Immersion dans l’univers gorgé d’optimisme de Jonathan Jeremiah
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Auteur·ice : Hugo Payen
22/10/2022

Immersion dans l’univers gorgé d’optimisme de Jonathan Jeremiah

Il y a quelques mois sortait Horsepower For The Streets, un cinquième album plein de groove et d’espoir signé Jonathan Jeremiah. Un artiste qui brille de par son lyrisme et la chaleur qu’il peut mettre dans son écriture. Un artiste qu’on adore depuis ses premières productions et qui, de passage à Bruxelles, a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions. Plongeon direct au sein de ce nouvel album rayonnant. 

La Vague Parallèle : Hello Jonathan Jeremiah ! Alors, tu es en plein tournée promotionnelle depuis quelques semaines, est-ce que ce n’est pas trop fatiguant d’enchainer les pays avec ce genre de tournée dont on entend moins parler en tant qu’auditeur ?

Jonathan Jeremiah : Pas vraiment à vrai dire ! C’est différent quand tu es avec le groupe entier, quand on doit faire des petites représentations. Quand tu es seul avec ta guitare à voyager d’interview en interview, tu arrives toujours à te trouver un peu de répit (rires). C’est toujours des bons moments.

LVP : Ton nouvel album Horsepower For The Streets vient de nous être dévoilé. Comment on se sent à la sortie d’un cinquième album ?

Jonathan : C’est quelque chose d’assez dingue d’écrire certaines choses à Bordeaux en France, de les emmener dans un studio à Londres, pour ensuite enregistrer les parties orchestrales dans une église d’Amsterdam pour finalement les chanter dans une émission de radio à Bruxelles. Faire de la musique c’est comme une plante qui grandit, qui évolue. C’est une expérience incroyable que j’aime tellement avec la musique.

LVP : En 2011, tu sors ton premier album, A Solitary Man. On peut dire que c’est un succès immédiat. Il y a quoi dans ta tête de jeune garde sécurité quand tu décides de sortir ton premier projet ?

Jonathan : Ce premier album fait indéniablement référence à cette période de ma vie, à ce garde sécurité qui passe ses journées devant des sorties de secours. La musique a toujours été une échappatoire, comme une bulle dans laquelle je pouvais m’évader des rues agitées de Londres. Faire de la musique était quelque chose de très naturel pour moi.

LVP : Tu pensais pouvoir vivre de la musique au début ?

Jonathan : Pas du tout. J’ai enregistré ce premier album accompagné d’un orchestre avant même d’avoir signé dans une maison de disque. Je n’avais aucun plan de le sortir ! J’ai économisé pour l’enregistrer année après année. Je n’avais jamais réellement pensé en faire quelque chose pour être honnête. J’adore faire de la musique, et j’ai toujours adoré ! Puis un jour, quelqu’un m’a conseillé de l’envoyer à un label.

LVP : Au fil des années, le style Jonathan Jeremiah a magnifiquement évolué, sans réellement s’éloigner de son essence. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau sur ce nouvel album ?

Jonathan : Mmmh, pas facile. C’est un processus tellement long. Tu vois ce moment où tu rencontres quelqu’un pour la première fois et qu’il y a cette distance très naturelle puis plus le temps passe, plus on s’ouvre à l’autre ? Je dirais qu’en singing-songwriting on passe aussi par ces étapes. Le temps m’a appris à moins mettre de filtres. Je ne dirais pas que cet album est plus sincère, mais il est synonyme d’une véritable ouverture pour moi.

 

LVP : Tu es un grand fan de cinéma. C’est quelque chose qui se ressent très fort dans ta musique. Elle nous emmène toujours quelque part, nous fait voyager. C’est quelque chose d’important pour toi dans ton processus de création ?

Jonathan : J’ai toujours vu la musique sous un angle très visuel, très imagé. J’aime cette idée qu’un morceau résonne comme une bande originale. J’entends beaucoup de personne décrire une chanson comme étant la « bande originale de leur vie » par exemple et je trouve ça assez cohérent ! La musique n’est pas seulement une expérience auditive mais également cinématographique.

