| Photos : Alexander D’Hiet
Sept ans après la sortie de son remarquable Running Days, c’est plus romantique que jamais que J. Bernardt nous revient avec Contigo. Naviguant à travers les méandres d’émotions qu’une rupture amoureuse implique, l’auteur-compositeur décide de chanter pour oublier. Une thérapie aussi déchirante que réconfortante, qui viendra guérir tout coeur brisé. Rencontre.
Sujet inépuisable depuis la nuit des temps, l’amour nous en fait vivre des choses. Un tourbillon d’émotions en perpétuel oscillation venu nourrir la plume de bon nombre d’artistes en tous genres. D’autant plus quand celui-ci en vient à partir. La rupture, quel sacré bordel quand même. Entre la colère, le déni, le manque, l’incompréhension et l’acceptation, entre autres, accepter de laisser partir la personne qu’on aime est de loin la chose la plus compliqué à faire. Accepter que ce qui un jour, était, n’est plus.
Rien de plus cliché, nous diriez-vous. Soyons honnête deux minutes : on adore ça. Et on sait que vous aussi. Romantique à l’excès, c’est bien ce qu’est venu explorer J. Bernardt – alter-ego versatile de Jinte Deprez, pour la réalisation de son dernier album en date Contigo. Sans surprise, c’est mission accomplie.
Avec son univers sonore des plus cinématographiques aux envolées dramatiques, Contigo mélange la poésie percutante de Deprez à son géni artistique de toujours. Entre une soul langoureuse, quelques riffs de guitare capables de faire fondre n’importe quel cœur et ces arrangements dignes des plus belles bandes originale, J. Bernardt signe indéniablement l’un des plus beaux albums de l’année.
Aussi subtil que renversant, Contigo – ou « avec toi » pour les plus hispanophones d’entre-vous, nous conte ainsi les différentes phases de la rupture. Une véritable montagne-russe émotionnelle, dans laquelle il n’est pas toujours simple de naviguer. À travers les onze morceaux qui composent ce nouvel album, Deprez le fait.
Au départ d’un besoin profond de coucher sur papier toutes ces choses impossibles à dire, impossibles à comprendre, Contigo a vu le jour. Véritable thérapie venue mettre un peu de baume au cœur à toute celles et ceux qui l’écoute, Contigo bouleverse autant qu’il éblouit.
La Vague Parallèle : C’est bientôt le début de la tournée, tu vas jouer Contigo en live pour la première fois. Comment tu te sens ?
Jinte : C’est vraiment excitant ! En fait avec les try-outs, tu ne sais jamais comment ça va se passer. Ça nous est déjà arrivé de louper un try-out avec Balthazar (rires). Là pour le moment, c’est réussi. Après, ça reste un moment assez pragmatique, on doit penser à chaque détail du live. J’ai hâte qu’on puisse commencer à prendre du plaisir sur scène et laisser les émotions parler. Je sens que je retiens encore pas mal de choses sur scène, je dois faire attention à trop d’autres choses. D’autant plus que Contigo n’est pas un album facile à jouer et à transmettre en live.
LVP : Autant que de combiner deux univers sonores différents que sont Running Days et Contigo.
Jinte : Il y a deux univers différents quand tu écoutes les albums, c’est clair. Mais sur scène, on arrive à créer un vrai ensemble. Au final, la personne qui les a écrits reste la même (rires). Pour ce live-ci, Running Days sonne moins électronique alors que Contigo lui, sonne un peu plus électronique. Je n’avais pas les moyens de ramener un orchestre sur scène pour la tournée (rires). On a donc tenté de créer un équilibre parfait à travers les arrangements. Et je pense qu’on a plutôt bien réussi.
LVP : Tu chantes, écrits, arranges, composes aussi, mais tu fais également beaucoup de mix, de mastering et de production. Elle est arrivée comment la musique dans ta vie ?
