Le label célèbrera ses 10 ans à Point Ephémère le 7 mai prochain et, pour marquer le coup, quoi de mieux qu’une petite réunion familiale ? Au programme : TH Da Freak, Johnnie Carwash et Fontanarosa. Pour l’occasion, on est parti rencontrer Tom Picton, aux manettes de Howlin’ depuis toutes ces années, pour en savoir un peu plus.
Dix ans, déjà ! Et pour célébrer cet anniversaire comme il se doit, le label vous donne rendez-vous le 7 mai au Point Ephémère, 200 Quai de Valmy (Paris 10e) pour trois concerts qui promettent une très belle soirée. Pour marquer le coup, trois concerts d’orchestres maison avec les bordelais TH Da Freak, et les lyonnais Johnnie Carwash et Fontanarosa. L’occasion de remercier du fond du cœur tou·te·s celles et ceux qui ont accompagné le label depuis toutes ces années sans oublier Modulor, leur partenaire de longue date.
Tout a commencé en mai 2012, Howlin’ Banana sortait un premier vinyle 45 tours du groupe Sixty Second Swingers de La Rochelle. Point de départ d’une décennie consacrée à défendre avec passion, disque après disque, une scène indépendante française qui ne cesse de surprendre encore aujourd’hui par sa richesse, son dynamisme et son enthousiasme. Pour en savoir un peu plus sur l’histoire et le fonctionnement du label, on est allé rencontrer l’homme aux manettes du label :
LVP : Hello Tom, est-ce que tu peux nous présenter rapidement ce que c’est Howlin’ Banana ?
Tom : Oui ! C’est un label indépendant de rock, avec essentiellement que des jeunes groupes français. L’idée, c’est d’aider des groupes à se lancer. Je dis « des groupes de rock » mais il y a aussi les groupes de pop à guitare. Le but, c’est de faire du développement de petits groupes français à travers des sorties de disques, en cassettes, en vinyles, en cd et en digital, en les aidant à s’entourer un petit peu.
LVP : Quels ont été les critères quand tu as créé Howlin’ ?
Tom : Je n’en avais aucun ! Je sortais de mes études, j’avais envie de monter un projet et je savais que, dans la musique, ça n’était pas forcément évident. Je n’avais pas envie d’attendre de trouver un boulot et j’avais envie de faire quelque chose qui me plaisait aussi, je savais que je n’allais pas trouver le boulot de mes rêves du jour au lendemain. L’idée était de me lancer et d’essayer. J’ai monté un label parce que j’ai toujours eu une prédisposition pour le disque et que j’écoutais déjà la musique en fonction des labels plus qu’autre chose. Mais je n’avais aucune autre ambition que de monter un label un peu DIY, sur le modèle d’autres labels que je suivais à l’époque, qu’il peut y avoir en France ou ailleurs. Artistiquement, l’idée c’est de signer les trucs que j’aime bien, je n’avais pas forcément de critères esthétiques très marqués mais il se trouve que j’écoutais beaucoup de rock garage, j’ai commencé par ce style, ensuite j’ai naturellement switché sur autre chose. Aucune ambition au départ, il n’y en a toujours aucune, même s’il s’est passé quelques temps. Je n’ai jamais imposé le moindre critère sur le label.
LVP : Tu es seul aux commandes ou bien il y a une équipe qui t’accompagne ?
Tom : Non je suis toujours tout seul, même si je travaille avec un distributeur depuis des années qui s’occupe de tout l’aspect distribution en magasin, donc ça aide beaucoup. Je travaille avec des attachés de presse en Freelance sur certaines sorties, ce qui m’aide beaucoup aussi. Les groupes mettent également la main à la pâte, je ne fais pas tout tout seul, ils participent beaucoup ! C’est vraiment un truc collaboratif à chaque fois avec les groupes. J’ai eu des stagiaires qui sont passés parfois, qui ont filé un coup de main. Je travaille de près avec les tourneurs aussi. Je suis quand même très entouré, mais pour l’essentiel solo.
LVP : Comment tu fais alors, pour gérer solo tout ça ?
Tom : Ça prend beaucoup de temps ! Je n’ai pas beaucoup de loisirs à côté, ni de vacances d’ailleurs. (rires) Mais ça me prend beaucoup moins de temps aujourd’hui qu’au départ parce que j’ai un fonctionnement qui est un peu le même à chaque fois. Je me suis justement bien entouré donc ça enlève beaucoup de travail ! Aujourd’hui, c’est seulement la Direction Artistique, le lancement des pressages et puis un peu de promo si c’est une sortie, parfois pour un premier disque où il n’y a pas forcément de communiqué de presse. Petit à petit ça me prend de moins en moins de temps, parce que tout est automatisé.
LVP : C’est toi qui fais le travail de l’attaché de presse parfois ?
Tom : J’en fais un peu sur les premiers disques. Lorsque c’est un premier EP, mais en général pour un premier album, je m’accompagne d’un attaché de presse. Mais même quand je travaille avec eux, je continue de le faire parce que j’aime bien écrire aux journalistes. J’aime échanger sur les disques, on a des retours sur la musique et ça accouche d’articles qui sont eux-mêmes des retours sur la musique. Donc c’est un exercice que j’aime beaucoup et je le fais même s’il n’y a pas nécessairement besoin de le faire.
LVP : En termes de styles, où se situe Howlin’ ?