LVP : Est-ce qu’on peut dire que ce nouvel album est la bande originale de tes deux dernières années ?

Jonathan : Je pense bien ! J’y ai mis pas mal de références en tous cas. Le morceau Sirens In The Silence parle de ce que mes enfants ont éprouvé en entendant les sirènes des ambulances continuellement, leurs inquiétudes. J’ai eu envie d’écrire quelque chose pour tenter de les rassurer. C’est véritablement un morceau qui a pour but de rassurer celles et ceux qui l’écoutent. Puis The Rope en est un autre exemple et parle de ce moment où tu réalises que tous tes concerts commencent à être annulés, où tu te demandes comment tu vas pouvoir travailler.

LVP : Horsepower For The Streets se compose de onze morceaux, onze chapitres à travers lesquels on navigue entre plusieurs sentiments comme la fragilité, la douleur, l’acceptation aussi. Est-ce que la musique t’aide d’une certaine manière à faire face à toutes ces émotions justement, comme une thérapie ?

Jonathan : La musique est indéniablement une thérapie. C’est pour ça que j’aime ce concept d’album, composé de onze histoires, que tu dévoiles au monde comme un tout. On a beaucoup moins ce rapport avec les singles par exemple. J’aime la manière dont on peut créer un lien entre chacune de ces histoires justement. On arrive bien à regarder une série sur Netflix pendant des heures, pourquoi ne pourrait-t-on pas se poser et écouter un album pendant quarante-cinq minutes (rires). Je suis très attaché à cette structure d’album, à l’entité qu’il peut contenir.

LVP : On voit cette tendance chez beaucoup de groupes et d’artistes à ne sortir plus que des petits projets et abandonner cette idée d’album. Est-ce que c’est l’industrie musicale actuelle qui nous pousse à consommer la musique de manière toujours plus rapide ?

Jonathan : Personnellement, quand j’écoute de la musique c’est pour me laisser emmener dans un voyage. Ce qui est beaucoup plus difficile à faire en l’espace de deux minutes. Tu peux avoir un avant-goût c’est sûr. Mais le véritable voyage doit se réaliser à travers différents actes. C’est très personnel comme ressenti et ça dépend indéniablement du style de musique que tu écoutes, mais oui. Tout va toujours plus vite de nos jours et avoir la chance de décrocher du monde qui nous entoure ne serait-ce que pendant une petite heure est quelque chose de tellement savoureux.

LVP : On peut voir cette dualité entre les thèmes que tu abordes sur ce nouvel album et les sonorités très chaudes et groovy que tu y as déposées.

Jonathan : J’ai toujours été quelqu’un de très optimiste, peut-être même un peu trop parfois (rires). Selon moi, on doit avoir une part d’optimisme quand on fait de la musique, pour nous aider à surmonter les bas par exemple. Je pense, plus qu’avant d’ailleurs, que les gens ont besoin de recevoir de temps en temps cette dose d’espoir et d’optimisme. La musique nous permet de pouvoir le faire.

 

LVP : Justement, Horsepower For The Street arrive à nous faire pleurer, chanter, danser, sourire aussi mais surtout, arrive à nous réconforter. Est-ce que ce besoin d’optimisme est quelque chose que tu as toujours en tête quand tu écris ?

Jonathan : À l’origine, je voulais faire un album beaucoup plus dansant ! J’ai voyagé à Valence il y a quelques années et j’ai eu la chance d’assister à un cours de flamenco. C’est une expérience indescriptible de voir cette manière dont tout le monde se laisser entrainer, participe et frappe des mains. C’était très dansant et il n’y avait aucune percussion. J’avais cette envie de faire un album dans le style et m’orienter vers la bossanova et le flamenco.

LVP : Est-ce que c’est plus compliqué qu’avant d’être optimiste ?