Jinte : Je dirais que tu ne choisis pas vraiment. J’ai toujours été assez réceptif aux choses qui m’entouraient. Mes parents n’ont jamais réellement fait de musique mais il y en avait constamment chez nous. Quand Running Days est sorti, j’expliquais toute l’influence que mes parents ont eu sur l’album, en me faisant écouter du Kraftwerk par exemple. Mais d’un autre côté, on écoutait aussi beaucoup de Vivaldi ou de Tchaikovsky, ce genre de musique classique très dramatique. Même chose avec les bandes sons de Morricone ! Enfant, j’étais assez introvertis en réalité. Je n’étais pas du genre à avoir un tas d’ami·es ou à être constamment à l’extérieur. J’étais souvent dans mes pensées. Je dirais que la musique est arrivée comme une véritable safe place. C’est à ce moment-là que j’ai commencé le violon, avant de me mettre à la guitare, comme c’était un peu plus cool que le violon grâce à Nirvana (rires).
C’est par le violon que je me suis mis à écrire. J’ai tout de suite compris que c’était fait pour moi. Ce n’était pas un choix, je me sentais bien dans cette univers et surtout, en capacité de continuer. Je ne me voyais pas faire autre chose en fait. Je n’étais pas très manuel comme enfant, j’étais nul en sport, et en tout en fait (rires). J’ai été attiré par cette chose qui pour une fois, me réussissait bien et me donnait envie de m’améliorer chaque jour un peu plus. Je pense qu’on appelle ça une passion (rires). Je ne me suis jamais contenté que d’un seul instrument d’ailleurs, j’aime tout ce qu’englobe la musique en général. C’est dans cette idée que je me suis mis à apprendre le mix et tout le reste.
LVP : Un enfant introverti pour qui, en 2011, pas mal de choses changent avec la sortie de Applause. Un premier album avec Balthazar qui te jette sous le feu des projecteurs. Est-ce que c’est compliqué en tant que jeune artiste, de recevoir autant d’un coup ? Il se passe quoi dans ta tête à l’époque ?
Jinte : Je ne dirais pas que ça s’est fait si rapidement que ça en réalité. On était entourés d’artistes de notre âge à l’époque. Des artistes qui eux, explosaient. À un point où on se demande ce qu’on fait de mal (rires). Puis leur carrière ralentit alors que la nôtre commence à grimper. Après plusieurs années, tu réalises que chaque groupe à son histoire. Je me rappelle qu’à l’époque, on n’était pas si pressés que ça en fait. Je veux dire, on n’a rien forcés. On était prêts. On a commencé a joué ensemble dès nos 16 ans et quand notre premier album est sorti, on en avait 22. Est-ce que le feu des projecteurs a eu un impact sur nous, sur moi ? Honnêtement, je ne sais pas. Avec le recul, je dirais que la pression que tout ça peut engendrer te pousse facilement à jouer un rôle, pour survivre. Tu vois, avec Contigo, c’est la première fois que je ne dois pas jouer de rôle. C’est important de pouvoir s’aimer soi-même et s’accepter comme on est. En tant qu’artiste ou non, d’ailleurs. À 22 ans, tu ne le réalises pas encore. Tu veux juste être une rockstar, donc tu fais un peu ce qu’on attend de toi. Surtout quand tu es de base, quelqu’un d’introverti. C’est beaucoup à encaisser parfois. Donc tu dois avoir une série de techniques pour passer sereinement à travers tout cet emballement. Je pense que maintenant, je suis assez vieux que pour ne plus devoir les utiliser et être enfin moi-même.
LVP : Faire la musique la plus honnête possible en fin de compte ?
Jinte : C’est toujours ce qui nous a motivé avec Balthazar. Quand tu sors un album, tu es censé le jouer pendant deux ans ! Si tu n’aimes pas ce que tu fais ou qu’on t’a poussé à le faire, c’est compliqué (rires). Après, je ne vais pas te mentir, c’est vrai que chaque artiste se sent un peu submergé·e par le business. Sur le premier album qu’on a sorti, on n’avait pas de grand refrain sur lequel chanter en chœurs. C’est quand Thin Walls est sorti qu’on a fait une grosse percée en Europe. Parce qu’on avait des gros refrains dessus. On est influencé, de manière inconsciente, par le business. Jusqu’au jour où tu te demandes si tu ne serais pas influencé par le business (rires). En musique, tu fais beaucoup de choses en réaction à une autre. Cet album, Contigo, est une réaction à mon premier album par exemple. Alors que Running Days est porté sur l’électronique, Contigo me ressemble entièrement. C’est moi et j’adore l’idée d’être moi-même, un peu cliché d’une certaine manière. Au même titre que mon prochain album pourrait aussi sonner de manière totalement différente !
