Horst Festival continue d’ouvrir la voie à un nouveau type de festivals engagés
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
22/04/2022

Horst Festival continue d’ouvrir la voie à un nouveau type de festivals engagés

| Photo : Maxim Verbueken

Fin d’été passé, on a eu la chance de découvrir le nouveau site du Horst Festival, sur l’ancien terrain militaire de l’ASIAT à Vilvorde. À quelques semaines du lancement de sa mémorable édition 2021, quelque chose vibrait déjà sur ces plaines bétonnées prêtes à accueillir une foule de festivalier·ères plus impatiente que jamais. Et autant vous dire qu’on garde un souvenir tout particulier du festival, et qu’on ne peut que vous encourager de sauter sur les quelques pass encore disponibles pour le week-end prochain. On a rencontré deux des cerveaux derrière la magie Horst pour décortiquer ce qui fait de cet événement un immanquable. 

Il y a quelque chose de précieux, de curieux, à Horst. Une véritable impression de communauté. C’est un peu le genre de festival où il est trop facile de perdre tous ses potes au détour d’un des nombreux dédales gris et sinueux du site, mais où il serait presque impossible de se sentir seul·e l’espace d’une seconde.

| Photos (dans l’ordre)  :  Dieter Van Caeneghem –  Illias Teirlink – Annika Wallis

Coup de cœur pour l’atmosphère, les décors, la scénographie. Rien n’est extravagant, oubliez les structures mégalomanes à la sauce fairytale des grands festivals d’EDM ou les murs impossibles d’écrans surpolluants de la plupart des rendez-vous électro. Ici, on mise sur des expériences travaillées, mûrement réfléchies, aux symboliques fortes. On fait danser des hordes en liesse sous une serre réhabilitée pour l’occasion, on accède à l’une des scènes du festival en s’accroupissant sous un tipi de bois, on se marie dans une structure DIY faite de barrières nadar et on profite des meilleurs DJ sets de la région les pieds dans l’eau d’un bassin où les chances d’attraper la légionellose ne sont qu’un détail parmi d’autres.

Le line-up est aussi inclusif que cutting edge, et fait rimer parité avec qualité. La nourriture est 100% végétarienne, les scénographies sont majoritairement réalisées avec des matériaux récupérés, des talks collaboratifs sont organisés en journée. Et pourtant, Horst Festival a à cœur de ne pas politiser son événement : « Ce n’est pas politique, c’est juste essentiel pour nous. » Pas de x-washing quelconque pour les organisateur·rices du Horst, et pas question d’en faire une bannière marketing. N’empêche que, loin de nous l’idée de vouloir applaudir et aduler Horst pour des réflexions que tout festival devrait logiquement adopter en 2022, mais on ne peut que souligner l’exemplarité de ce festival qui continue d’ouvrir la voie à un nouveau type de festivals engagés. Rencontre avec Mattias Staelens, co-fondateur du Horst, et Simon Nowak, programmateur.

Le music festival de Horst aura lieu du 29 avril au 01 mai, des pass pour le vendredi et dimanche sont toujours disponibles ici : https://horst.tickoweb.be/selection

LVP : Hello Mattias ! En tant que co-fondateur, quelles sont les plus grandes leçons à tirer du succès de l’édition 2021 ?

Mattias Staelens, co-fondateur du festival : On s’est rendu compte, plus que jamais, que c’était les festivalier·ères qui faisaient tout le festival. On a beau injecter tous les moyens du monde dans le line-up, les scènes, les décors, au final ce sont les visiteur·euses qui définissent la vibe et la dynamique du festival. Et on a beaucoup de chance avec ça chez Horst, car les gens s’accordent parfaitement entre eux et c’est beaucoup d’amour et de respect.

LVP : Comment on attire ce genre de mentalités et de public à son festival ?

