(INTERVIEW) – Recorders
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Auteur·ice : Fanny Ruwet
18/03/2016

(INTERVIEW) – Recorders

Quelques jours à peine avant la release party des Belges Recorders, La Vague Parallèle a rencontré Gordon Delacroix, chanteur du groupe pour parler de la sortie de leur deuxième album Coast To Coast.

 

LVP : Si tu devais décrire le groupe à quelqu’un qui ne le connait pas, tu ferais ça comment ?
Gordon Delacroix : Je dirais que c’est essentiellement de l’indie pop,donc de la pop mais sans tomber dans le super mainstream. Quand on dit pop, les gens s’attendent à Rihanna ou Taylor Swift – qu’on adore passionnément -, mais nous c’est plutôt de l’indie pop rock qui mélange des synthés atmosphériques avec des rythmes assez entrainants, des guitares cliquantes et des influences électroniques.

 

LVP : Comment vous vous êtes retrouvés à jouer ensemble ?
Gordon : Alex (guitariste) et moi, on se connait depuis plus de 10 ans on a grandi tous les deux avec énormément de vinyles autour de nous. Nos parents écoutaient pas mal de Pink Floyd, The Rolling Stones, The Beatles, The Who,.. On a vraiment été bercés par ça. On a commencé à jouer de la guitare ensemble et on a tout de suite voulu créer un groupe. On a gardé ça dans un coin de nos têtes et au fur et à mesure des gens qu’on a croisés, on a testé plusieurs formations et on a fini par former le groupe actuel, il y a maintenant 2 ans. Enfin, 3 ans avec Flo (basse) et 1 an avec les deux autres, donc ça fait 2 ans en moyenne (Rires).

 

LVP : Votre premier album Above The Tide est sorti il y a un an et demi. Comment le groupe a évolué depuis ? Qu’est ce que ce premier disque vous a apporté au niveau de la maturité ?
Gordon : Déjà, Above The Tide est sorti un an et demi après qu’on l’ait terminé, donc aucun des morceaux n’était vraiment récent. On avait déjà eu tout un parcours depuis et on avait continué à composer, ce que je fais en permanence dans ma tête, je suis un peu fou (rires). Je peux être dans ma cuisine, chez quelqu’un ou quoi et si j’ai une mélodie qui me vient en tête, je vais la chanter dans mon téléphone en me cachant. Parfois dans la rue, si personne n’est autour de moi, je commence à enregistrer ce qui me vient en tête (chante un air dans le dictaphone, tel un beatmaker possédé), comme ça. Et plus tard je réécoute et je me dis « Tiens c’était bien » ou « Arf, c’était vraiment nul », mais je m’éloigne de ta question en fait. J’y reviens.
Photo : Lara Gasparotto

Photo : Lara Gasparotto

 

Déjà, on a changé deux membres : le claviériste et le batteur. Ça a eu un gros impact sur la couleur du groupe. Notre nouveau claviériste est pianiste de jazz, c’est son premier projet pop/rock, donc il débarque un peu dans le monde. C’est hyper rafraichissant parce qu’on a la vision de quelqu’un qui est un musicien très accompli mais qui est complètement nouveau dans le milieu du rock, donc c’est intéressant de voir les commentaires qu’il a à faire. Et grâce au fait qu’il soit un excellent pianiste, on a vraiment une liberté totale. Je peux tout écrire, je sais qu’il pourrait tout jouer. Au niveau des percussions, on est passés d’un batteur très rock qui voulait juste jouer sur sa batterie à un batteur beaucoup plus ouvert à mélanger des pads, des beats électroniques et des batteries acoustiques, des cloches, des coquillages, des shakers,.. C’est plus un multi-percussionniste qu’un batteur en fait. Donc les nouveaux musiciens ont ajouté une nouvelle ampleur à notre musique.

 

Sinon au niveau de l’approche, je pense qu’on peut dire qu’on a fait une nouvelle recette avec les mêmes ingrédients. C’est à dire que nos influences sont les mêmes : du rock psychédélique, du rock progressif, de la musique électronique minimaliste ou plus pop, de la pop, du jazz,… Dans notre premier album, on a mélangé tous ces styles en privilégiant certains aspects tandis que cette fois-ci, le mélange s’est fait différemment et avec un peu plus de maturité je pense, c’est en tous cas ce qu’on nous dit.

 

LVP : « Recorders : l’album de la maturité » ? (rires)
Gordon : C’est un peu ça, oui (rires). On nous dit que l’approche de la voix est différente, ça parait plus mature. Mais ça s’est vraiment passé de manière organique, c’est pas quelque chose qu’on a cherché consciemment.

