En janvier, Ian Caulfield sortait son morceau intitulé Pas Grand Chose, accompagné d’un clip où l’imaginaire et l’innocence d’une enfance regrettée sont au premier plan. Derrière un nom de scène plus si inconnu que ça, se cache un monde tout aussi mystérieux que sincère. Et puisque l’on voue une passion particulière aux artistes dont les univers musicaux nous intriguent, il était obligatoire pour nous d’échanger avec l’artiste rémois. Nous avons donc saisi l’occasion de lui poser quelques questions lors de son passage au Ferrailleur de Nantes, dans le cadre de sa première tournée aux côtes de Météo Mirage et Arthur Ery, il y a quelques semaines déjà.
La Vague Parallèle : Comment vas-tu aujourd’hui ?
Ian Caulfield : Ça va je suis content car je fais des concerts et ça se passe bien. Je fais des tours en camion avec des copains et on s’amuse.
LVP : Ça fait presque un mois que ta tournée a débuté, notamment aux côtés de Météo Mirage et Arthur Ery. Comment ça se passe jusqu’ici ? Et surtout, quel effet ça te fait d’avoir ta toute première tournée ?
Ian Caulfield : Ça me fait trop plaisir car j’ai toujours rêvé de faire ça et puis ça tombe au bon moment puisque je me suis beaucoup cherché, j’ai mis du temps à trouver une formule qui soit vraiment agréable à jouer sur scène. Au début, j’étais seul car ça me donnait plus de possibilités pour jouer mais c’était moins amusant. Je suis aussi batteur à la base donc le fait d’avoir une batterie est beaucoup plus agréable puis c’est un bon copain donc c’est cool.
LVP : Pour ton dernier morceau en date, Pas Grand Chose, le clip a été réalisé par Nicolas Garrier. Comment avez-vous collaboré sur la réalisation de ce clip ? Lui as-tu imposé certaines idées ou avait-il carte blanche ?
Ian Caulfield : Tout d’abord, il faut savoir que ça s’est fait très naturellement. J’avais déjà un peu vu les clips qu’il faisait, c’était un univers qui me parlait énormément donc je savais qu’il allait me proposer quelque chose et qu’il y aurait eu beaucoup de chances que ça me plaise. Je lui ai donc envoyé le morceau et, dans la foulée, il m’a fait le scénario du clip tel qu’on l’a fait. Et c’est un peu une coïncidence ce clip, car ça représente un cauchemar que je faisais quand j’étais petit et il a proposé ça sans le savoir et j’ai trouvé ça marrant. Je suis intervenu pour les idées de fabrication du clip, par rapport à la cabane par exemple, c’était à moindre coût car c’était une maquette d’une cabane qu’on a mis en perspective avec une vraie chambre. Dans un studio, on a réussi à matérialiser tout le décor plutôt que d’en faire plusieurs et je suis intervenu dessus avec mon coloc qui fait également des décors de cinéma. On s’est directement mis d’accord, ça coulait de source à vrai dire, on ne s’est pas pris la tête, enfin un peu mais on n’était pas en conflit.
LVP : Que ce soit avec tes premiers clips ou même le dernier sorti, une atmosphère Burtonienne semble dominer, tant sur le plan visuel que musical. Est-ce que c’est une influence pour toi ?
Ian Caulfield : Ça a été une référence assez rapidement. Edward Aux Mains d’Argent est un de mes films d’enfance et Dany Elfman, la personne derrière les musiques de Tim Burton, a toujours réussi à créer quelque chose d’assez fort d’un point de vue émotionnel, qui allait parfaitement avec les films. Je voulais que ma musique fasse davantage penser à du cinéma plutôt qu’à d’autres références musicales donc maintenant j’écris des choses plus frontales et je m’attarde un peu moins sur la texture Dany Elfman. Le cinéma m’inspire beaucoup pour ma musique.
LVP : Aimerais-tu à l’avenir composer pour des courts-métrages ou même des films ?
Ian Caulfield : J’adorerais le faire mais je ne l’ai pas encore fait car je n’ai pas eu l’occasion. J’aimerais beaucoup m’y essayer plus tard, quand j’aurai un peu plus de temps libre.
LVP : Tu as déjà acquis une certaine expérience musicalement, as-tu constaté une évolution voire un changement dans ton rapport à la musique ces dernières années ?