LVP : En 2017, Running Days voit le jour. On découvre ton univers sous J. Bernardt pour la première fois. Est-ce qu’on peut dire que c’est un univers reconnaissable instantanément mais en perpétuelle évolution ?
Jinte : À l’époque, j’ai choisi J. Bernardt – qui est mon quatrième prénom, car j’y explore qu’un quart de ma personnalité artistique. Comme un univers à part entière. Les trois-quarts restant représentent tellement plus ! Avec Contigo, j’en dévoile un autre aspect. Tu évolues en réaction à quelque chose. Quand j’écris et que je compose, je ne réfléchis pas trop. Je me laisse emporter par le moment et par les choses qui m’entourent. D’où la présence du violon par exemple : il était là au moment de composer, c’est quelque chose qui est venu de manière très naturelle. Il faut savoir se faire confiance. J’avais ces mots, ces histoires à raconter. Je voulais retrouver cette safe place aussi à travers la musique. Je n’ai pas tenté de me réinventer, plus de comprendre de manière plus introspective, quel auteur-compositeur j’étais réellement. Avec Running Days, j’avais besoin de me réinventer, de faire quelque chose de totalement différent de Balthazar. Alors que maintenant, je n’ai plus ce besoin. Je voulais prendre un peu de recul sur ces quinze dernières années, créer une bande son pour les histoires que j’avais à raconter.
LVP : Tu décris Contigo comme la bande originale de tout coeur brisé. Avoir Tarantino et Twin Peaks comme inspiration pour ce nouveau chapitre plein de sonorités sauvagement romantiques à la Ennio Moricionne ou Alessandro Alessandroni, c’est quelque chose qui t’est venu dès le processus d’écriture ?
Jinte : Je pense que j’avais besoin que la musique trouve les mots que j’avais envie de dire sur le moment. On me demande souvent si j’écris avant de composer ou inversement. C’est un mélange des deux en réalité. Parfois, c’est la musique qui t’inspire pour écrire. Sur un morceau comme Last Waltz par exemple, j’ai d’abord écrit le texte, puis j’ai dû trouver le musique parfaite qui allait lui convenir. La majeure partie du temps, j’ai besoin d’explorer et d’expérimenter une atmosphère musicale. De cette atmosphère, tu créées un tout. La musique va te guider dans la direction de l’histoire que tu veux raconter.
Matter Of Time, qui est un des premiers morceaux que j’ai écrits pour l’album par exemple, s’est construit autour du refrain. Je me répétais ces mots “it’s just a matter of time...”, sans cesse. Jusqu’au moment où je me suis demandé pourquoi je n’arrivais pas à me les ôter de la tête (rires). Puis le reste du morceau s’est construit de manière très naturelle et a pris ce caractère dramatique grâce aux violons et aux arrangements. C’est un morceau qui parle du début de relation, ce moment où tu réfléchits de manière très cartésienne au fait que cette chose peut aussi se finir. Tu acceptes le fait que ça peut prendre fin à tout moment. Il fallait que ça sonne dramatique ! La composition musicale est indissociable de l’écriture pour moi. Pourtant, ce qui est fou, c’est qu’en dehors de la musique, je suis pas forcément la personne la plus dramatique. Mais j’aime cette idée que tu puisses proposer une autre version de toi-même à travers la musique.
LVP : Tu parles d’acceptation. Sur Left Bathroom Sink, tu écris ces mots : « If I’m Being Honest, I know what to do / I just thought it was you”. Cette dualité entre ce processus d’acceptation d’un côté, par lequel on doit passer, et cette égoïsme émotionnel qui lui, se fraie un chemin à travers toutes les phases de la rupture, représente d’ailleurs un peu le fil rouge de l’album.
