Tout le monde ne connaît pas Jacques, mais il suffit de le voir une fois pour s’en rappeler. Son style de musique unique, ses vidéos à la chorégraphie soignée et sa coupe de cheveux en mode crête inversée en font quelqu’un de mémorable. J’ai connu Jacques il y a un an, un ami m’avait fait découvrir la vidéo de Tout Est Magnifique, je ne l’ai vu qu’une fois et je m’en souviens encore. Depuis, j’ai eu la chance de rencontrer Jacques au MaMA Event à Paris ce 12 octobre 2016. Il donnait une masterclass sur son environnement créatif et ses méthodes de production à partir du logiciel Ableton Live. Cette masterclass a été la source de beaucoup de questions, alors pourquoi ne pas profiter du passage de Jacques au Botanique pour assouvir toutes ces interrogations ?
LVP : Tout d’abord, je sais que c’est une question récurrente mais tous nos lecteurs ne te connaissent pas forcément, alors comment te définirais-tu ainsi que ta musique ?
Jacques : Alors… Je suis musicien. Je fais de la musique avec tout ce que je trouve pour m’amuser, donc ça peut être des instruments mais aussi des objets. J’utilise un peu tout ce qu’il y a autour de moi ainsi que des trucs technologiques comme des enregistreurs, des micros, et des loopers, pour faire la musique qui soit la plus spontanée possible. J’entends des mélodies, j’essaie de les reproduire avec des instruments ou avec des objets. Parfois je tombe sur des mélodies en faisant des erreurs… bref, je suis musicien. Je fais une musique électronique qui est un peu multigenre d’où l’utilisation du mot « transversal » que j’utilise pour dire que c’est finalement plein de procédés et de genres différents qui se mélangent. C’est comme dans la vie, il n’y a pas vraiment de ligne directrice.
LVP : En parlant de musique électronique, tu disais à la masterclass que tu avais démarré en tant que guitariste et que tu venais du rock, comment en es-tu arrivé à faire de l’électro ?
Jacques : Spontanément. On parle de la musique électronique comme si c’était un genre alors que ça n’en est pas un. C’est juste un moyen parmi d’autres de faire de la musique, et il y a plein de sous-genres. Aujourd’hui, toutes les musiques sont plus ou moins électroniques. Je pense qu’on a parlé de musique électronique quand c’est arrivé, et que maintenant il n’y a que ça. C’est difficile de dire « tiens je fais de la musique électronique ». Finalement je fais juste de la musique dans un monde qui est électronique.
LVP : Après quand on écoute ta musique, on n’entend pas vraiment tes influences rock…
Jacques : Effectivement. Par exemple, si je faisais de la musique celtique tu me dirais « Comment t’en es arrivé à faire de la musique celtique ? », et je te raconterais que j’ai un oncle qui a machin… Sauf que là je fais de la musique électronique parce qu’il y a des ordinateurs partout et que le logiciel Ableton Live est quand même hyper pratique pour cela. Finalement c’est le moyen le plus rentable pour s’amuser…
LVP : Et il y a plus de possibilités…
Jacques : Oui, il y a plein de possibilités et c’est très large. Je trouve que le truc le plus singulier qu’il y ait dans ma musique, ce n’est pas le fait qu’elle soit électronique, car ça je pense que c’est maintenant une base, que tout le monde le fait, mais plutôt le fait qu’elle inclut beaucoup de bruits d’objets. Et ça j’y suis arrivé assez spontanément, à force de devenir ouf à essayer d’imiter des musiques et des styles qui existent déjà. Je me suis juste marré à imaginer ce que serait une musique qui ne ressemble à aucune autre. Du coup, je me suis dit qu’il fallait y inclure des trucs qui ne sont pas de la “musique”. Le raisonnement est très basique. J’ai donc commencé à faire de la musique avec tout ce qui n’en est pas. Il se trouve aussi que j’ai été entouré de gens qui font de la techno, que je suis né en France dans les années 90, et qu’il y a plein de gens qui écoutent de la techno en ce moment. Du coup je pense que j’ai été vachement influencé par tout ça. Cela a établi un cadre, sans que je le veuille et dont je ne me rendais même pas compte. Maintenant, je m’ouvre à d’autres trucs et je me dis qu’en fait ce que je fais est hyper précis, alors qu’avant, pour moi et mes potes, c’était juste le truc le plus large possible. Mais je ne pense pas faire de la techno toute ma vie.
