L’année 2017 a été éprouvante pour le groupe Her, violemment balancé aux deux extrémités d’un ascenseur émotionnel particulièrement cruel. Tout en haut, d’abord, avec la sortie d’un deuxième EP brillant et une tournée qui les a menés aux quatre coins de la France et de l’Europe. Tout en bas, ensuite, avec la disparition tragique de Simon Carpentier, l’une des deux têtes du duo originel qu’il constituait avec Victor Solf. Transcendé par un projet qui a depuis longtemps dépassé la seule dimension musicale, Her a su relever la tête et aborde l’année 2018 avec panache. Au programme : un premier album attendu de longue date, une série qui retrace l’épopée du groupe et une nouvelle tournée.
Plus d’une centaine de personnes sont massées dans la petite salle de cinéma de L’Antenne, rue de la Vacquerie à Paris : c’est ici que Victor Solf et Her ont choisi d’annoncer, par la même voix, la suite de leur aventure commune et d’honorer par la même occasion la promesse faite à Simon de donner coûte que coûte à Her le destin qu’il mérite. Il fait chaud, l’atmosphère est étouffante et chacun retient son souffle, partagé entre enthousiasme et recueillement.
À l’écran, des visages désormais familiers saisis sur le vif, sur scène et en dehors, par l’objectif indiscret du jeune réalisateur Rodrigue Huart pour le compte du premier épisode de la série consacrée à Her. Car le formidable parcours du groupe est désormais documenté par une série de cinq épisodes d’une dizaine de minutes, Are You Still Here ? produite par Clémentine Gayet et Gilles Cassud (Studio +). On y voit Victor et ses musiciens encaisser le choc de la disparition de Simon, se relever petit à petit au gré des concerts et repartir cahin-caha de l’avant avec un objectif précieux : terminer ce premier album auquel Simon et Victor tenaient tant.
Her y aura toutefois laissé des plumes. On comprend en effet au teaser des épisodes suivants que Thomas Clairice et Louis Kuipers, respectivement bassiste et guitariste du groupe sur scène depuis l’époque de The Popopopops (le groupe qui est devenu Her), ont désormais quitté le groupe, sans doute marqués par ce qu’ils expliquent considérer comme “la disparition d’une part d’eux-mêmes”.
À la fin de la projection, lorsque Victor s’avance timidement devant l’écran pour expliquer qu’il va livrer une version acoustique et intimiste des titres du groupe, il est effectivement flanqué de nouveaux frères d’armes qui rejoignent Her sur scène : David Sultan à la basse et Louis-Marin Renaud à la guitare, rejoints par Mathieu Gramoli à la batterie. L’endroit ne s’y prête pas tout à fait, l’appréhension et l’émotion sont palpables et pourtant, la sensualité soul et les harmonies puissantes de Her sont bien là, intactes, dès que les musiciens se mettent à jouer. Chanceux, le public aura même l’occasion de découvrir en live deux morceaux du premier album de Her, We Choose et Wanna Be You, dont le groove pop reste en tête de manière presque instantanée.
Touché mais pas coulé, Her offrira le 30 mars prochain un premier album, Her, né dans la douleur et l’abnégation. Pourtant, loin d’altérer la musique séduisante à laquelle nous ont habitués Simon et Victor, ces humeurs amères sauront faire de ce premier-né un témoignage éclatant de ce que Her était, de ce que Her est, et de ce que Her sera.
Pour la musique. Pour Simon.
Crédit photo de couverture © Julot Bandit
Pratiquant assidu du headbang nonchalant en milieu festif. Je dégaine mon stylo entre deux mouvements de tête.