Photos: Melissa Fauve
Des isotopes sont deux éléments chimiques fondamentalement similaires, qui présentent des différences subtiles. Une métaphore judicieusement sélectionnée par Will et Olivia pour nommer leur deuxième EP. Wasia Project est probablement l’un des plus chouettes projets à suivre cette année. Isotope est un deuxième projet introspectif qui explore la nostalgie mais aussi les tourments qui accompagnent le passage à l’âge adulte.
Le mélange de styles complexes qui se marie avec des textes judicieusement pensés témoigne de la maturité de composition de la fratrie. D’une certaine façon, Isotope nous enveloppe dans une atmosphère chaleureuse, qui traduit le sentiment particulier d’être à la maison tout en ressentant des connexions avec l’univers.
L’ensemble de chansons est parfait pour accompagner nos journées d’automnes maussades. Mais si le projet est en effet empreint de mélancolie, les deux jeunes personnes que nous avons rencontrées avant la fin de l’été sont loin d’être moroses. Au contraire, nous avons eu affaire à deux jeunes adultes pétillant·es. Quelques heures avant leur show au Pukkelpop, nous avons parlé écriture, alchimie et authenticité dans cette période charnière.
Ce qui est incroyable, c’est qu’on se fait confiance et qu’on a un amour profond l’un·e pour l’autre. On a vraiment de l’empathie et on peut en quelque sorte fusionner et collaborer sur les idées, ce qui est vraiment très beau. Je pense que cela s’entend lorsque vous écoutez nos chansons, il y a une bonne énergie entre nous, de bonnes vibes.
La Vague Parallèle: Tout d’abord, bonjour, comment allez-vous ?
Wasia Project : Super bien.
LVP: Avez vous hâte d’être ce soir ?
Olivia : On est très excité·es, oui !
Will : Oui, ça va être chouette.
LVP : Quelle est la chanson que vous préférez jouer en concert en ce moment ?
Olivia : On a vraiment hâte de jouer notre nouvelle chanson aujourd’hui. C’est la première fois qu’on va la jouer en live et elle n’est même pas encore sortie. On est donc très excité·es à l’idée de jouer celle-ci en particulier.
Pouvez-vous me dire de quelle chanson il s’agit ?
Olivia : Elle s’appelle Somebody Come Through.
LVP : Vous vous apprêtez à tourner pendant une longue période en automne, comment vous préparez-vous pour ce genre de tournée ?
Will : Toi (à Olivia), tu as commencé à faire des séances de mouvement.
Olivia : Oh oui, on répète beaucoup. C’est facile de ne pas vouloir s’échauffer ou de ne pas faire ce genre de choses : mais j’ai eu quelques séances d’entraînement au mouvement, pour savoir comment bouger mes bras et aussi des cours pour m’entraîner à la diction, à la clarté de mon discours. Il y a beaucoup de petites choses que nous faisons. Le choix des tenues est une chose importante aussi, beaucoup de recherches sur Pinterest (rires).
Will : Moi je pratique le piano tous les jours, même si on n’est pas en tournée, c’est comme une routine pour moi. C’est donc très cool de commencer à préparer les chansons et d’entendre ce qu’elles vont donner en live et tout ça. C’est du boulot, mais nous sommes très excité·es de partir en tournée.
LVP : Vous êtes sur le point de sortir un nouvel EP. À quoi peut-on s’attendre ?
Will : Il est très cinématographique, assez différent de tout ce qu’on a fait auparavant. On a exploré beaucoup de nouveaux sons et oui, c’est tout simplement nouveau.
Olivia : Je dirais que c’est probablement assez moody. Je pense que le son en général est plus travaillé. C’est toujours du storytelling mais oui, ça sonne beaucoup plus soutenu.
LVP : La réalisation d’un deuxième projet est toujours un défi car on sait que les gens en attendent quelque chose. Comment avez-vous abordé le processus d’écriture pour ce projet ?
Will : Les chansons ont été écrites au cours des deux dernières années, et c’était juste des chansons que nous avions sous la main et que nous voulions sortir. Donc quand on les a choisies, on s’est dit, ces quatre ou cinq chansons fonctionnent bien ensemble, elles sont dans le même monde et le même univers, mais elles ont toutes leur propre moment et leur propre caractère, donc je suppose que c’est venu de ça. Mais c’est juste un ensemble de compositions de ces dernières années. On n’a pas eu la démarche spécifique de se poser et d’écrire un disque, c’est comme les chansons qui ont fait partie de nos vies et qui ont été écrites au fur et à mesure.