Ian Caulfield : Oui. J’ai été batteur pendant très longtemps et j’ai donc fait pas mal de groupes à la batterie puis j’ai écrit mes chansons et c’est difficile car il faut se trouver, trouver ce qu’on raconte le mieux, de quelle manière, avec quels mots, quels sentiments. On change aussi personnellement et il faut savoir avec quels moyens on va pouvoir raconter les choses. Quel que soit le mood dans lequel on est, il faut le faire à sa manière et je la trouve de plus en plus d’ailleurs, c’est même ma plus grande évolution jusqu’ici.
LVP : Je trouve qu’il y a chez toi une certaine signature vocale avec une élocution particulière. As-tu au préalable essayé de travailler ta voix d’une autre manière ?
Ian Caulfield : Je chante naturellement, je ne me donne pas d’air car je n’aime pas ça. Ma signature n’est pas forcément voulue car j’essaie vraiment de rester fidèle à moi-même lorsque je chante.
LVP : L’imaginaire, les rêves, l’enfance et son innocence perdue sont des sujets prédominants dans tes morceaux. Te cantonnes-tu à des éléments fictifs quand tu écris ou est-ce que tu y livres une part de ton intimité ?
Ian Caulfield : Je fais de plus en plus dans le personnel et il faut savoir qu’au début j’étais vraiment dans le personnage car c’était une manière de m’aider à raconter des choses. Je pense malgré tout qu’il y a toujours une part de personnage car j’ai quand même envie de dégager quelque chose de plus puissant que ce que je suis au quotidien. Dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un d’assez calme et qui ne fait pas trop de folies alors que sur scène je suis plus explosif. Dans les textes, je raconte beaucoup ma vie.
LVP : Écrire des morceaux aussi introspectifs est donc libérateur pour toi ?
Ian Caulfield : Oui, beaucoup. Plus ça va et plus j’écris sur des sentiments que j’ai sur le moment ou alors, ce qui peut m’inspirer, c’est quand je parle avec des gens et qu’ils me disent des choses assez originales sans le vouloir, je me dis que ça peut être une belle entrée en matière pour écrire une histoire dessus. Je finis quand même toujours par ajouter des choses qui me concernent car plus on écrit en pensant à des choses que l’on vit, plus c’est sincère et plus on peut se permettre d’approcher le public.
LVP : À l’écoute de quelques-unes de tes démos, je trouve qu’il y a un côté assez dramatique dans tes textes. Considères-tu la musique comme une sorte d’exutoire thérapeutique pour apaiser ou même guérir tes maux intérieurs ?
Ian Caulfield : C’est une manière de revivre les choses de la manière la plus émotionnelle possible et oui, ça me guérit un peu je crois. Par exemple, le morceau Sans Vivre, je l’ai écrit quand j’étais dans un état pathétique et au début je pleurais presque à chaque fois que je le chantais sur scène, même si maintenant ça va mieux car j’ai pris du recul. Ce sont des morceaux qui m’ont permis de mettre des mots sur les choses car dans la vie on ne met jamais vraiment des mots sur ce qui nous arrive, pas personnellement du moins. Bien sûr on en parle à des proches mais on ne se dit pas à soi-même ce qu’on peut avoir vécu et les chansons servent un peu à ça. Le morceau Besoin d’Aide est assez similaire dans l’idée car j’étais proche de me dire que j’allais arrêter la musique, je n’en pouvais plus et j’étais en burn-out total mais maintenant ça va beaucoup mieux. Quand je chante ces morceaux, ça me fait du bien de me dire que je suis passé par là. J’avais un ancien coloc qui me disait que la vie n’est qu’un enchaînement de chapitres et quand je chante mes chansons, ça fait sens
LVP : Le morceau À la mode clame certaines revendications et évoque notamment la notion d’assimilation en société. Te considères-tu en marge ? Être artiste te permet-il de t’adapter à cette marginalité ?