Jinte : Clairement. Je pense d’ailleurs que Left Bathroom Sink est un des morceaux les plus importants que je n’ai jamais écrits. Un morceau qui, avec Last Waltz, représente assez bien le paradoxe de cette situation justement. Tu te forces à voir du positif, mais d’un autre côté, tu bouillonnes d’émotions négatives (rires). En rupture, c’est important d’aussi garder un peu positif, même si tu es blessé. À l’époque où j’ai écrit le morceau, j’en ai discuté avec Simon (Casier) car j’avais tout, sauf la fin. C’est lui qui m’a sorti cette phrase « tu sais ce que tu as à faire, mais c’est quoi ?! » (rires). Et sur le moment, je n’arrivais pas à le dire ! Ce n’est que quelques semaines plus tard que j’ai réalisé que j’étais à ce point attaché à mon ex, qu’il m’était impossible de dire ces mots. Je pense que ça m’a pris un mois avant de pouvoir mettre sur papier ces mots : « i need to step away from you ». C’est dur de te convaincre d’une chose aussi logique que ça, le besoin de s’éloigner et de laisser partir la personne. Dans ce genre de moment, tu as tellement la tête dedans que tu ne le réalises pas, et j’avais besoin de ce morceau pour le réaliser.
Ce paradoxe émotionnel se retrouve à travers l’album parce que c’est une situation qui te fait perdre tout sens logique en réalité. Tu aimes quelqu’un qui te manque, mais tu es forcé de passer à autre chose, d’accepter la situation. C’est une véritable montagne-russe d’émotions. Ça reste un morceau dur à écouter et à jouer en live pour cette raison d’ailleurs. Tu sais au fond de toi que c’est la suite logique. C’est d’ailleurs un des morceaux qui m’a le plus réconforté à l’époque. Je l’écoutais quand j’étais dans une phase de creux et ça me remotivait. Ce qui est fou, c’est que je n’ai pas écrit chaque morceau dans l’optique de les sortir. J’écrivais de manière plus cathartique sur les émotions que je traversais sur le moment. C’est chouette de constater que certains morceaux résonnent avec d’autres personnes et de voir que tu n’es pas forcément seul·e à traverser certaines phases. C’est une connexion qui elle aussi, est réconfortante. J’ai toujours été assez cynique quant à cette connexion entre la musique et les personnes qui l’écoutent. Je me contentais de faire de la musique (rires). Aujourd’hui, je trouve que la musique permet d’adoucir certaines choses de la vie.
LVP : On a abordé cette notion de phases qu’on traverse durant une rupture, et de comment chaque morceau explore cette notion à travers l’album. Un autre point important de l’album qui nous marque, c’est la relation qu’il a avec la notion de temps. D’un côté, tu as des morceaux comme Mayday Call ou Taxi qui résonnent comme le point de départ de tout ça, comme la bombe, alors que ce sont les derniers morceaux que tu as écrit. Puis d’un autre côté, Matter Of Time lui, a été le premier à voir le jour. Est-ce que tu dirais que le temps aide à digérer et à comprendre les émotions qu’on traverse durant ce genre de moment ?
Jinte : Ah mais c’est même certain. Au début, je me refusais d’écrire parce que je savais pertinemment que je n’avais pas encore les bons mots pour parler des choses que j’avais en tête, que je ressentais. J’ai dû réécrire Taxi quelques fois avant d’arriver à la version qu’on peut entendre sur l’album. La manière dont j’en parlais par écrit était vachement trop complexe, trop autocentré. Je n’arrivais pas à développer ce truc un peu chaotique et à explorer cette émotion bien précise. Sauf que tu ne peux jamais digérer la chose complètement sans rien dire, tu es obligé d’en parler. Et moi, je me suis dit que j’allais pouvoir trouver les réponses à mes questions chez les autres (rires). Pour le coup, je n’ai jamais été aussi extraverti que pendant cette rupture (rires). J’avais besoin de comprendre ! Le fait que j’en suis arrivé à un point où même le chauffeur de mon taxi ait dû m’écouter en parler, c’était l’élément déclencheur. Dans ce genre de période chaotique et que tu te sens un peu plus perdu jour après jour, c’est compliqué de trouver les mots justes. Et ça m’a pris du temps pour les trouver. Avec le recul, je suis assez content d’avoir réussi à parler de cette étape de la rupture. Parce que c’est la plus compliqué à surmonter en réalité.
