Il y a une semaine, j’ai vu les Libertines.
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Auteur·ice : Claudia Pouly
13/07/2014

Il y a une semaine, j’ai vu les Libertines.

Aimer un groupe, c’est comme l’épouser. On lui est fidèle, on le connaît par cœur, on accepte ses faiblesses, on se le fait tatouer sur le corps… Chaque fois qu’on écoute un de ses morceaux, c’est comme si on lui faisait l’amour, en express (à part si t’es fan de Pink Floyd). On s’attache à chaque fragment de son histoire, on mange et on s’endort avec lui, on pleure dans ses bras, et parfois, il bouleverse notre existence. Moi, j’ai épousé le groupe de Carl Barât et Pete Doherty en 2006, quelque chose comme ça. Puisque la musique que l’on écoute construit une certaine part de notre être, c’est comme s’il y avait du Libertines qui coulait dans mes veines. Avant eux, je ne sais plus ce que j’écoutais et je ne veux pas m’en souvenir. Seulement voilà, ils sont séparés depuis 2004 et je n’ai jamais eu la chance de les voir en live, là où ils sont encore meilleurs. Je me suis consolée avec les Dirty Pretty Things, aujourd’hui séparés et les Babyshambles, qui ne vont plus faire long feu, et c’était chouette, mais faut pas se mentir, Carl sans Pete, c’est comme un burger sans cheddar, et Pete sans Carl, c’est pire.

Les Libertines. Toute une image construite autour d’une relation d’amitié très forte et chaotique, de deux albums excellents et terriblement frais, d’une rupture dans la haine et le déchirement et d’une nostalgie éternelle. Leur réunion éphémère lors du festival de Reading en 2010 était donc apparue comme une lueur d’espoir au fond du cœur des fans: un jour, peut-être, les Libertines pourraient renaître de leurs cendres. Et puis, entre-temps, nous avons eu droit à quelques déclarations qui laissaient envisager l’existence de nouvelles chansons – peut-être d’ un futur album?-, bien qu’ils étaient tous deux très occupés par leurs projets respectifs (Babyshambles pour Doherty, The Jackals pour Barât). Il y a quelques mois, alors qu’on ne s’attendait à revoir le groupe que dans un futur lointain, les réseaux sociaux répandaient la nouvelle: les Libertines seraient présents au British Summer Festival 2014, à Hyde Park, le 5 juillet.

Depuis, ils ont été annoncés sur  7 dates supplémentaires et un troisième album semblerait confirmé pour 2015.

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Partout, des tee-shirts à l’effigie du quatuor punk des années 2000, des anglais venus de toute part de la Grande-Bretagne, des français, des espagnols… Et surtout, des gens cools et souriants avides de partager leur amour pour la musique.

Quelques minutes avant l’arrivée des musiciens, des images de l’époque défilent sur les écrans géants. Beaucoup de photos, d’extraits vidéos mettant à l’honneur la complicité singulière qui liait Barât et Doherty dans les premières années. Forcément, de la nostalgie, on nous en fait bouffer, et ça commencerait même à me donner envie de vomir si je n’étais pas si enjouée d’être là. Je croise les doigts pour qu’ils jouent quelques morceaux inédits, au moins un. A mon goût, ils feraient mieux, pour préserver leur entière authenticité, de ne pas trop miser sur le passé. Bref, quoi qu’il arrive, je vais assister à un grand concert. Je me glisse à travers la foule et avance petit à petit vers la scène. Bientôt les gens se battront pour reculer ou même sortir de la fosse.

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Crédit: Steve Cook

Depuis, j’ai appris que quelqu’un avait fait une crise cardiaque (il semblerait qu’il s’en soit sorti) lors du concert des Pogues, qui précédaient les Libs. Ceci explique pourquoi la sécurité est par la suite tant sur ses gardes. En effet, à partir du moment où les quatre camarades mettent les pieds sur scène, la foule est survoltée, hors de contrôle. C’est pour dire, au bout d’à peine quelques minutes de concert, Vertigo, la première chanson du set, est interrompue par les agents de sécurité. Putain, déjà qu’on a un sale son, ça fait beaucoup. Pete demande aux spectateurs de se calmer, sous peine de ne pouvoir continuer. Le même incident était arrivé à Reading, à une seule reprise. Le show reprend donc comme si de rien n’était, mais l’ivresse ne peut vraiment quitter ces cerveaux en extase qui hurlent la moindre virgule des paroles à l’unisson, et encore moins lorsque la prochaine chanson se trouve être Boys in the Band, l’une des favorites. Le mauvais mix des grattes fait tout de même grincer des dents -on se demande ce que fout l’ingé son tant on n’entend pas ces dernières (alors qu’elles sont très importantes)!- mais qu’importe, ça joue très bien, ils semblent plus prêts qu’à Reading où il y avait eu quelques “pains” (d’après les vidéos). Les gens ont l’impression d’assister à un événement historique. Il faut dire que les Libertines ont une très bonne com’, ça c’est sûr, la légende créée autour  du duo “maudit” fait définitivement son effet. Des amas de personnes s’effondrent tout à coup comme des dominos à cause de la pression exercée par l’assemblée virevoltante, beaucoup sont évacués par les agents de sécurité et menés à l’infirmerie, quand ce n’est pas à l’hôpital. Heureusement, tout le monde s’entraide beaucoup, mais cet esprit de camaraderie n’est pas suffisant à atténuer les dégâts: le concert est à nouveau stoppé pendant Time for Heroes, la cinquième chanson. Ça devient agaçant, et pas seulement pour le public. On sent les Likely Lads légèrement troublés, et il y a de quoi, deux fois, ça commence à faire beaucoup. Il ne faut pas jouer avec l’enthousiasme d’un musicien, elle est sa flamme.

