(INTERVIEW) We Are Match : devoirs de vacances et requins volants
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Auteur·ice : Fanny Ruwet
26/07/2016

(INTERVIEW) We Are Match : devoirs de vacances et requins volants

La Vague Parallèle a rencontré les Français de We Are Match (et leur requin volant) le lendemain de leur concert au Reflektor (Liège). Ils y présentaient leur premier album Shores, paru quelques jours plus tôt en Belgique.

LVP : Si vous deviez présenter We Are Match à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, vous diriez quoi ?

  • C’est un groupe de 5 amis d’enfance qui ont décidé de faire de la musique pour combattre un peu l’ennui. On vient d’une toute petite ville où il n’y a pas grand chose à faire, du coup on s’est lancé là dedans parce que c’était nettement plus intéressant. On a commencé à y prendre pas mal de plaisir..
  • We Are Match c’est un peu une symbiose quand on est tous ensemble, il y a une espèce d’émulsion qu’on n’a jamais retrouvée dans quoi que ce soit d’autre dans notre vie. Du coup on s’évertue à faire de la musique parce que quand on en fait, il y a un truc vraiment trop cool qui se passe.
  • On essaye de créer des chansons qui parlent un peu de notre génération, de plein de choses qu’on ressent par rapport au fait de pas trop avoir les mains sur notre futur, que tout soit bloqué en France et qu’on ne puisse rien faire. On essaye de trouver du positif là dedans et en utilisant des espèces de symboles et grandes images auxquels on se réfère, histoire de donner un peu de magie à tout ça, chose qui manque un peu dans la vie que les gens ont actuellement. On a vraiment l’impression que toute la magie qu’il y avait dans le monde a été supprimée, c’était quand même mieux à une certaine époque, quand il y avait encore des mythes, des mystères et des trucs comme ça.

LVP : Vous auriez aimé être un band à quelle époque, alors ?

  • On est contents d’être à notre époque mais on a le sentiment qu’on stagne un peu, qu’il faut qu’on arrive à insuffler quelque chose de nouveau. C’est comme si on était arrivés au bout d’une progression par rapport à la façon dont on vit.. Ça stagne. Il faut arriver à retrouver l’envie de vivre dans un monde cool. On a le sentiment qu’on a besoin de mettre des mots là dessus, en tous cas pour parler à nos potes et puis finalement à plein d’autres gens qu’on rencontre sur la route en ce moment et avec qui on échange. C’est trop cool. On n’est pas du tout un groupe politique mais c’est ça qui nous porte, un sentiment qu’on a une musique qu’on a envie de faire, des choses qu’on a envie de dire et on trouve ça génial de le faire via We Are Match.

LVP : Vous avez sorti un premier EP, Relizane, en 2013. Cette année-là vous avez aussi gagné le prix du jury aux Inrocks Lab,.. On peut dire que le groupe a plutôt bien démarré. Comment vous avez réussi à gérer un aussi bon départ sans vous prendre la tête et en continuant à prendre votre temps pour le projet ?

  • On n’avait pas à se prendre la tête parce qu’on n’a pas non plus gagné un Grammy Award.
  • Quand tu gagnes le concours d’un magazine français en France, c’est très bien, on peut pas cracher dessus, mais il n’y avait pas de quoi se prendre la tête. Et on est tellement soudés entre nous qu’il n’y a pas de question d’égos ou quoi que ce soit. C’est juste une bande de potes qui font de la musique et ça ne va pas au delà.
  • La seule réaction qu’on a eue par rapport à ça, c’est de se dire.. En fait c’est arrivé tellement vite  : on avait fait ce premier EP, on s’est dit « Oh tiens on va commencer à faire des concerts » et on s’est retrouvés avec les Inrocks Lab qui devait être notre 5ème ou 6ème concert au Trianon et à la Cigale, on était un peu éberlués. Mais c’était trop bien. Ça nous a amené pas mal de retours super positifs et très encourageants mais derrière, on a eu le sentiment qu’il fallait qu’on continue d’avancer. On a pris une maison dans la forêt parce qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on ait plus de chansons, qu’on prenne du recul, qu’on prépare correctement ce qu’on avait envie de dire. Et on a eu envie de travailler sur cet album directement en fait. De sortir ce qu’on avait à dire par rapport à tout ça. Ça nous a fait beaucoup de bien de nous ressouder, de reculer un peu pour mieux revenir.