Puis je dois avouer, Matter Of Time aussi a été réécrite pas mal de fois. En réalité, je l’ai commencé alors qu’on était encore ensemble. J’avais déjà le refrain en tête à l’époque. C’est fou comme l’esprit peut parfois être plus en avance que nous (rires). Je pense aussi que le temps se manifeste un peu partout dans l’album car, peu importe les émotions que tu traverses ou les choses que tu écris, tu sais que tout ça passera à un moment. Mais tu ne sais pas quand. Et au fond, c’est quelque chose de très cliché, mais qui fait partie du jeu aussi. On doit accepter ce temps de guérison.
LVP : Tu parles de la manière dont l’album peut sonner un peu cliché. Mais d’un autre côté, tu arrives à garder une certaine subtilité et une poésie plus que romantique sans forcément être très direct dans ta manière de dire les choses, mais sans grande métaphore non plus. Est-ce qu’il y a d’autres formes d’art qui t’inspirent au quotidien ?
Jinte : Si tu écoutes Rick Rubin, tout n’est qu’art (rires). Non mais d’un côté il a raison. L’art n’est pas que des sculptures ou des peintures que tu peux voir dans les musées. Honnêtement, à titre personnel, au plus quelque chose est conçu en tant qu’art, au moins je m’y connecte. On te demande de ressentir quelque chose sur un objet bien précis alors que c’est pas parce que je vais dans un musée que je vais forcément ressentir quelque chose. D’un autre côté, je pense que les choses qui nous influencent le plus sont celles dont on en attend le moins. Encore une fois, il existe des limites au-delà desquelles les mots ne suffisent plus pour exprimer ce qu’on veut. C’est là que la musique entre en jeu, car elle arrive parfois à exprimer plus que les mots ne peuvent le faire. Mais c’est parce que c’est là que je me sens le mieux. Je suis assez jaloux des peintres, des photographes et des artistes en général. Iels arrivent à exprimer toutes ces choses sans l’aide de mots, je trouve ça dingue. J’étais assez sceptique vis-à-vis de l’art auparavant alors qu’aujourd’hui, je trouve beaucoup de choses très inspirantes.
Pour revenir à ce que je disais, j’ai récemment pris une année off. Une année durant laquelle je n’ai majoritairement fait que jardiner. Je me disais, c’est fou à quel point la nature peut être à la fois magnifique et en même temps brutale. J’étais à chaque fois émerveillé de voir à quel point tout pousse et fait sa vie sans rien demande à personne (rires). Je veux dire par là que même ça, finalement, c’est de l’art. C’est le genre de choses qui peut tout autant être inspirant. Je pense qu’en dehors de l’inspiration en tant que telle, être receptif·ive est d’autant plus important ici. La rupture m’a fait être beaucoup plus réceptif aux choses qui m’entourent. Ça ouvre ton cœur de telle manière que tu dois accepter les choses comme elles sont. Aussi belles, brutales et honnêtes qu’elles peuvent l’être. Je pense que je ne pourrais pas écrire comme je le fais sans toutes ces choses .
LVP : Comme sur ton précédent Running Days, tu donnes à la musique en tant que telle, beaucoup d’espace. Contigo démarre d’ailleurs sur Rio et nous ouvre les portes de l’histoire que tu veux nous raconter. Sur cet album, les différentes sonorités que tu explores répondent assez bien à l’émotion que tu traverses dans le texte. Comme si chaque phase de la rupture se reflétait à travers les sons que tu utilises.