 

LVP : Et au niveau de la composition, c’est toi qui amènes tes idées, qui fais tout et les autres ont « juste » à jouer ? Ou bien vous vous y mettez tous ensemble ?
Gordon : 90 % du temps, j’écris les morceaux comme un rat dans ma cave, j’ai besoin d’être seul avec mes instruments et mon laptop. Je fais les structures, les mélodies,.. et j’essaie de faire un morceau assez complet : c’est la raison pour laquelle j’ai fait des études d’ingénieur du son, je voulais pouvoir être autonome. Une fois que les démos sont faites, je vais les montrer au groupe, et les autres vont rajouter des arrangements, des arpèges,.. tout autour. Donc je fais la base chez moi, on l’enrichit en groupe puis on l’approfondit en studio en faisant plus de recherches au niveau des sonorités, des instruments et tout ça. Et puis finalement on peaufine au mixage.
 Recorders - Coast To Coast

 

LVP : Comment ça se passe en studio ? T’arrives avec une idée bien précise de ce que tu veux ?
Gordon : Avant, j’avais un peu de mal à être ouvert aux autres, mais je m’en suis rendu compte, j’ai fait un gros travail sur moi et maintenant ça va mieux. Parfois c’est compliqué, quand tu travailles pendant des semaines sur un morceau, de te détacher des idées que tu en avais déjà parce que tu l’as écouté des centaines de fois. T’es un peu accroché à quelque chose. Mais je sais que les gens qui sont en ce moment autour de moi ont plein de choses hyper intéressantes à y apporter, donc maintenant je suis beaucoup plus ouvert aux idées des autres et à l’idée de donner une forme différente à la vision que j’ai eu de la chanson au premier abord.

 

LVP : T’es content de la réception de l’album par la presse et le public ?
Gordon : Pour le moment, la presse est excellente, on a que de bonnes reviews, je pense que 7.5/10 est notre pire score.

 

LVP : Arff, quelle note de nuls. Petits joueurs. (rires)
Gordon : Oui je sais, je suis un peu triste. Avant tout était au dessus de 8 puis on a eu ce 7.5.. (rires) Non mais en vrai on est très contents de l’accueil par la presse. Maintenant, l’album est encore très très jeune, on n’a pas encore joué la release party, on est un peu en train de le présenter,.. donc on attend de voir un peu plus comment il va s’épanouir cet été, avec le temps, les festivals,.. Ça prend évidemment du temps à se développer.

 

LVP : Est ce que parfois tu as l’impression de ne pas être compris dans ce que tu fais ? De proposer des choses que les gens vont écouter, peut-être apprécier, mais sans le comprendre réellement tel que tu l’as créé.
Gordon : (ironiquement) Oui, j’avais par exemple caché un message en morse dans un morceau du premier album et personne ne l’a compris.. Ça m’a beaucoup déçu.

 

LVP : (rires) C’est réellement vrai ?
Gordon : Oui oui. Au début de Wolf Drums, il y a du morse qui dit « You are beautiful ».. Oui je sais, c’est cliché.

 

LVP : (rires très fort parce qu’holy shit, c’est vraiment cheesy)
Gordon : Je te jure, c’est pas une blague, tu peux aller écouter. Mais je pense pas que quelqu’un connaisse le morse et l’ait remarqué. Donc oui, je me sens vraiment incompris.

 

Photo : Lara Gasparotto

Photo : Lara Gasparotto

LVP : C’était bien tenté pourtant. Votre album s’appelle Coast To Coast, vous avez des titres du style Over Rivers and Seas, Lost At Sea, votre premier disque s’appelait Above The Tide.. Tu as une obsession pour la mer ?
Gordon : Eh bien c’est assez étrange et je ne sais pas vraiment me l’expliquer, mais à la base j’ai surtout une obsession pour la montagne, la forêt et les paysages nordiques. Et depuis des années, en écrivant, je me retrouve à aller naturellement vers des métaphores de la mer, des océans,.. Et je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’il y a une certaine poésie dans cette imagerie qui transmet bien les idées que j’essaye de faire passer.
Par ailleurs, Coast To Coast ça fait penser à la mer, mais c’était plutôt voulu dans la métaphore du voyage, du fait que le voyage soit plus important que la destination.

 

LVP : On dirait une phrase de Marc Levy..
Gordon : Presque (rires). Non mais tu vois, le fait que ce qui se passe entre les deux côtes est plus important qu’une rive ou l’autre. C’est une métaphore pour la vie quoi.

 

LVP : Tu as pensé à écrire ça en morse dans un des morceaux ?
Gordon : (rires) Quand je dis des trucs cuculs de manière ironique, tu le transmets dans l’interview hein.. Tu l’écris pas tel quel (ndlr : T’INQUIÈTE GORDON, JE GÈRE) ?

 

LVP : Et malgré le fait que tu sois fort inspiré par la nature, tu n’es pas obligé d’aller t’enfermer dans une cabane au fin fond des Ardennes pour composer ?
Gordon : Non, comme on en parlait plus tôt, les idées arrivent n’importe quand, souvent la nuit, parce que ça m’inspire plus. L’obscurité cache un peu tous les défauts du monde. C’est pour ça que j’aime bien la neige aussi. Tu peux avoir une ville dégueulasse, s’il neige, tout a l’air magnifique parce que tous les défauts sont masqués. Et l’obscurité a un peu le même rôle, donc j’y trouve une certaine poésie. Donc j’écris beaucoup la nuit, mais j’ai pas besoin d’être dans une certaine situation. J’ai un peu le problème de ne jamais me déconnecter de la composition, je suis toujours inspiré par plein de choses : le bruit d’un train que je trouve bizarre qui me donne une idée d’une certaine texture, une alarme de voiture, un chant d’oiseau.. ça peut vraiment venir de n’importe quoi.