LVP : Vous êtes partis dans les bois, vous vous êtes renfermés dans une cabane, vous avez utilisé plein de sons un peu random comme des barreaux de fenêtre, un presse orange, etc ?

  • Exactement. On a tous rassemblé les instruments qu’on avait chez nous, on a loué cette maison au milieu de la foret, il n’y avait que des chevaux autour de nous et rien d’autres, on pouvait faire autant de bruit qu’on voulait tout le temps et on a appris à jouer ensemble, à vivre ensemble, à se connaitre différemment parce que vivre avec les gens ça change tout.
  • C’était vraiment de la création pure.. A partir du moment où on se levait on bossait sans interruption donc ça a donné des situations qui étaient assez drôles. Genre le matin il y en a un qui était en train de se presser des oranges, je suis passé de la cuisine au studio et j’ai commencé à monter l’escalier et là entendu le bruit de la cuisine qui se mélange avec la musique et je trouvais le résultat génial. En fait je pensais qu’il était dans la musique et une fois qu’il s’est arrêté il me manquait. Donc j’ai demandé « Mais qu’est ce que vous avez rajouté ? »  et c’était juste le bruit du presse orange qui était en bas donc on s’est dépêché d’aller l’enregistrer.. Et c’était un presse-oranges accordé en sol, pour info.

LVP : Accordé en sol. C’est important. (rires)

  • Oui c’est important.
  • On l’avait acheté pour ça d’ailleurs. (rires)

We Are Match Interview

LVP : Du coup au niveau de la composition en tant que telle, vous faites ça tous ensemble ? Il n’y a pas un compositeur et des musiciens qui le suivent ? 

  • On aime bien se bousculer un peu donc notre façon de travailler change. Souvent un de nous amène des idées, puis on rediscute ensemble. On a parfois passé plus de temps à parler qu’à faire de la musique. Puis sinon il y a aussi les moments où on joue, on laisse partir le truc tous ensemble.. Parfois ça donne un gros bordel mais d’autres fois il y quelques chose qui se passe, qu’on réanalyse ensemble ensuite.. On a passé beaucoup de temps aussi sur l’ordinateur à essayer de réfléchir autrement plutôt que de simplement faire juste une chanson qu’on peut jouer comme ça guitare voix.
  • Oui, plein de méthodes différentes.. et des exercices où on se disait « Oui, là on va faire une chanson en français », « Là on va se marrer à raper », « Là on va partir sur de la musique électronique »,.. Cet album du coup il est très éclectique parce que c’était presque des devoirs de vacances en fait. On s’est donné des exercices, on partait là dessus et donc chaque chanson est fort différente sur l’album et c’est exactement ce qu’on voulait faire: un album qui part dans tous les sens et qui en même temps arrive à garder une unité du fait qu’on a tout produit nous-mêmes. Il y a un truc qui est important aussi, c’est que dans notre manière de composer, on aime bien construire et déconstruire jusqu’à avoir une espèce de pyramide d’idées: un de nous apporte une base et ce qu’on aime c’est détruire tout ce qu’il a fait pour reconstruire derrière..
  • C’est frustrant..
  • Oui c’est vrai, mais après t’évolues dans le truc et tu te dis « Ah oui, faut que je revois ma copie pour qu’elle soit mieux » et il y a une émulsion qui se passe. Il y a tout un travail de groupe autour e la composition qui est hyper intéressant.

LVP : Tu parlais de votre unique chanson en français, L’Avenue, c’était juste un défi ?

