Horst : retour 360° sur un festival en avance sur son temps
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Auteur·ice : Matéo Vigné
18/05/2023

Horst : retour 360° sur un festival en avance sur son temps

La saison des festivals est officiellement ouverte, et de quelle façon. Comme chaque année, chacun·e attend avec impatience son festival préféré pour débuter l’été. Et cette saison, Horst a déjà tué le game avant même qu’il ne commence. On a glissé une oreille samedi et dimanche pour vous 

Ce n’est pas facile de se faire une place de nos jours dans le paysage culturel belge. D’une part parce qu’il est déjà pas mal saturé, de l’autre parce que l’économie des festivals n’est pas la chose la plus simple à maîtriser. Pandémies, concurrence et autres besoins vitaux d’innovation, tout ça a un prix que tout le monde ne peut pas se permettre. Cependant, si l’on a les contacts, la vision et l’envie de se lancer dans cette belle aventure, le résultat peut être détonnant. Et c’est le cas de Horst.

Lancé pour la première fois en 2014, (ouais ça fait presque dix ans déjà, wow) le festival de musique électronique pointue a su se régénérer au fil des années, que ce soit par rapport à sa formule ou son emplacement. Forte de ses huit éditions précédentes, l’équipe du festival entamait, en 2023, une neuvième danse, et quelle danse !

L’équipe de La Vague Parallèle s’est rendue sur place pour fêter la musique, la scéno et les belles âmes du festival Horst, le temps d’un weekend plutôt ensoleillé, à Vilvorde, sur l’ancien site militaire ASIAT.

| Photo : Nathan Maris

 

Cette histoire de Horst pourrait très bien commencer par un « il était une fois à Vilvorde », tant le cadre idyllique fait penser à un conte de fées. L’organisation du festival a tout mis en place pour que le moment se passe de la manière la plus smooth possible pour les festivalier·es qui ont fait le déplacement. À la gare, une navette amène directement sur le site, pour éviter toute galère et ramène chacun·e tantôt sur le camping, tantôt à la gare de Vilvorde, tantôt (pour les plus fortunés) dans leur ville de prédilection. Une aubaine et une attention particulière franchement appréciée. Quand on tend l’oreille on entend parler français, flamand, italien, espagnol, anglais. Un carrefour de nationalités. Horst, c’est bien plus que le premier festival de l’été, c’est le rendez-vous incontournable des nouvelles scènes émergentes pour tout·e amateur·ice de musique.

La journée commence tôt d’ailleurs, à 13h plus précisément, de quoi bien digérer le plat de pâtes englouti au lunch pour la force des féculents, carburant indispensable pour l’organisme et pour tenir les treize heures de son qu’on va se prendre dans la gueule. En toute honnêteté, difficile de faire une analyse des premiers concerts du samedi (oui, personne n’était libre de l’équipe, mais il paraît que c’était fun) tellement l’excitation de (re)découvrir le lieu était grande. Certaines stages mythiques sont restées les mêmes, d’autres ont disparu, mais surtout il y avait de la nouveauté. Des environnements plus expérimentaux de roll pitch yaw – surge heave sway – c’est le nom de la scène – aux bains de foule dansants de State of Play – c’est aussi le nom de la scène, tels étaient les axes proposés par les nouvelles scènes de Horst. Et quelle réussite.

| Photo : Nathan Maris

| Photo : Nathan Maris

 