 

LVP : Tu as dit que c’était un problème de ne jamais réussir à te déconnecter. Tu penses vraiment que c’en est un ?
Gordon : Parfois j’ai quand même envie de dormir.. Puis j’ai une idée. Je me dis « C’est bon attends demain, tu t’en rappelleras », mais je sais que ça ne sera pas le cas, donc je me relève et j’écris tout. C’est pas réellement un problème, ça serait assez prétentieux de ma part de dire ça, il y a plein d’autres choses dans la vie qui sont de vrais problèmes. Mais parfois, c’est un peu fatiguant mentalement, parce que tu ne relaxes plus ton cerveau.

 

Gordon et sa belle biche pendant l'interview

Gordon et sa belle biche pendant l’interview

LVP : Il y a quelques semaines, vous avez repris le morceau Famous de Kanye West et vous l’avez posté sur Facebook. Pourquoi ?
Gordon : J’aime pas la personne qu’il est. Même si je pense que tout ce qu’il fait, c’est clairement du marketing et qu’il fait ça très bien. Par contre, il y a des morceaux à lui que je trouve exceptionnels comme
Power, Runaway ou Hold My Liquor. C’est un artiste qui a énormément de talent. Après, je m’y connais pas des masses en hip hop ou en rap, du coup je ne vais pas écouter ses albums en entier, c’est pas mon domaine. Mais c’est quelqu’un que j’admire énormément pour son travail d’écriture : il a créé des choses très très belles.
Dernièrement, on a voulu se donner un challenge avec le groupe en reprenant à notre sauce un morceau qui était aux antipodes de ce qu’on faisait. On a parlé de Justin Bieber, de Years and Years, de Drake,..

 

LVP : T’aurais fait la chorée d’Hotline Bling ?
Gordon : Oui ! Mais le problème, c’est que ces choses avaient déjà été faites et refaites, tandis que là, Kanye West venait de sortir son nouvel album, la presse parlait beaucoup de cette chanson parce qu’il clashait Taylor Swift de manière pas hyper fine comme il en a l’habitude. Donc on s’est dit pourquoi pas..

 

LVP : Vous avez chacun des projets à côté de Recorders. Florian, le bassiste, joue avec les Sunday Charmers, toi tu as un projet avec Barry des Fratellis,.. Tu peux m’en dire un peu plus ?
Gordon : Oui bien sûr. Moi ça fait quelques années que je me suis lié d’amitié avec Barry Wallace, le bassiste des Fratellis. Il y a deux ans, il m’a dit qu’il allait lancer un side project, qu’il cherchait quelqu’un pour le développer avec lui, et il m’a demandé si ça m’intéressait. Moi ça me branchait évidemment hyper fort, donc on a travaillé un peu ensemble via internet, on s’échangeait des morceaux et ça donnait pas mal. Pour concrétiser tout ça, on est partis l’année passée une semaine dans son chalet dans la forêt au Pays de Galle. Ça s’est super bien passé et on a écrit des morceaux qui nous plaisaient vraiment beaucoup mais juste après ça l’album des Fratellis sortait, nous on était sur le nouvel album de Recorders,.. Donc un an est passé sans qu’on avance. Mais maintenant qu’il a terminé la tournée de son groupe et que Coast To Coast est sorti, on a trouvé un vieux monastère dans le sud de la France et on part 10 jours au mois d’avril pour finaliser un premier EP qu’on sortira sous le nom de Cyans.
Pour les autres, Flo (basse) joue avec les Sunday Charmers, Michael-John (batterie) joue dans The Girl Who Cried Wolf et Lighthousing, Ben (claviers) joue dans plusieurs projets de jazz,..

 

Recorders La Madeleine

Photo : Lara Gasparotto

LVP : Vous faites la release party de votre nouvel album à la Madeleine le 17 mars. Comment tu sens cette date ?

Gordon : Super bien parce qu’on a travaillé et mis au point le live avec
Charles de Schutter qui a enregistré notre album, mais qui est aussi l’ingé son de M et de Ghinzu. Il nous a suivis sur toutes les étapes de la mise en place de la tournée et je pense que niveau son, on n’aurait pas pu tomber sur meilleur que lui en Belgique. Donc on est hyper confiants et je trouve que c’est la base d’un bon concert : avoir confiance en son set et être à l’aise. A partir de là tu peux construire tout ce que tu veux. Et autre chose dont on est super contents : une chorale sera là pour plusieurs morceaux et on aura 5 chanteuses derrière nous en mode full power à la Massive Attack. Ça va être bien.

 

Pour découvrir ça en live, ça se passe le 17 mars à La Madeleine (Bruxelles) pour la sortie de Coast To Coast. Tickets ICI et on vous en offre 2×2 ICI !

 

D’ici là, l’album est en écoute sur Spotify.
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