Olivia : L’âge auquel nous écrivons va de 14 à 20 ans ou quelque chose comme ça. Pendant cette période, c’est un grand changement et tes goûts musicaux, ce que tu aimes créer, changent si rapidement. Donc en grandissant, on a commencé à réaliser qu’on pouvait faire ce qu’on voulait. Et je pense qu’au moins maintenant, je me sens beaucoup plus en contrôle avec la façon dont je veux que la chanson sonne, au lieu de juste dire « oh c’est une chanson, sortons-la ». Il y a beaucoup plus de réflexion pour savoir si j’aime ou pas, et j’aime ces chansons, j’en suis fière.
LVP : Qu’avez-vous appris en créant cet EP ?
Olivia : Beaucoup de choses, beaucoup de choses…
Will : La principale chose que j’ai apprise, probablement avec le recul, c’est la confiance totale et la foi dans le processus. J’étais toujours inquiet avant ce genre d’EP : « oh, ça ne va pas sonner comme on le voudrait “, ” oh, on ne va pas y arriver », mais à la fin de cet EP, je me suis dit : « ok, j’ai complètement confiance dans le fait qu’on va arriver au point où on va toustes les deux hocher la tête et c’est tout. Et je sais qu’on va polir la sculpture jusqu’à ce qu’elle soit là où on veut qu’elle soit”, donc la confiance est quelque chose que j’ai définitivement acquis grâce à cette expérience. J’ai hâte de me lancer dans un album comme ça et je pense que c’est une façon beaucoup plus libératrice de faire des disques.
Olivia : Il est important de laisser respirer la chanson sur laquelle tu travailles, parce que si tu essaies de forcer le résultat, il ne sera jamais aussi bon que si tu laisses la chanson prendre son temps. Je pense aussi que c’est parce que nous l’avons enregistré après tant de pauses différentes : nous sommes parti·es en tournée et nous sommes revenu·es, nous avons eu de petites poches de temps. Oui, c’est bien de la laisser respirer.
LVP : Comment vos différentes personnalités se complètent-elles en studio ?
Will : C’est une bonne question. Toi, tu es plus relax.
Olivia : Je suis très relax.
Will : Je suis très énergique, pas stressé, mais très énergique, je cours un peu partout, je fais les cent pas. En général, Olivia est assise, très calme, et moi je marche d’un bout à l’autre.
Olivia : Par contre, vers la fin, quand je suis excitée par le fait que la chanson est presque terminée, ça bascule, tu t’assois, tu es comme…
Will : Je suis l’acceptation, c’est l’acceptation.
Olivia : Mais je suis là : “non non c’est presque fini, on va changer ça et ça et ça” et je suis en train de courir partout. Mais en terme d’énergies, nous avons des personnalités assez différentes.
Will : Oui, nous sommes très différent·es.
Olivia : Je suis plutôt sarcastique. Et toi, t’es plutôt goofy.
Will : Je suis aussi assez dramatique.
Olivia : Oui, très deep.
Will : Je suis très deep et je suis assez sentimental. Je suis toujours en mode “n’est-ce pas profond ?” Et elle me dit : « Tais-toi ». Je pense que l’équilibre et l’harmonie sont exactement ce dont on a besoin dans n’importe quel type de collaboration et on a beaucoup de chance d’y parvenir, rien qu’avec nos différences.
LVP : Et au niveau des paroles, vous travaillez aussi ensemble ?
Will : Oui, beaucoup, c’est très intéressant, nous écrivons toustes les deux beaucoup de paroles de chansons et ensuite on se réunit, on peaufine, on ajoute et ça fusionne. Ça dépend de la chanson mais nous apportons toustes les deux des idées sur la table et nous les complétons ensemble pour en faire des disques. Je pense que l’écriture d’une chanson vient d’un espace très personnel. Ça me déconcerte quand quelqu’un·e dit « oh, je me suis retrouvé·e dans une pièce avec huit personnes et nous avons toustes parlé de nos sentiments et ensuite, on a écrit une chanson ». Ça vient d’une source, mais ce qui est incroyable, c’est qu’on se fait confiance et qu’on a un amour profond l’un pour l’autre, donc on a vraiment de l’empathie et on peut en quelque sorte fusionner et collaborer sur les idées, ce qui est vraiment très beau. Je pense que cela s’entend lorsque vous écoutez nos chansons, il y a une bonne énergie entre nous, de bonnes vibes.