Du coup, après cette balade de mise en bouche, les choses sérieuses ont commencé. Tout d’abord un talk organisé par la KU Leuven et Horst pour parler de l’utilisation de la musique à son full potentiel. Était invité, sur la scène Vesshcell, notamment Mickaël Bursztejn, co-fondateur de Kiosk Radio, pour parler de sa vision des choses, de l’évolution qu’il a vue dans la scène et de ses attentes par rapport au monde dans lequel s’inscrit la musique d’aujourd’hui. Un échange puissant entre organisateur·ices et consommateur·ices d’événements, une façon de rendre la fête savante. S’en est suivie une série de performances du tonnerre, orchestrées par le collectif For All Queens avec notamment Arakaza, Josh Caffe, Kevin Aviance ou encore Kongi. Le ball, rythmé par MC Zelda Fitzgerald, était une ode au plaisir, au fun, à la jovialité et à la décadence. L’énergie mise par le collectif pour transformer un dancefloor en terrain de jeu queer, historiquement dominé par une population majoritairement blanche, a fait ravage tant musicalement parlant que pour l’image derrière un tel statement

Sortir la musique électronique des clichés et terrains préconçus n’est pas une mince affaire et ce n’est que par l’innovation, la découverte et la prise de risque qu’on y arrive. D’ailleurs, si l’on compare les noms de cette année avec ceux des affiches précédentes, l’accent est mis sur l’émergence, une valeur sûre pour se hisser au rang de référence.

En extérieur se jouait un tout autre combat, celui du groove, de l’alchimie entre sonorités afro et beats house, progressive, electro. Un B2B du démon entre le roi d’Anvers DTM Funk et le producteur britannique Errol, host de temps en temps de la mythique web radio NTS Radio. Une battle sous le signe du dig, le public avait sous les yeux (ou au-dessus de la tête si l’on veut être précis·es par rapport à la topographie de la scène) deux grands connaisseurs de la musique et de l’art rythmique. Un voyage sur le sol africain, dans les eaux caribéennes ou encore à travers la palabre lusophone. Au moment d’écrire ces lignes, certaines jambes se rappellent encore des vibrations produites par ce duo explosif.

| Photo : Nathan Maris

 

Dedans, sur la scène EYES EYES baby, c’était une autre paire de manches. Malgré la lumière que produisaient les cœurs et le soleil qui passait par là pour faire coucou, la noirceur avait aussi sa place dans le festival. Et quoi de mieux qu’une salle obscure, avec un dj booth à 360° et une installation digne des plus merveilleux cauchemars pour replonger les festivalier·es dans une ambiance post-apocalyptique technoïde. 

KUBA’97 et RINO ont envoûté l’audience pour en faire une sorte de marée humaine bringuebalante, ballottant à la merci des tracks acides et électriques du duo. Un mélange de cérémonie mystique et de diktat industriel se créait lors de cette procession quasi divine. Avec en prime des lumières célestes orchestrées par un·e ingé lumières du tonnerre. De quoi se perdre et se perdre très loin dans ses pensées au moment de fermer les yeux et de profiter de l’instant. 

Se sont succédé des actes de qualité dans cette antre : Mankyian b2b Mad Miran, Kia, Dbridge b2b Donato Dozzy (gros coup de cœur pour l’audace de faire passer deux artistes aux registres différents mais complémentaires, le premier étant le chef de la bass music et le second plutôt un magicien de l’électro/techno) et tant d’autres…

| Photo : Nathan Maris

 

Mais bon, Horst au final ce n’était pas que « taper du pied » comme on peut l’entendre dans les bouches les plus critiques, c’était aussi de l’émotion, de l’art et de la passion. Plusieurs activités plus méditatives étaient au programme avec d’une part une exposition ouverte en avant-première pour les festivali·ères qui s’étendra du 18 mai au 30 juillet, avec une dizaine d’artistes (allez voir ça, ça vaut vraiment le coup, le programme est ici) qui se sont réapproprié les codes du festival, ont exprimé leur volonté de passer un message à la scène et ont surtout voulu montrer que l’art pouvait se conjuguer sous plusieurs formes, à la fois plurielles, distinctes et complémentaires. Un parcours était organisé par les équipes de Horst pour ne pas rater une miette de tous ces détails artsy-crunchy qu’on aime tant.