Jacques et son phonochose
LVP : À la masterclass tu disais écouter et entendre tous les sons et bruits qui t’entourent. Tu parlais par exemple du radiateur qui tremblait quand tu lançais le kick. Perso, je ne l’avais pas du tout entendu et je me suis rendue compte que j’étais complètement sourde. Je me demandais si tu avais cette sensibilité aux bruits ambiants depuis que tu es gosse, et donc que tu n’écoutais rien à l’école car tu étais concentré sur autre chose, ou bien si, comme un architecte qui regarde autour de lui et qui s’imprègne de ce qui l’entoure, tu avais développé ce sens petit à petit ?
Jacques : Je pense que j’ai une prédisposition à ça car mon père est musicien et que je suis un peu né dedans. J’ai passé tout mon temps libre, depuis que j’ai 12 ans, à faire de la musique et je pense que ça m’a vachement aidé. Et finalement quand je me concentre sur le sens de l’ouïe, maintenant, j’en ai des images hyper précises. Ce que j’ai développé au fur et à mesure, c’est de pouvoir écouter un truc et de le comparer avec une sorte de référentiel qui ne bouge pas. C’est-à-dire que je peux écouter un son, et le comparer avec un autre que j’écouterai dans 3 ans, je serai capable de comparer les deux. Aussi, je peux écouter un morceau en le découpant par tranche : n’écouter que les aigus ou que les graves, ce qui est proche ou ce qui est loin, chose que tu ne feras pas.
LVP : Justement, à la masterclass tu expliquais prêter attention à tous les détails en live, alors que le public écoute ta musique comme un « pâté qui bouge », comme un ensemble.
Jacques : Tu vois ce qu’on appelle le flou gaussien, qui est le fait que ton oeil voit flou ce qu’il y a dans le fond et que tu fais le point sur, en l’occurrence, ma tête ? Et bien au bout d’un moment tu arrives à en cerner l’analogie avec l’audio. Ton oreille aussi se concentre sur des détails, tandis ce que le reste est dans le fond, tu l’entends sans y faire attention. Quand tu es musicien, tu te démerdes pour faire une musique qui soit bien quand beaucoup de gens l’écoutent en même temps. Le public, dans ces cas-là, a une écoute qui est très peu attentive, lointaine et amateure. Souvent, quand tu fais de la musique, tu veux tellement améliorer chaque détail que tu te concentres seulement là-dessus et tout le reste est dans un flou gaussien. Finalement, tu n’écoutes jamais tout dans son ensemble. Du coup, je pense qu’il y a plein de musiciens, et moi le premier, qui sont très étonnés quand ils font écouter un morceau pour la première fois à un pote et qu’il l’écoute en écoutant d’autres trucs, en discutant en même temps, etc. Alors maintenant je me force à écouter comme un amateur.
LVP : Actuellement tu composes et tu joues seul, est-ce que tu pourrais envisager de bosser en groupe avec des gens qui font un peu la même chose que toi ou qui travaillent un peu de la même manière ?