LVP : Olivia, tu as appris à jouer du violon non pas à partir des partitions, mais à l’oreille. Je me demandais si ce type de technique influençait encore la façon dont tu écris de la musique aujourd’hui ?
Olivia : Oui, sans aucun doute. C’est comme ça que j’ai appris à connaître la musique. J’adore écrire des paroles, mais je les vois généralement comme un élément poétique qui n’est pas toujours lié à la chanson, à la mélodie et à la façon dont l’air sonne. C’est très important pour moi, donc quand j’écris, c’est axé sur la mélodie. Lorsque nous collaborons, nous partageons nos idées, nous tirons toustes les deux beaucoup d’inspiration de choses très spécifiques. Sans aucun doute, la façon dont j’écoute les choses nous aide à écrire.
LVP : Vous avez récemment sorti un visualiser pour Takes Me Back Home. Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur cette vidéo ?
Will : On a créé un film plus grand pour l’ensemble de l’EP et initialement la vidéo devait être une partie de ce film. Mais quand on l’a regardé, on s’est dit que ça ne collait pas avec un single. On est revenu à ce que la chanson signifiait et à ce dont elle parlait et on avait beaucoup de vidéos prises par nos parents qui nous filmaient en train de grandir en Chine, en partie pendant les vacances et lorsqu’on visitait nos familles. Et c’est pourquoi, bien que la chanson soit initialement une chanson d’amour, je l’ai toujours entendue comme une nostalgie du foyer ou de quelque chose de familier et j’ai donc eu envie de la mettre en forme. Je pense que c’est une belle dualité entre la nostalgie du foyer et l’amour et nous arrivons à un moment de notre vie où nous sommes au début de l’âge adulte donc on ressent plus de nostalgie qu’il y a deux ans. On regarde les vidéos et on s’en souvient très clairement, on se parle de souvenirs.
LVP : Vous êtes très proche de votre public, est-ce que c’est difficile de rester authentique dans cette industrie quand il y a beaucoup de gens qui suivent ce que vous faites et qui vous observent sur les réseaux sociaux, etc.
Olivia : Oh, c’est vrai, c’est une bonne question. On parle tout le temps du mot « authentique », surtout avec les artistes, parce qu’il s’agit de votre personnalité, de votre esthétique, de vos vibrations et de tout ce qui s’ensuit. Mais je pense qu’il est difficile d’avoir un sens très précis de l’authenticité parce qu’on change tellement, surtout quand on est jeune. J’ai l’impression qu’on ne se forge pas vraiment son vrai soi jusqu’à ce qu’on soit un peu plus âgé.
C’est normal de changer aussi. Je pense donc qu’il y a un sentiment d’assurance dans le moment présent. Nous sommes assez confiant·es dans notre collaboration et notre identité à l’heure actuelle. Je suis sûr que l’année prochaine, on se demandera à quoi on a bien pu penser, genre : “ah c’était trop cringe !” C’est comme si on devenait une nouvelle version de soi-même, qu’on changeait de peau et qu’on grandissait, mais que c’est assez facile de se sentir authentique avec les fans parce que j’ai l’impression que beaucoup d’entre eux·elles ont le même âge et c’est comme si on était en face d’ami·es.
Will : C’est aussi ça, être authentique. Je ne sais pas, je n’ai pas l’impression de devoir me changer aux yeux des autres comme je le faisais quand j’étais à l’école où je le faisais beaucoup, j’essayais toujours d’être quelqu’un que je n’étais pas. Mais de plus en plus, en grandissant, on apprend à s’aimer, à s’accepter et à savoir qui on est, et c’est juste un voyage vers ça.
Olivia : Je pense aussi que tes fans sont tes fans parce qu’ils sont là pour te soutenir et que si tu joues la comédie ou que tu essaies de t’adapter à eux·elles, tes fans ne seront pas là pour ce que tu es vraiment et je ne pense pas que ce soit très gratifiant pour l’artiste.
Will : J’ai l’impression qu’il y aurait une sorte de vitre qu’on ne veut pas.
LVP : Que pouvons-nous vous souhaiter pour l’avenir ?
Olivia : Beaucoup, beaucoup de choses ! Revenir à Pukkelpop !
Will : Continuer à faire de la musique qui nous épanouit et que nous aimons. Continuer à créer et à faire du bon travail. Oui, continuer à travailler dur, rester en bonne santé et être heureux·ses.
Olivia : Oui, de la bonne musique, de la musique qui évolue, de la musique qui change.
Ma playlist est aussi bipolaire que moi. J’aime le metal, le sang et les boyaux, tant que ça reste vegan.