Hotel Surrender, un retour prodigieux signé Chet Faker
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Auteur·ice : Hugo Payen
20/07/2021

Hotel Surrender, un retour prodigieux signé Chet Faker

Il y a cinq ans, Nick Murphy annonçait la mort prématurée de son alter ego Chet Faker. Un nouveau voyage musical attendait Nick Murphy, nous dévoilant de la plus belle des manières d’autres facettes de cet artiste australien ayant fait danser la planète entière avec ses titres devenus mythiques. Quelques projets aussi sublimes les uns que les autres et une introspection plus tard, Nick Murphy était résolument prêt à reprendre du service sous le nom de Chet Faker. Plongeons au cœur de Hotel Surrender, nouvel album des plus solaires, venu réintroduire cette langoureuse ligne de basse groovy et ces mélodies électrisantes, dont seul Chet Faker a le secret.

C’est en 2011 que Nick Murphy, plus connu sous son alias Chet Faker, est catapulté sur le devant de la scène grâce à sa reprise de No Diggity des Blackstreet. Le singer-songwriter australien passe alors d’inconnu du grand public à talent à suivre de très près grâce à Thinking in Textures, un premier album flamboyant, et ce, pour atteindre les sommets en 2014 avec son deuxième album Built On Glass. Un disque de platine et sept ARIA Awards plus tard, Chet Faker était devenu l’élément indispensable de nos playlists. Entre Talk Is Cheap, 1998 ou Gold, l’artiste enchaîne les classiques du genre et captive des millions de personnes à travers le globe.

À travers ces deux projets, presque rentrés dans la légende aujourd’hui, on découvre alors un véritable artiste au style nonchalant, à l’apparence timide et à la voix débordante d’émotions en tous genres. Mais c’est bien là que réside le problème, tout va beaucoup trop vite pour un jeune artiste qui est passé de rien à tout en un claquement de doigts. Et si pendant ses premières années, Chet Faker semble mettre tout le monde d’accord avec ses sonorités colorées et ses textes mélancoliques, Nick Murphy lui, ne s’y retrouve plus.

Chet Faker is dead…

Pendant des années, Chet Faker nous fait nous déhancher sur ses mélodies sophistiquées. Cependant, malgré un succès qui ne cesse de croître, Chet Faker se fait de plus en plus discret après un EP aux contours funk réalisé avec le célèbre Marcus Marr en 2015. Murphy sent que ses envies musicales changent, le personnage de Chet Faker prend alors un peu de recul hors de cette scène internationale énergivore. Nick Murphy part se réinventer à New York, où il pourra doucement réfléchir à ce qu’il aime tant faire : de la musique, sa musique.

 

On est alors à la fin de 2016 quand la nouvelle tombe : Chet Faker, c’est fini. Nick Murphy se défait de son alter ego qui lui a à la fois tant donné, mais tant pris par la même occasion, et se dévoile alors au grand jour tel qu’il est. Et si Nick Murphy nous promet que Chet fera toujours partie de sa musique, les premiers extraits qu’il nous dévoile au travers de Fear Less et Stop Me (Stop You) semblent aller dans une tout autre direction. Et si les fans de la première heure de Chet Faker peuvent avoir du mal, les écoutes passent et les nouvelles expérimentations électro de l’artiste finissent par faire leur chemin dans nos âmes encore en peine de la fin d’un mythe.

L’année suivante, c’est un EP entier que Murphy nous dévoile, Missing Link. Un premier EP sous son véritable nom qui nous emmène dans un monde électro qui marque alors le début de cette nouvelle aventure. Deux années plus tard, c’est un nouveau Nick Murphy que l’on retrouve avec Run Fast Sleep Naked, un premier album pour l’artiste qui semble avoir son lot de nouvelles histoires à nous raconter, et qu’est-ce que ça fait du bien. Nick Murphy a l’air apaisé face à sa mélancolie indétrônable, celle-là même qui nous a fait chavirer il y a près de dix ans maintenant. Avec cet album, Murphy joue avec de nouvelles sonorités et nous propose un univers aussi joyeux qu’émotif, où les arrangements nous captivent et nous hypnotisent.

Dans sa lancée, c’est en 2020 que Murphy nous offre cette véritable pépite instrumentale qu’est Music For Silence, ainsi que trois EPs où l’expérimental arrive à son paroxysme. En quatre projets différents, Murphy ne cesse de se réinventer, et ce, en faisant de sa musique sa plaine de jeux. Nick Murphy fait la musique qu’il veut, et on peut dire que c’est clairement une réussite. Nos peurs installées avec Missing Link s’évaporent et notre amour pour Nick Murphy, lui, ne cesse de revivre.

…Long live Chet Faker !

Murphy s’avère être bien installé dans son nouvel univers aux multiples facettes qui changent de projet en projet. Ce nouveau voyage entamé en 2016 se renforce et notre deuil de Chet arrive presque à son terme quand soudain : un signe. « Old projects die hard », peut-on lire sur les réseaux sociaux de l’artiste.

