécoute, qui ne sont jamais sortis, où tu peux clairement dire de quel morceau on s’est inspirés ou de quel artiste, c’est tellement évident !

LVP : Et ça marchait ? Parce qu’à la rigueur si ton album n’a pas le succès escompté tu pourrais te reconvertir en sosie …

Guillaume : Ben ça faisait des bons morceaux ouais ! (rires) Mais en même temps le fait d’avoir singé nous a appris, en tant que producteurs, à nous adapter à plein de styles différents, d’artistes différents parce que, du coup, on a des références dans plein de choses. Si demain un mec me dit de lui faire un morceau de zouk love, je peux lui faire, ou un morceau de reggae, ou de dubstep. Ce qui a longtemps été un défaut est désormais un avantage.

LVP : Et, Pour reprendre vos termes, vous nous proposerez de la musique ou des chansons ?

Guillaume : On fait des chansons !

LVP : La dernière fois qu’on s’est vus, tu m’as confié vouloir faire de la musique que ta mère pouvait reconnaître et aimer. Est ce que ça veut dire que parfois tu te retiens de faire des choses que tu aimes toi personnellement ?

Guillaume : Non parce que moi ce que j’aime faire c’est de la musique que tu peux écouter sous la douche, tu ne me verras jamais écouter des pièces d’une heure quarante avec des « ding, ding, ding », des trucs à la con, ça m’énerve !

LVP : Et pourtant tu aimes Bromance, Bromance c’est beaucoup ça !

Guillaume : Ouais mais Bromance c’est différent c’est un mouvement et puis ça reste de la musique pour danser, bon après ma mère n’écouterait pas vraiment ça ! Les vêtements, la marque du truc, ils arrivent à fédérer des gens autour d’un projet et parfois la musique devient même secondaire. Bromance ça a commencé y’a deux ans et c’est devenu l’égal de Marble ou même d’Ed Banger dans la puissance de l’image et je suis fier de Louis (ndlr : Louis Brodinski, fondateur du label Bromance), je suis fier de mon copain !

LVP : Dis donc, c’est une interview Bisounours aujourd’hui !

Guillaume : Tu vois que  je suis gentil ! 

LVP : Tu connaissais Bret Easton Ellis avant qu’il ne vous tweete pour la vidéo de Time to Dance ?

Guillaume : Je n’ai pas eu un tweet de Bret Easton Ellis … j’en ai eu deux !

LVP : Pour deux clips différents ?

Guillaume : Non, pour le même clip, je sais pas ce qu’il lui a pris ! Oui je le connaissais mais le rapport avec Bret Easton Ellis et le tweet est plus lié au réalisateur du clip, Daniel Wolf, qu’à moi. Mais c’était un truc de ouf, on a été très relayés ! Enfin bon on a quand même sorti Jake Gyllenhaal d’un chapeau, comme un lapin !

LVP : Pourquoi est-ce-que dans vos clips vous choisissez toujours des personnages enragés, complètement  névrosés, alors que vous proposez des sons pop et dynamiques ?

Guillaume : Parce qu’il n’y a rien de plus chiant qu’un connard pop et dynamique ! Tous nos clips sont faits par Daniel Wolf, un très bon réalisateur selon moi,  et vu que c’est sa vision des choses il fait de notre musique des petits bouts de cinéma. Ce que j’aimais dans « Time to Dance » par exemple, c’est que c’est un morceau jubilatoire et il a retranscrit la jubilation à travers le meurtre et la violence. A la fin du morceau de « Time to Dance » tu dois être essoufflé, comme le mec du clip.

LVP : Peux-tu qualifier Benjamin (ndlr : Benjamin Lebeau, le second membre des Shoes) en trois mots ?

Guillaume : Transpiration, cheveux et … frère.1779422_10203365363714032_203829860_n

LVP : Est ce que vous seriez amis aujourd’hui si vous n’aviez pas fait de la musique ensemble ?

Guillaume : Ça fait 25ans qu’on se connaît, on s’est rencontrés quand on avait 10 ans.

LVP : Et si l’un avait réussi et pas l’autre ?

Guillaume : Je ne me pose pas la question car on a tout de suite tout fait à deux et je pense qu’on aurait arrêté la musique, lui et moi, si ça n’avait pas marché. On a eu une chance énorme, on s’est toujours débrouillés pour avoir de quoi manger, on a toujours vécu de notre musique et si on avait pas eu ça on se serait découragés.