Mattias : Ça s’explique certainement par plusieurs petites choses, du moins celles qu’on peut contrôler : on évite les grosses têtes d’affiche pour favoriser la mise en avant des petit·es artistes, on propose des scénographies originales et interactives, on intègre une dimension artistique avec l’exposition qui a lieu dans le festival, on place des toilettes un peu partout sur le site, toute la nourriture sur le festival est végé. Ce sont juste des détails qui montrent aux personnes qui achètent un ticket qu’ils arrivent dans un environnement dans lesquels ils trouveront de la bienveillance, de l’ouverture et du confort, quelles que soient leurs attentes.

LVP : Tout tourne autour des détails, en somme ! D’ailleurs, un grand détail, c’est l’aspect écologique et social du festival, et particulièrement des décors et des scénographies. A quel point est-ce challengeant de mener à bien cet engagement écologique et social quand on organise un festival ?

Matthias : Je pense que l’idée même de Horst est née de cette volonté un peu naïve et ambitieuse de repenser la manière de concevoir un festival. Non seulement de façon esthétique, mais également de façon sociale. Quand on invite des artistes et des jeunes architectes du pays pour les scénographies, les structures plus fonctionnelles (bars, plaine de jeu) et les pièces artistiques qui se retrouveront sur les sites, on leur demande de penser à la place de leur travail dans l’environnement du festival, de penser au message de leurs œuvres. C’est ce qui prend le plus de temps et qui est le plus challengeant, car la plupart du temps on se rend compte que les projets qui vont vraiment correspondre à cette philosophie ne sont pas forcément les choses les plus simples à mettre sur pied. Mais on trouve l’énergie et les moyens de s’investir dedans parce qu’on a l’envie d’être en accord avec notre projet social global.

| Photos : Illias Teirlink

LVP : Chaque année, parallèlement au festival de musique, une exposition artistique est proposée sur le site du festival. Cette année, elle s’appelle The Act of Breathing ? Il y a une dimension politique derrière ce nom d’exposition ?

Mattias : Nous n’avons jamais l’intention d’être politiques. Nous tentons de rester les plus inclusif·ves possible. Tout ce que l’on propose dans notre festival, à l’image d’une nourriture 100% végétarienne, ce n’est pas politique, c’est juste essentiel pour nous.

LVP : La culture club compte beaucoup de sub-cultures distinctes et le festival leur permet de se réunir le temps d’un week-end. Comment explique-t-on que toutes les sub-cultures trouvent leur bonheur à Horst ?

Mattias : Je pense que ça s’explique notamment par le fait qu’il y ait différentes “narratives” dans le programme : si certain·es viennent pour la musique, d’autres viennent plutôt pour l’exposition, la nourriture ou encore les structures architecturales. Et, du coup, la musique passe presque au second plan, et beaucoup de personnes ne connaissent même pas un seul nom sur l’affiche. Et c’est une force, car parfois un festival qui propose un genre de musique trop précis va écarter toute une population du festival. Alors qu’ici, les gens sont avant tout guidés par l’essence et l’esprit du festival, d’où la présence de tant de sub-cultures différentes qui dépassent ces frontières musicales pour se réunir autour d’une atmosphère et d’une expérience plutôt que d’un genre musical.

LVP : C’est quoi le prochain challenge pour Horst ?

Mattias : Ouvrir davantage le line-up pour laisser place à des genres musicaux plus expérimentaux qui n’ont pas forcément le droit de cité dans ce genre d’événements. C’est notamment ce qui est amorcé cette année avec un espace appelé « Listening Space » qui permettra de profiter d’une musique plus ambient, qui n’est pas forcément dansante et qui ne trouvait pas sa place sur les autres scènes auparavant. Donc le challenge c’est de continuer dans ce sens et de laisser place à ces genres musicaux alternatifs dans notre événement. Aussi, on est sur un gros projet de indoor club à partir d’octobre-novembre, ce sera un nouveau chapitre pour Horst et c’est très excitant.

 

| Photos : Illias Teirlink

 

LVP : Hello Simon ! Selon toi, un line-up doit-il toujours transmettre des messages et des valeurs ?