Ian Caulfield : C’est une bonne analyse car il est vrai que j’ai toujours eu un complexe d’infériorité par rapport aux autres artistes qui ont toujours un air très classe, surtout à l’ère d’Instagram où tout le monde a l’air très beau et inaccessible. Enfin, pas tant inaccessible que ça car d’un côté ça rapproche, mais ce n’est pas forcément du bon côté. Je préfère les artistes qui paraissent inaccessibles dans la vraie vie et qui dégagent quelque chose de légendaire. Je trouve vraiment qu’il y a quelque chose de malsain là-dedans, je ne veux pas créer de polémique car ce n’est pas mon genre mais j’ai vraiment l’impression qu’il faut se forcer à devenir comme ça afin que les gens nous écoutent et nous trouvent stylés, la musique passe même après. À la base, je suis quelqu’un qui est passionné de musique et qui s’en moque totalement de tout ça, c’est pour ça que ce morceau en parle un peu même si ça parle également du fait qu’il faut être habillé de telle ou telle façon pour que les gens trouvent ta musique un minimum intéressante.
LVP : Finalement, il faut aussi constater que tu n’as pas besoin de tous ces faux-semblants pour réussir.
Ian Caulfield : Non mais je pense qu’il y a aussi beaucoup de gens qui se retrouvent dans ce que je dis et qui se sentent en marge, justement.
LVP : Tu donnes l’impression de vivre dans un monde qui ne correspond pas aux attentes que tu avais plus jeune. Quel serait alors un monde idéal selon toi ?
Ian Caulfield : J’aimerais tout d’abord que l’on ait moins de réponses à nos questions. Quand j’étais petit, ce qui me plaisait c’était de pouvoir m’imaginer plein de choses, plein de réponses aux interrogations les plus simples. Aujourd’hui, maintenant que j’ai toutes ces réponses, je trouve ça blasant.
LVP : Avoir toutes ces réponses constitue un repère quelque part, non ?
Ian Caulfield : Oui et non car ne pas trop en savoir nous permet de ne pas trop avoir les pieds sur la terre. J’ai toujours été un peu dans la lune et cet état d’esprit me manque beaucoup car j’ai l’impression de trop connaître de choses.
LVP : Ton âme d’enfant semble avoir perduré dans le temps. Quels avantages en as-tu tirés ?
Ian Caulfield : J’en ai tiré que j’en fais des chansons (rires) et grâce à ces chansons je peux raconter des histoires.
LVP : Tu as récemment dit dans une interview qu’enfant, l’imaginaire était un moyen de combler les trous, de te rassurer face à l’inconnu. En tant qu’adulte, vers quoi te tournes-tu désormais ?
Ian Caulfield : Aujourd’hui, pour me rassurer, je fais beaucoup de trucs de vieux, j’essaie de méditer (rires). Je parle beaucoup à mes potes et j’écris. Il y a peu de choses qui me rassurent à vrai dire.
LVP : L’aspect sombre de tes textes joue avec une musique souvent plus lumineuse et une attitude sur scène plutôt dynamique. Comment définirais-tu ta relation avec la scène ? Est-ce un moyen pour toi de te défouler ?
Ian Caulfield : Oui, totalement ! Avant j’étais batteur et c’est un instrument qui permet de beaucoup se défouler mais en même temps on ne peut pas trop bouger et ça m’a toujours démangé de pouvoir faire un peu n’importe quoi sur scène. Il y a aussi beaucoup d’artistes que j’admire et que j’aime voir profiter de la scène, j’avais donc envie de faire pareil. Ça me défoule et ça permet de me surpasser car je suis assez timide et j’essaie souvent de repousser cette limite pour réussir à parler aux gens. C’est un bon exercice.
LVP : En parlant de la scène, il y a aujourd’hui une effervescence de projets pop au sein de la scène française, mais ce sont souvent des projets pas assez mis en lumière malgré leur volonté de proposer quelque chose de différent. En tant qu’artiste pop, quel est ton positionnement face à ça ?
Ian Caulfield : Ça a toujours été comme ça malheureusement. Après il y a des mouvances musicales qui sont prédominantes et on n’y peut rien car les gens aiment ce qu’ils aiment et je respecte ça. Je ne fais pas partie de ceux qui vont se révolter contre les courants que le public aime. Tant pis pour ceux qui galèrent et qui font des tournées devant vingt personnes (rires).
LVP : Pour terminer, quels sont tes derniers coups de cœurs culturels ?
Ian Caulfield : C’est un peu honteux de dire ça mais j’ai redécouvert Les Fleurs Du Mal de Baudelaire, c’est complètement dingue et je viens tout juste de le comprendre. En musique, j’ai beaucoup aimé l’album de Buvette, Cage The Elephant aussi. Et récemment, je suis aussi allé voir le film 1917 et c’est une tuerie.
© Crédit : Lily Raw