LVP : Comment ça se passe en club parce que vous êtes clairement des musiciens et non des DJs : vous insufflez une touche un peu plus électro-techno à vos morceaux ou vous préférez remixer d’autres titres, d’autres artistes ? Y a-t-il des titres que vous créez en sachant pertinemment que ça ne marchera pas sur un set ? (je pense à “Wastin’ Time” ou à “Cover Your Eyes” par exemple)?

Guillaume : Je ne joue jamais de ma musique en tant que DJ, elle n’est pas adaptée, notre musique est trop pop, il y a trop de voix. Mon DJ préféré reste Brodinski. A la fin de tous mes sets je joue juste « Time To Dance », c’est un morceau qui fait plaisir à tout le monde, je ne joue jamais mes morceaux sauf quand j’en ai fait des remix dans un but dancefloor.

LVP : Tu me parlais du mouvement Bromance mais « Time To Dance » est également devenu un mouvement avec les tags qu’on voit un peu partout à Paris.

Guillaume : Je ne sais pas qui a fait ça, j’ai été flatté j’aimerais rencontrer cette personne !

LVP : On va lancer un appel via La Vague Parallèle ! Tu bosses sur quoi en ce moment en solo ?

Guillaume : Je fais beaucoup de productions pour des artistes encore inconnus, je bosse pour un mec qui s’appelle Maxime Maillet notamment. Et un groupe anglais qui s’appelle Sanzhi qui a emménagé à Reims pour venir faire leur album avec nous, je fais des remix dans mon coin. Et Benjamin, de son côté fait la même chose, en ce moment il produit l’album d’Ambroise qui était le chanteur du groupe Revolver.

LVP : Et quand tu bosses pour les autres tu n’es pas tenté de refaire du The Shoes ?

Guillaume : Je le fais, Benjamin le fait aussi. On a notre signature donc on le fait et puis lorsque les artistes viennent nous chercher ils viennent aussi pour ça sinon ils auraient pris quelqu’un d’autre.

LVP : The Shoes, G Vump, Rocky : tu n’aimes pas être tout seul on dirait ?

Guillaume : Je déteste ça ! Après y’a toujours un moment où il faut que je sois seul pour me concentrer et faire mes trucs de chinois chiants, faire en sorte que ça sonne, les mixages et tout ça sinon, dans la phase de création, ça ne m’intéresse pas !

LVP : Comment tu sélectionnes les artistes avec lesquels tu veux travailler : simplement sur leur son ou il te faut un feeling au préalable avec l’artiste ?

Guillaume : On a bossé avec beaucoup d’artistes et ça a toujours été des gens avec qui on a sympathisé avant de faire de la musique ensemble, on essaye de travailler sur un truc ou deux, on voit ce que ça donne et ça se passe comme ça.

LVP : Rockeur ou clubber ?

Guillaume : Hip-Hoppeur !

LVP : Le titre du week-end ?

Guillaume : «Allez, viens boire un petit coup à la maison »

LVP : Les artistes, labels à suivre en ce moment ?

Guillaume : Un truc qu’on m’a envoyé que j’adore, c’est chez Youngsters, ça s’appelle Sampha, je viens juste de le découvrir alors que ça fait longtemps que ça existe et j’ai pris une claque. ! Et sinon Natas Loves You, c’est magnifique. Il faut checker Petite Noire, avec qui on a fait un morceau sur notre disque, le groupe que je suis en train de produire, San Zhi, et il faut attendre la sortie de Maxime Maillet, très important ! Notre label, Gum, vient de signer Black Atlass en licence avec Fool’s Gold, le label d’A-Track. L’album de Rocky qui sort bientôt aussi.

LVP : En tournée, dans votre chambre y a qu’un lit pour vous deux, vous faites quoi : vous dormez ensemble ou y’en a un qui se sacrifie et dort sur le canap’ ?

Guillaume : On dort à deux, on le fait tout le temps !

LVP : Des endroits sympas où sortir à Reims ?

Guillaume : Heu… malheureusement je ne peux pas répondre à cette question.

LVP : En ce lendemain de St Valentin, tu me files le numéro de Jake Gyllenhaal ?

Guillaume : Ouais, 06 12 …