Jonathan : Oh que oui. Pour être honnête, je ne consomme plus autant d’actualité qu’avant. Je pense que c’est important de savoir faire des pauses de temps en temps, et des réseaux sociaux aussi. J’ai l’impression qu’à force, toutes ces choses négatives que l’on voit finissent par nous trotter en tête constamment et nous affectent. Et c’est important de pouvoir aussi s’en éloigner.

LVP : Tu parlais de Bordeaux plus tôt, où tu as commencé à écrire les prémisses de ce qui deviendra Horsepower For The Streets. Tu as toujours eu un certain attachement au charme qu’offrent les campagnes françaises, non ?

Jonathan : J’ai des amis qui ont déménagé dans ce petit village français appelé Saint-Pierre-des-Corps et ma sœur a vécu quelques années en Bretagne. C’est un peu sans le vouloir que j’ai commencé à découvrir ces régions ! Ce qui est dingue c’est que je n’ai commencé à y faire des dates qu’à partir de 2018. Je n’avais jamais mis les pieds à Angers ou à Orange avant par exemple ! Durant les confinements, j’ai pris le temps de retracer mon arbre généalogique et j’ai découvert que j’avais de la famille originaire de Rouen, peut-être que ça fait partie de mon ADN finalement (rires).

LVP : Ça fait quoi de jouer dans de grandes salles londoniennes le temps d’une soirée puis de jouer dans de plus petites salles comme à Angers ou à Orange le soir d’après par exemple ?

Jonathan : Chaque environnement est différent, chaque salle apporte quelque chose de différent. Il y a ce festival aux Pays-Bas appelé le North Sea Jazz par exemple pour lequel tu joues devant des milliers de personnes avant de jouer le jour d’après devant 200 personnes à Rouen. Aucun endroit n’est mieux qu’un autre, même si je dirais que les plus petites salles t’apportent une certaine connexion avec le public. Et cette connexion me ramène à ces débuts où tu peux regarder ton public dans le blanc des yeux. Et qu’est-ce que j’adore ça !

LVP : Enregistrer un album en studio c’est quelque chose. En enregistrer un dans une église accompagné d’un orchestre de vingt musiciens en est une autre.

Jonathan : On a dû trouver un espace où l’on pouvait facilement garder nos distances sociales, pandémie oblige, tout en étant confortablement installés pour enregistrer. Ce qui n’a pas été facile pour être honnête. On est finalement tombé sur cette magnifique petite église à Amsterdam. Quand j’étais enfant, j’ai longtemps chanté dans une chorale. J’ai toujours adoré ça et le son que ça produisait ! Une partie de moi a toujours eu envie de sauter le pas comme on l’a fait je pense. On s’est laissé inspirer par l’espace que nous offrait cette église, la manière dont elle résonnait et ce qu’on pouvait y créer tous ensemble.

LVP : Le huitième chapitre de l’album, Ten-storey Falling, approche ce sentiment de peur et de doute de manière très langoureuse. Pourrais-tu nous dire comment tu as composé ce morceau ?

Jonathan : L’album aborde l’histoire d’un personnage qui se retrouve à devoir faire face à ses nombreuses addictions et ce chapitre de l’histoire parle du moment où celui-ci se retrouve seul avec lui-même. Il n’y a que lui et son addiction. Il réalise qu’il va devoir prendre une décision entre deux chemins très différents dans sa vie.

LVP : Tu conclus cette album avec Sirens In The Silence. C’était important pour toi de terminer sur cette note plus positive et rassurante ?

Jonathan : Je dirais que ce dernier morceau parle du moment où ce personnage réalise que ce qui l’aide le plus à surmonter ses addictions se trouve tout simplement être les personnes qui l’entourent. Dans ce cas-ci, on pourrait dire que ce sont ses enfants. Le fait qu’il mette tout en œuvre pour veiller sur ses enfants et les rassurer. L’idée est de dire que même si ces sirènes d’ambulances semblent effrayantes, elles sont là pour veiller sur nous. Tout est une question de point de vue finalement, et la manière dont on le façonnera. Il y a toujours quelqu’un qui veille sur nous quelque part. C’était un bon moyen de conclure toutes ces histoires.


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