C’était aussi l’occasion de venir se relaxer et déguster de la musique autrement, la digérer d’une autre façon, d’une forme telle que la posture auditive devait se matérialiser sous une autre forme. À l’arrière du festival, une petite salle discrète et pourtant très puissante invitait les horstiens et horstiennes (on s’est permis quelques néologismes tant l’expérience relevait quasi de la micro-communauté) à s’insérer dans un décor et dans une dynamique différente au moment de faire face, ou plutôt dos, à la scène. roll pitch yaw – surge heave sway, un nom qu’on a du mal à comprendre mais qu’on a adoré tester. Les actes, souvent des lives, étaient accompagnés de petites délicatesses telles que des projections, des sessions d’écoute allongé·es, assis·es, ensemble, seul·es. Une approche différente du clubbing et de la logique habituelle des festivals. L’un des moments marquants, c’était la venue de Nadia Struiwigh, originaire de Rotterdam, déballant ses machines pour une session d’ambiant dominicale parfaite.

| Photo : Nathan Maris

| Photo : Nathan Maris

 

Les festivals sur trois jours (deux jours pour l’équipe) c’est quelque chose. Et c’est souvent difficile à suivre. Mais quand la programmation, le public, l’équipe et le lieu sont irréprochables, un effort est de mise pour honorer à sa juste valeur l’effort qui est fourni. C’est pour ça qu’on s’est focalisés sur les deux scènes qu’on n’avait pas assez saignées c’est à dire Le Soleil Rouge et Moon Ra.

La première avait envoûté tout le monde l’année passée avec le fameux écrito Bodies in Alliance avec en fond les tours de refroidissement de Vilvorde. On ne pensait pas que c’était possible de faire mieux. Horst l’a fait. En créant de toute pièce un objet quasi divin, un soleil rouge en plein milieu du dancefloor, immense, super, puissant. Un soleil qui n’est plus là quand on se met à danser et qui illumine la piste à la moindre réflexion. Tout type de musique s’y produisait mais la plus belle des surprises est celle qui survient quand on s’y attend le moins. Le soundsystem de Channel One a posé ses valises à Horst pour donner une grosse claque aux amateur·ices et novices de dub. Le duo britannico-jamaïcain a fait trembler les basses au rythme des paroles de son MC, prédicateur de bonnes vibes et de douceurs de jah. Des messages de paix, de fraternité, de joie et de tendresse propagés dans les oreilles d’une foule en délire. Comme si après toute cette vitesse imposée par la techno ou la house, l’alternative était la lenteur et la langueur du roots. 

| Photo : Nathan Maris

 

Pour finir en beauté, que dire de l’expérience Moon Ra ? Qu’elle était un festival à elle seule, que la curation était comme d’habitude d’une pureté, d’une qualité, d’une maîtrise. Un simple passage sous cette hutte pouvait redonner le sourire, l’envie, l’espoir et l’admiration. C’était l’incarnation même du festival d’aujourd’hui et de demain, un vaisseau spatial qui envoyait les participant·es vers des expériences à la fois classiques et novatrices, pour une déconstruction de la musique club comme on la connaît, une altération de la posture que tout un·e chacun·e adopte lorsqu’iel fait la fête. Rentrer dans Moon Ra, c’était un peu comme se faire entraîner par Sun Ra, dans un futurisme où tout le monde a ses chances, toutes passions sont égales et tout talent apprécié de façons multiples. 

Difficile de ne dégager qu’un seul nom de cette liste d’artistes qui s’y sont produit·es mais si l’on devait faire un s/o, c’est surtout Elvira et Beatrice qui ont marqué les esprits. Non seulement pour la rédac mais aussi pour les autres vu la réaction des gens aux peaks de leurs sets respectifs. Se succédaient des tracks bien bouncy, des références pop et des délires que sûrement leurs potes auront mieux compris que nous.

En bref, Horst c’était de la balle.

Toutes les photos sont de Nathan Maris

| Photo : Nathan Maris

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