Tom : Rock et pop à guitare, ça va inclure du post-punk, du psyché, du garage, du shoegaze, de l’indie pop, de l’indie rock… des choses plus 90’s, parfois plus lo-fi. C’est assez ouvert, en fait ce sont mes goûts de pop et de rock qui infusent directement le label. Comme je suis tout seul à faire la DA, ils s’y retrouvent forcément. Ils évoluent aussi, avec le temps. Je n’écoute pas la même chose qu’il y a dix ans ! Les goûts des groupes évoluent aussi, il y a des gens avec qui je travaille depuis longtemps, des groupes qui ont évolué eux-mêmes depuis dix ans et qui ont évolué vers des choses plus pop ou psyché. Le seul fil conducteur c’est que ça me plaise, parce que c’est beaucoup de temps. Il faut que j’aie un vrai coup de cœur pour travailler sur un disque, c’est beaucoup d’investissement personnel à mettre dedans.
LVP : Entre TH Da Freak, Baston, We Hate You Please Die… et plein d’autres encore, on peut dire que tu sais repérer les perles, comment ça se passe ? Comment tu fais ton choix d’artistes ?
Tom : Jamais en fonction de la potentielle réussite d’un groupe, puisque honnêtement je ne sais pas jauger ça. Ça n’est pas du tout une question que je me pose. En général c’est une question qui vient après quand je signe un groupe. Quand il faut réfléchir aux quantités de pressage, etc., je me demande « est-ce que ça va se vendre ? ». (rires) Le seul critère, c’est l’esthétique musicale. Si, lorsque j’écoute une demo et que je la passe cinq fois de suite, j’y reviens le lendemain. Si ça me fait hocher la tête et que j’ai du mal à me détacher du truc, je sais que j’ai envie de le sortir. La seule question, c’est : est-ce que ça me plaît assez pour pouvoir passer des semaines, voire des mois à travailler sur le disque ? Ensuite, ça marche ou pas, mais ça n’est pas un critère. Je sais très bien qu’il y a des albums où ce sera plus difficile et je les sors quand même. Tant mieux s’il y en a qui marchent et que ça permet de donner l’impression que j’arrive à repérer des choses ! (rires) Au bout d’un moment, quand tu es installé depuis très longtemps, les gens tendent plus l’oreille et ça joue un peu.
LVP : Il y a beaucoup groupes qui t’approchent pour être chez Howlin’ ?
Tom : Oui, mais ça représente plutôt une signature sur quatre. La plupart du temps c’est moi qui vais chercher les artistes. Je me suis toujours tenu très au courant de ce qui sort en France, surtout depuis que je travaille à L’International. Donc je sais à l’avance si un groupe m’intéresse, parfois le groupe m’écrit alors que j’étais déjà intéressé par eux, ce qui simplifie les choses. Il y a eu beaucoup de groupes auxquels j’ai écrit, par exemple TH Da Freak, c’est moi qui lui ai écrit sur Messenger parce que je venais de tomber sur son bandcamp et que je trouvais ça trop bien. En général, c’est ça.
LVP : Depuis 2012 et la sortie de ce premier 45t, qu’est-ce qui a changé au sein du label ?
Tom : En réalité, pas grand chose ! C’est toujours moi derrière l’ordi, j’ai toujours un peu les mêmes fonctionnements. Il y a plein de choses auxquelles je suis assez fermé, comme les subventions, comme le fait de produire les disques, etc., parce que je suis juste licencié. Je mets sous-licence des groupes qui restent détenteurs de leurs propres masters. Ce sont des choses sur lesquelles j’aurai pu évoluer, mais j’ai toujours refusé. Je suis attaché au fonctionnement des labels artisanaux et amateurs. Il y a quelque chose dedans qui n’est pas juste par défaut. Je pense qu’il faut laisser beaucoup de liberté aux groupes, faire des choix artistiques très libres et déconnectés de toute idée de rentabilité. Ce sont des choses qu’on ne doit pas forcément limiter à des micro-labels super artisanaux mais qu’on doit pouvoir essayer de développer et avec lesquelles aller plus loin. Dans l’esprit du label, pas grand chose n’a changé. Il a un peu plus d’écho et de résonance qu’au départ. Quand tu fais quelque chose depuis dix ans, tu grappilles l’intérêt des journalistes, des programmateurs, que ce soit radio ou concert. C’est ce qui a changé, l’exposition du label, mais dans l’esprit je travaille avec le même distributeur depuis des années et j’insiste pour que mes prix restent bas malgré l’augmentation des prix du vinyle. J’écris toujours mes mails moi-même pour la promo, je suis assez attaché à ce que ça reste artisanal.
LVP : Comment tu vois le futur de Howlin’ ?
Tom : La même ligne. Tant que je m’amuse, tant que je prends plaisir à faire ce que je fais, tant que je reçois des disques qui sont trop cools, que je rencontre des artistes qui sont trop sympas, je continuerai à le faire. Je ne sais pas si c’est la bonne manière de gérer un label aujourd’hui, mais c’est la mienne et j’y suis attaché. C’est pareil pour les contrats, j’en fais très peu finalement. J’en fais un sur dix quand ils en ont besoin pour demander une subvention par exemple, sinon ça fonctionne qu’à la confiance et je n’ai jamais eu de soucis. J’ai toujours eu de super relations avec les groupes, ils sont toujours restés, ou bien quand ils partent c’est toujours en bonne entente. Je vais essayer d’aller le plus loin possible en conservant ce fonctionnement pour essayer d’aller voir jusqu’où on peut aller sans faire de compromis.
Je passe le plus clair de mon temps à faire des playlists. Je ride aussi les océans.