  • Oui parce qu’on ne s’est jamais trop posé la question de chanter en français. On a toujours grandi avec de la musique anglaise et avec des influences tant musicales que cinématographiques anglo-saxonnes donc cette langue fait vraiment partie de nous à ce niveau-là et justement, c’était marrant de se dire « Oh tiens, ces accords là sont un peu différents de ce qu’on fait d’habitude, c’est plus jazzy donc pourquoi ne pas écrire en français par dessus ? Je l’ai écrite en un claquement de doigts alors qu’en anglais je mets beaucoup de temps. Peut-être qu’on retravaillera un jour en français mais là il y avait un côté one shot qui nous faisait marrer. C’était un peu insolent en fait, on aimait se dire qu’on était capables de le faire même si on le faisait pas de manière générale.

LVP : Et vous pensez quoi de la nouvelle vague française : les groupes Entreprise, Flavien Berger,.. ?

  • Déjà ce qui est cool c’est que plein de gens se bougent pour qu’il y ait une vraie scène en France. Des gens qui ont un peu plus de la vingtaine et qui ont envie de faire des trucs cool.. Ce qui est parfois assez dur en France parce que plein de trucs sont assez vieillots au niveau de la musique. Après, y’a des choses biens et d’autres où on accroche moins mais on voit qu’il y a une vraie envie, on rencontre beaucoup de gens qui sont motivés l’idée de faire un peu rêver les gens en France, de créer de choses
  • C’est pas forcément évident de faire de la musique indépendante chez nous et on voit plein de personnes qui essayent de le faire, des labels qui font avancer les choses, plein de beaux projets,.. La semaine dernière on a fait deux dates avec Jeanne Added et c’était vraiment super de partager la scène avec une artiste comme ça. Il y a aussi d’autres projets plus émergeants comme Samba De La Muerte, des trucs comme ça. Ça fait juste trop plaisir de voir de la musique aussi qualitative chez nous.
  • Même un truc plus fat comme The Dø, c’est super cool d’avoir des gens qui font ça. Des fois en France, on nous dit qu’il faut écouter ou aimer tel truc parce qu’ils chantent en français, parce qu’ils sont français,.. Mais des fois.. C’est de la merde en fait. Mais je trouve que The Dø par exemple, c’est sexy. Il n’y a pas à se forcer pour aimer simplement par fierté nationale comme certains le font.

LVP :  J’ai lu plusieurs articles dans lesquels vous étiez comparés à Metronomy ou Alt-J. Ça vous fait plaisir ou bien vous n’aimez pas trop être ramenés à d’autres groupes ?

  • Oui, bien sûr ça nous fait plaisir. Ce sont des groupes qui ont été super novateurs à un moment donc on est évidemment touchés. Après, ce sont des références pour nous mais on voulait essayer d’éviter d’être le genre de groupe où tu sens l’influence, tu sens qu’il tente de refaire du Metronomy,.. Parce qu’à ce moment-là, tu écoutes du Metronomy, c’est mieux. De notre côté, on a plein d’influences totalement différentes, c’est ça qui est bien. On voulait brasser tout ça et sortir quelque chose d’à peu près nouveau.
  • Ce qui est plutôt cool c’est qu’à la fin des concerts on discute beaucoup avec les gens et à chaque fois, ce sont des références nouvelles qui sortent : « Ah tiens, ça m’a fait penser à Alt-J, à Metronomy, à Pink Floyd.. Ça part vraiment dans tous les sens, ce qui fait qu’à la fin, il n’y a pas vraiment un groupe de référence auquel on peut être rattaché, c’est plutôt agréable.
  • C’est vraiment ce qu’on avait besoin de faire sur ce premier album. De l’éclectisme. On avait besoin de montrer qu’on avait envie de faire plein de choses. Peut-être que par la suite on resserrera un peu notre style par album ou quoi, mais sur celui-ci, on ne voulait pas juste faire du rock, ou un style particulier. Donc en gros on est très fiers d’avoir ces influences-là, mais on essaye de ne pas s’y enfermer.

LVP : Si vous êtes tant dissipés au niveau de styles, c’est quoi celui qui vous éclate le plus pour l’instant ?