Simon Nowak, programmateur du festival : C’est en tout cas quelque chose de très important pour nous, à Horst. Quand on regarde nos line-up au début, en 2014, c’était rempli d’hommes cisgenres blancs hétérosexuels. Ça n’avait aucun sens. On s’est rapidement imposé un quota de 50% d’artistes féminines. À l’époque, c’était un vrai challenge car elles ne bénéficiaient pas de la même visibilité. Mais quand certains festivals ont commencé à se débrouiller pour en trouver, d’autres ont suivi et surtout ça a inspiré des performeuses moins expérimentées à se lancer car elles pouvaient voir des femmes aux platines de certains clubs et festivals.

LVP : La scène électro/techno est particulièrement sensible aux thématiques de visibilité des minorités de genre ou sexisées. C’est dû aux racines du genre techno ?

Simon : Je pense, oui. Historiquement, la musique techno trouve source dans les communautés queers et noires. Donc c’est logique de réinstituer cette essence techno et de se rappeler d’où vient cette musique, même si le public a drastiquement changé ces dernières décennies.

 

LVP : Quels ont été les effets de la diversité du line-up de Horst sur le public du festival au fil des années ?

Simon : Au tout début, quand on a invité les premier·ères artistes queers et racisées, ils et elles étaient un peu sceptiques à l’idée de ce festival à la foule très homogène, majoritairement constituée de personnes blanches. Et ça a été notre travail de les faire se sentir chez elleux, de leur faire comprendre que cet endroit avait de la place pour leur offrir de la visibilité et de la représentation. Et ça s’est fait progressivement : ces personnes ont passé le mot à leurs communautés respectives, et d’année en année on voyait ces communautés représentées de plus en plus sur notre festival. Et, forcément, une partie du public des premières années de Horst a vu ça d’un mauvais œil et a arrêté de venir. Mais, pour être honnête, je trouve que c’est une bonne chose qu’on ait perdu cette partie du public. (rires)

LVP : Pour permettre cette inclusivité au niveau du line-up, vous faites notamment appel au collectif FOR ALL QUEENS! qui promeut des artistes queers locaux·les de la scène ballroom. Comment se passe cette collaboration ?

Simon : C’est une collaboration qui demande beaucoup de travail, de temps et de communication. Que ce soit dans l’organisation ou dans le public, on observe tout de même une majorité de personnes blanches, hétérosexuelles et cisgenres. On ne connaît pas personnellement cette discrimination, on ne sait pas ce que ça fait d’être interpellé·e dans la rue parce qu’on est vêtu·e de façon extravagante, on ne sait pas ce que ça fait d’être systématiquement scruté·e par la sécurité à l’entrée d’un événement. Du coup, le collectif FOR ALL QUEENS! est très clair là-dessus : s’iels acceptent cette collaboration, on se doit d’instaurer un climat 100% safe pour leur communauté. Ça passe par un check de sécurité décent à l’entrée, au respect des pronoms de personnes qui ont tendance à être mégenrées, et d’autres détails qui peuvent être négligés en temps normal. Et c’est la moindre des choses !

LVP : Cette année marque la première édition de Horst avec une programmation ambient et non-dancing. C’était quoi le déclic qui t’a fait réaliser qu’il manquait cette scène à Horst ?

Simon : L’idée est venue naturellement dans le processus d’élargissement du spectre musical que couvre Horst. Dans le passé, on avait des scènes plus petites qui nous permettaient de programmer des musiques plus expérimentales. Mais ces dernières années, le festival a pris tant d’ampleur qu’on ne se retrouvait qu’avec des scènes trop grandes pour ce genre de line-up. Tu ne peux pas passer de l’ambient pour un public de 1000 personnes, c’est trop. D’où notre volonté de créer ce petit espace confortable et cosy pour savourer de la musique plus douce. Et c’est une opportunité excitante pour moi en tant que programmateur car ça me permet de me plonger dans des genres que je n’ai pas eu l’habitude de gratter dans le cadre du festival.


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