Mark Clennon : deux mots, un prénom et un nom pour signifier un artiste aux multiples couches musicales. Né en Jamaïque dans une famille de musiciens, Mark quitte son pays natal pour Toronto à l’âge de quinze ans, emportant avec lui la difficulté de construire son équilibre identitaire entre les racines jamaïcaines et le mode de vie torontois. S’il n’affiche encore qu’un petit millier de personnes l’écoutant par mois sur Spotify et quelques milliers de plus ayant regardé les clips de son projet Foreign, on renifle de notre côté un on-ne-sait-quoi de pépite à surveiller. La voix, l’intention, l’exécution. Tout est là.
La presse canadienne le qualifie volontiers de crooner. Mark nous sert avec brio une musique teintée de R&B, avec un accent de soul-pop moderne et des productions électroniques. On décèle très bien le pourquoi du mot crooner : une voix caractéristique, chaude, douce mais puissante, servie sur des compositions précises et complètes. Elles sont tantôt coulantes et voluptueuses, tantôt rythmées, assertives ou encore chaloupées, rappelant le dancehall dans lequel il a été bercé par son père saxophoniste. Mark Clennon semble être bien plus qu’un artiste à enfermer dans la case étroite de crooner tant et si bien qu’il semble pouvoir osciller d’une influence à l’autre avec une facilité monstre et un rendu loin d’être décontenançant, presque harmonieux.
| Photos : Othello Grey
Sur l’EP Foreign, on retrouve Rainer+Grimm aux productions, ayant déjà sévi pour Drake ou The Weeknd. On ressent la patte, certes, mais on ne saurait qualifier Mark Clennon d’un futur The Weeknd ou d’un futur Khalid, si l’on glisse vers la pente encore plus pop du genre. Le background est différent, les intentions sont autres malgré les spécificités qui peuvent les rapprocher. En 2016, l’artiste laissait déjà voir l’étendue de la puissance de sa voix sur des productions électroniques et aériennes avec Find You, extrait de son premier EP When The Smoke Clears. Foreign, sorti en mars 2021 fait suite à Passion (2019), contenant l’excellent Part of Your World.
Stray ouvre cet EP de trois titres inédits sur des chœurs et des percussions magnifiés par la voix du chanteur. Une production grandiose oscillant entre percussions sans réserve et accalmies. Le chanteur y aborde le sujet de l’infidélité et du stéréotype de l’homme noir infidèle, tout en incorporant du patois dans le texte. Can’t Stop Me Now jouit d’une production plus rampante et progressive, parfaite pour illustrer la nécessité de continuer à avancer après une rupture amoureuse (You can’t stop me now / You can’t stop the page from turning / You can’t hurt me anymore). Le morceau met directement en avant la tessiture du torontois avant de laisser entrevoir ses références dancehall dans la composition.
Don’t Start a Fire est sans doute le titre le plus intimiste des trois, les percussions étant choisies pour créer une ambiance feutrée, et les vocalises de Mark (Who do you think you are / Don’t start a fire) venant nous envelopper dans une atmosphère mi-suave, mi-suffocante. Alors que le chanteur a déjà trois (bons) EP à son actif et propose une musique personnelle et authentique, on cherche encore à comprendre pourquoi le monde dort toujours et ne donne pas des millions de streams à Mark Clennon.
Se nourrit essentiellement de musiques électroniques, de pop et R&B indé et de houmous.