 10325219_532546150201624_1011865820443520273_nLes deux leaders arborent chacun un drapeau français autour de leur cuisse.

Crédit: Steve Cook

Tout au long de la prestation, les deux compères se jettent dans les bras l’un de l’autre et se font tomber sur le sol avec un mélange de rage et de bonheur, c’est comme s’ils chahutaient pour se donner force et énergie positive. Leurs pics de bonne humeur fulgurants font contrepoids aux problèmes techniques et au malaise ambiant. Malheureusement, toujours aucune nouvelle chanson, et il n’y en aura d’ailleurs pas. Cet événement est sûrement une espèce de coup commercial visant à remettre l’eau à la bouche des fans avant la sortie d’un autre album, en plus de renflouer les poches des artistes, mais ne soyons pas trop cyniques, c’est un bon concert, clairement pas leur meilleur, mais quand même.

Le groupe est fidèle à lui-même et à son image. Carl et Pete bras dessus-bras dessous, Gary (le batteur) dans une forme olympique et tout foufou d’être là, John (le bassiste) qui tire la gueule et qu’on a envie de secouer par les épaules. Il bouge même pas un doigt de pied, putain. Oui, ils sont fidèles à eux-mêmes, oui ils sont de retour et c’est fantastique, et pourtant tous ceux qui les connaissent bien doivent s’apercevoir qu’il n’y a pas la même passion qu’avant. Le second album The Libertines a besoin d’une suite, ça ne fait aucun doute.

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Crédit: Steve Cook

Setlist Hyde Park 2014

  1. Vertigo
  2. Boys in the Band (interrompu)
  3. The Delaney
  4. Campaign of Hate
  5. Time for Heroes (interrompu)
  6. Begging
  7. The Ha Ha Wall
  8. Music When the Lights Go Out
  9. What Katie Did
  10. The Boy Looked at Johnny
  11. Can’t Stand Me Now
  12. Last Post on the Bugle
  13. Love on the Dole
  14. The Saga
  15. Death on the Stairs
  16. Radio America
  17. Don’t Look Back Into the Sun
  18. Tell the King
  19. Up the Bracket
  20. What a Waster
  21. France (interrompu)
  22. Albion (reprise de Babyshambles, Peter Doherty et Carl Barât en duo)
  23. I Get Along

Le groupe est donc interrompu une troisième fois, pendant le premier couplet de France, que Carl avait divinement bien commencée. Bordel, sécurité, pourrais-tu attendre la foutue fin des morceaux!? Pete enchaîne seul, sur Albion, morceau phare des Babyshambles, sur lequel son acolyte le rejoint du mieux qu’il peut. En effet, comme à chaque fois qu’il tente de s’aventurer trop loin, Doherty livre à la guitare une performance disons… moyenne. Celle-ci est cette fois arrêtée par John, qui commence à s’ennuyer sévère sur le côté et à se rendre compte que la situation n’est pas des plus confortables. Finalement, le concert se termine en beauté avec l’une des bombes figurant sur l’album Up The Bracket, I Get Along. Comme d’habitude, Carl Barât sauve la mise et assure comme un chef.

Tout le monde sent que c’est fini. Il n’y aura pas de rappel. Personne ne demande vraiment à ce qu’il y en ait un d’ailleurs, et ça, c’est plutôt triste. Ce fut trop court, mais intense, malgré quelques renvois d’amertume. Ça valait quand même le coup, rien que pour voir Carl et Pete s’enlacer et entonner Can’t stand me now en souvenir du bon vieux temps, n’est-ce pas?

Bilan: plus qu’heureuse d’avoir assisté à ce retour aux sources dans leur ville natale. Ça restera quoi qu’on puisse dire un moment énorme. Vivement qu’on les revoit  après un nouvel album! En espérant que ceux-là ne perdront jamais totalement leur foi en l’amour et la musique…