Au fil des années, l’introspection de Murphy a fait son œuvre et celui-ci semble alors réconcilié avec son alter ego. Et comme par magie, Chet Faker nous dévoile Low, premier single depuis cinq ans, officialisant le retour tant attendu de Murphy sous son alias le plus célèbre. Un morceau haut en couleur, venu réaffirmer le talent et la vision artistique aussi vulnérable qu’émotionnelle de celui-ci. L’engrenage est lancé et Get High, second single de l’artiste, nous est offert sur un plateau d’argent. Deux titres aux lignes de basses puissantes venus nous mettre l’eau à la bouche quant à la suite de l’aventure.

 

Quelques semaines plus tard, Chet Faker nous dévoile Whatever Tomorrow, un troisième petit bijou issu de son nouvel album. Un titre éclatant surfant sur les notes d’un synthétiseur aux sonorités vintage venues nous faire retomber amoureux·ses du Chet Faker des débuts. Whatever Tomorrow est alors cet hymne de rébellion face à cette idée que l’on se fait du futur. Murphy tente ainsi de nous réveiller face à cette attente insoutenable de ce que peut nous apporter demain.

La lumière au bout du tunnel

C’est en mars de l’année passée que Murphy finit d’écrire ce qu’est aujourd’hui Hotel Surrender. Cependant, avec la disparition de son père et les multiples crises à répétition que nous connaissons aujourd’hui, l’album prend une nouvelle forme, une nouvelle tournure, une nouvelle profondeur. Murphy tente alors de trouver cette lumière au bout du tunnel dont il a besoin face aux complexités de la vie. Murphy fait face à sa douleur qui le nourrit, celui-ci veut retrouver un peu de joie. Et c’est bien là que réside la force de ce troisième opus éclatant aux notes électro-groovy.

Hotel Surrender est alors un album aussi triste que joyeux, combinant tout ce que Nick Murphy et Chet Faker peuvent faire de mieux, nous plongeant ici dans un univers groovy nourri tant de piano que de synthétiseurs aux consonances vintage hypnotisantes. Ce nouvel opus débute alors de la plus belle des manières avec Oh Me Oh My et son monologue du début nous expliquant l’ineffable importance qui réside dans cet art qu’est la musique, avant d’enchaîner avec des paroles venues affirmer le retour en force de celui-ci.

Get out the way, I’m comin’ through
Pardon me, I feel for you
‘Cause what I say is what I do
So get out the way, I got the truth
Hey. you tell them lies one at a time
I don’t wanna be just another life

L’album se poursuit ensuite par nos trois premières mises en bouche que sont Low, Get High et Whatever Tomorrow. Sans surprises donc, notre écoute continue et s’arrête sur It’s Not You, première claque mélancolique. Si la mélodie se veut rythmée et colorée -notamment par ce saxophone prodigieux-, la sensibilité émotionnelle de l’artiste, elle, se retrouve bel et bien dans son écriture inchangée depuis ses débuts. It’s Not You possède alors ce sentiment introspectif que chacun·e de nous se voit avoir après une rupture. D’abord écrit dans l’idée d’un mea culpa personnel, le sentiment tend à s’inverser au fil du temps pour Murphy, qui réalise alors que non, tout n’est pas forcément de sa faute.

L’émotion engendrée redescend ensuite avec Feel Good et son rythme entêtant dont il est impossible de se défaire. Feel Good résume alors l’idée générale de l’album, Murphy se sent libre, se sent bien, et nous le fait comprendre au travers de ces dix titres somptueux. Mais le repos est de courte durée, car I Must Be Stupid commence et se fraye un chemin à travers notre corps tout entier. Et là, le cœur est touché, c’est ici que la mélancolie de Chet Faker arrive à son apogée.  Âmes sensibles s’abstenir, vous êtes face à un véritable chef-d’œuvre. L’écriture indétrônable de Murphy se mélange ici à une mélodie plus slow tempo survolée par quelques accords de guitare électrique venus nous ensorceler. Pendant près de cinq minutes, nos corps et nos âmes sont alors mis à rude épreuve.

 

Le souvenir de son père nous revient alors quelques minutes plus tard au travers de So Long So Lonely, un titre aussi groovy que ses précédents, qui nous rappelle alors quelques sonorités des débuts. Et d’un coup, Hotel Surrender touche à sa fin avec In Too Far et son allure évangélique s’enchaînant sur une mélodie rythmée par ces fameux synthétiseurs, concluant avec beauté le troisième chapitre d’un Chet Faker ayant retrouvé sa splendeur des débuts.

Hotel Surrender correspond à cet endroit qui réside en nous-mêmes, où l’on peut souffler deux minutes, où l’on peut se relâcher et ne plus penser. La reddition est par nature le fait de capituler, de rendre les armes. Avec cet album, Nick Murphy dépeint les bénéfices que peut apporter cette sorte de reddition personnelle et interne, nous expliquant l’importance de ce jardin secret résidant en chacun·e de nous, où le poids de nos quotidiens s’évapore.

Pendant près de quarante-cinq minutes, Chet Faker revient à l’essentiel de son art et nous offre un troisième album aussi puissant que délicat grâce à ses sonorités et grâce à sa plume irréprochable et inchangée depuis plus de dix ans. Hotel Surrender est en fin de compte une véritable ode à la joie retrouvée malgré les nombreuses situations confuses pouvant nous tomber dessus à tout moment. Au final, comme le dit si bien Murphy, peu importe ce qu’il se passera demain, le plus important, c’est bien ce qu’il se passe maintenant.


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