  • On est en train de redécouvrir beaucoup de choses avec les concerts. Pour l’instant on a des espèces de vibes un peu hip hop et punk rock qui nous parlent à mort. Les grosses rythmiques un peu lentes, du groove,.. On arrive devant des gens qui ne connaissent pas les morceaux dont juste arriver à les faire danser.
  • L’album Shores n’a pas du tout été conçu par rapport à la scène en fait. C’est vraiment un album de studio et maintenant qu’on l’exploite sur scène, on se dit « Tiens, on aura du faire ça comme ça,.. », on se serait plus éclaté sur scène. Donc on est en train de retravailler les morceaux, on en fait un truc  plus rock and roll, plus punch. Parce que sur scène on veut être énergiques, sauter partout et ne pas tomber dans le côté « On récite quelque chose » qui serait déjà très codé. On veut faire une vraie prestation. Quand on sent que le public commence à nous renvoyer de l’energie, on se sent vraiment galvanisés, on se nourrit de ça.
  • Donc en tous cas pour Shores, la scène rend les morceaux beaucoup plus intenses en fait. Même le titre Shores qui en version studio est assez doux, on le pulse un peu plus sur scène. Speaking Machines aussi, qui est assez électronique sur l’album, se révèle un peu plus rock and roll en live avec Simon qui jette sa guitare et crie dans son micro (rires).

LVP : Votre premier album est tout récent et vous en parlez déjà comme si c’était une étape passée et que vous regardiez déjà beaucoup plus loin. C’est le cas ?

  • Oui je pense..
  • On a un peu vu l’album comme une photo, pris à un instant T. Après la photo, on continue à bouger. On a plein d’idées en tête et on se projette beaucoup mais à cet instant T-là, on faisait cette musique-là. C’est important de marquer les choses mais on a plein d’autres projets.
  • Rien que le titre de l’album était assez dans cette optique-là.. Shores = Rivages : on voit un rivage, un truc au loin vers lequel on va se diriger. Sur ce premier album il y avait ce côté « On met les choses en place et tout ça va prendre sens au fur et à mesure ».

We Are Match Interview

LVP : Vos morceaux s’appelles « Shores », « The Shark », « Over The Sea »,.. Vous avez une obsession pour la mer ?

  • Oui, on en a pas mal parlé.
  • Justement, il y avait peut-être une envie de donner une unité à tous ces morceaux fort différents mais quand même tous dans une même vite et le fruit du même besoin de creuser plusieurs choses en même temps: d’apprendre à produire de la musique électronique, de faire aussi de la musique beaucoup plus organique comme notre morceau Older Colder, d’apprendre à faire du hip hop,… Il y avait vraiment une notion d’apprentissage, un côté « devoir de vacances », plein d’exercices qu’on s’est imposés parce qu’on avait besoin de s’améliorer tout en ayant des choses à dire.

LVP : Vous défendez l’album depuis plusieurs mois et là vous venez de faire votre deuxième date en Belgique. Vous aimez bien jouer ici ?

  • Trop. C’est super cool.

LVP : Vous dites ça parce qu’on est en Belgique ?

  • Non non (rires). Le public est vraiment trop cool. Déjà dans le nord de la France on avait eu un accueil incroyable et on a l’impression que plus on remonte, mieux c’est. La prochaine étape c’est Groningen, on verra si c’est encore plus chouette là-bas.
  • Tu vois c’est tout con mais hier soir à Liège on n’avait même pas encore commencé à jouer qu’une meuf était déjà en train de sauter partout. C’est ça qu’on aime. Surtout qu’on a beaucoup joué à Paris où les gens aiment bien se la péter un peu, parler tout bas, se faire chier aux concerts et tweeter. Nous on aime bien les bons vivants, faire des blagues, bien manger, faire la fête,.. Du coup on s’entend bien avec les Belges. Enfin, je veux pas faire de raccourcis, il y a aussi des cons ici je suppose, mais tous les gens qu’on a rencontrés ici étaient cool.

We Are Match Interview

LVP : On peut vous souhaiter quoi pour la suite ? Ça me semble plutôt bien parti..

  • Revenir en Belgique ?
  • Oui, logiquement on revient à Bruxelles cet été. On a hâte.

En effet, c’est désormais confirmé, We Are Match sera en concert au Brussels Summer Festival le 8 août. Leur premier opus Shores est en écoute ICI.

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