Jinte : En réalité, tu écris et composes tellement de choses que tu en arrives à un point où tu as l’impression de faire un énorme puzzle. Les paroles en tant que telles n’occupent qu’une partie de tout ça. C’est en créant cet espace que tu vas pouvoir y mettre un peu d’emphase et accentuer les émotions dont ils regorgent. Après, c’est ma manière de voir la chose. Tu vois, pour ce qui est de Rio, j’avais besoin de commencer l’album par cette minute de musique pure. Je sentais qu’il manquait quelque chose, je ne pouvais pas commencer l’album par une entrée en matière très brute. J’avais besoin de ce petit truc en plus qui officialise le début de l’histoire, comme dans un film finalement. Et il ne me fallait qu’une minute pour procurer ce sentiment-là. En réalité, j’avais trois intros différentes et c’est Tobie Speleman, mon producteur, qui a choisi. Rio était parfait pour commencer l’album, pour pouvoir rentrer dedans. Pour créer le parfait équilibre, j’essaye en permanence de jongler entre les mots, la musique, la tension, les instruments, … entre tout ! J’avais envie que l’on distingue tout ça justement. Laisser un peu de place à la musique pour permettre aux histoires de vivre de manière honnête aussi.
LVP : Ça fait des années que tu parles d’amour dans tes textes, que ce soit avec Balthazar ou sous J. Bernardt. Pourtant, les histoires que tu nous racontes sur Contigo sonnent de manière différentes, plus intimes. Tu pousses la vulnérabilité à son paroxysme, tu mets tes émotions à nue finalement. C’était quelque chose de compliqué ?
Jinte : Pas du tout, parce que de base, je ne savais pas que j’en ferais un album. C’est d’ailleurs l’album le plus égoïste que j’ai réalisé je pense. Il est différent, c’est clair. Différent dans sa manière de traiter toutes ces émotions. Bunker est aussi une chanson de rupture d’une certaine manière, qui aborde ce passage à vide où tu as juste l’impression d’être perdu. Mais de manière très subtile finalement, car on ne l’aborde pas à travers la notion d’amour. C’est plus dur de parler d’une émotion sans un certain contexte derrière. C’est d’ailleurs un morceau assez vague en terme de métaphore et de mots, on parle plus d’un sentiment que de quelque chose très concret. Alors qu’ici…(rires). C’est marrant parce que j’ai toujours voulu être honnête dans mes textes au fil du temps, et d’aborder plein de choses différentes. Aujourd’hui, chaque morceau renvoie à un mini détail, à un moment, un objet parfois. Left Bathroom Sink en est le parfait exemple ! De toute la maison, pourquoi c’est un évier qui me fait le plus de peine ? Puis tu finis par écrire une chanson pour en parler (rires). Faire cet album ne m’a jamais vraiment fait peur. Je l’ai senti comme un passage obligé en réalité, comme si j’en avais besoin pour moi, pour ma santé mentale.
LVP : Un état d’esprit qu’on peut ressentir sur le dernier morceau de l’album, Free. Ce dernier solo, cette dernière envolée musicale, ces derniers mots aussi « are we lonely or are we finally free », qui apporte ce sentiment de soulagement.
Jinte : Figures-toi que la fin du morceau n’est plus la même en live (rires). J’ai remplacé la fin par « no way we’re lonely / I guess we’re finally free ». C’était vachement cheesy, mais d’un autre côté, tellement vrai aussi. Dès le départ, je voulais aller dans ce côté très cliché, très romantique à excès. Quand tu es jeune, tu veux tout réinventer, que ce soit lyriquement ou musicalement, parce que c’est cool et parce que tu crois tout savoir. Puis tu vieillis et tu réalises à quel point tous ces clichés sont aussi gorgés de beauté, de vérités. C’est pas mal parfois de ne pas forcément vouloir être cool (rires).
21/05 : Botanique, Bruxelles
06/07 : Rock Werchter, Belgique
14/07 : Cactusfestival, Bruges
20/07 : Rock Herk, Herk-De-Stadt
02/08 : M-IDZOMER, Leuven
20/12 : Ancienne Belgique, Bruxelles
21/12 : De Roma, Anvers
Toujours au premier rang d’un concert par amour mais surtout parce que je suis le plus petit. Je fais de la mélancolie mon principal outil.