Jacques : Ouais, je l’ai déjà fait il y a trois semaines à Londres avec un mec qui s’appelle Roscius. Il a un peu le même set-up live que moi dans le sens où il part de rien et il fabrique tout. On a joué dans la même pièce au même moment, ensemble. On avait la même chose dans les retours et tout ce qu’il jouait se superposait à ce que je jouais. On était calé à 126 bpm, il proposait un truc, je proposais un truc, il enlevait un truc, je rajoutais un truc, il rajoutait un truc, j’enlevais un truc… on a joué comme ça pendant deux heures et demi et c’était ouf. C’était un bon délire parce qu’il avait tout un attirail d’objets et ça c’était super. Sinon, pour ce qui est des démarches plus studio, je pense que je vais collaborer avec des gens dont j’admire le travail. C’est aussi une façon d’apprendre énormément. J’ai eu une expérience assez traumatisante avec un groupe que j’ai eu pendant dix ans et avec lequel je me suis saigné, mais qui a fini par n’aboutir à rien, même pas à un disque. C’était plutôt moi le moteur, donc là c’est ouf de me confronter à des gars qui sont eux-mêmes moteur dans leur groupe. J’ai bossé avec Flavien Berger, et là si tu ne proposes pas, lui il avance quand même donc tu te dis « ouh putain le son il est pas qu’entre mes mains ». Avec Gabriel (ndlr Superpoze) aussi, ça va donner lieu à des petits disques. Mais pas à une grande collab’, je compte pas monter un groupe.
Flavien Berger et Jacques
LVP : Rien à voir, mais hier il y a un live en 360° qui est sorti avec le son en 3D, je t’avoue que je n’ai pas encore eu le temps de le regarder, ça dure 43 minutes…
Jacques : Mais tu vas voir le son en 3D c’est un peu…
LVP : Un peu quoi ?
Jacques : En gros tu vas ressentir un sentiment de spatialisation un peu plus fort que d’habitude, mais quand on parle de son en 3D on se dit « wow ! » et puis en fait c’est déceptif. Le son en 3D pour moi ça n’a un intérêt que si tu as un headtracking : le son est en 3D, tu tournes la tête et le son reste en 3D, ça c’est la folie tu vois ! Si tu te retournes tu entends plus fort le batteur qui était derrière toi tout à l’heure, et accompagné d’une vidéo ça marche très bien parce que ton cerveau va se projeter dans la réalité. J’ai déjà fait une expérience où c’était filmé entre le groupe et le public, dans la rue, avec le headtracking. Du coup tu es en réalité virtuelle, tu mattes le public, tu mattes le concert, t’as le public qui applaudit, tu l’entends derrière toi, tu te retournes et là tu l’as en face, c’est complètement ouf. Ça c’est intéressant, mais ce qui est sorti hier est finalement assez anecdotique.
LVP : Je ne l’ai pas encore vu donc je ne peux pas vraiment juger, mais en tout cas au niveau de la démarche je trouve que ça te ressemble beaucoup car c’est plutôt expérimental.
Jacques : Ouais ouais carrément, j’ai envie de pousser ça.
LVP : Du coup, je me demandais si tu avais travaillé ce live différemment ou si tu l’avais appréhendé comme quand tu joues tous les soirs ?
Jacques : Je n’ai pas préparé. Ce live je l’ai fait comme ça. Je n’ai pas du tout le temps de travailler, les moments où je travaille, ce sont déjà mes lives. Les moments de concert sont déjà les moments où j’améliore mes lives. Par exemple, là j’ai acheté une nouvelle machine, je ne l’ai même pas essayé avant de l’utiliser sur scène.
LVP : Qu’est ce que tu as acheté ?
Jacques : J’ai chopé une espèce d’autothune pour faire des petits délires avec la voix. Finalement, on ne va pas l’utiliser car je l’ai branché et il y a un souffle qui est inadmissible, du coup je l’ai viré. Mais les moments de concerts sont déjà des moments d’expérimentation et de répèt’ pour moi. Peut être qu’un jour je ferai des concerts qui seront préparés mais pas encore, je suis trop jeune.
LVP : Est-ce que tu as déjà utilisé ton savoir-faire pour faire du sound design pour un projet audiovisuel ? Et si non, est-ce que cela t’intéresserait ?
Jacques : Ouais j’suis chaud. Ça dépend du propos en fait. Soit c’est pour un propos qui ne me correspond pas, et à ce moment-là je veux le maximum de thune pour la mettre au service d’un propos qui me correspond, soit je vais directement vers un propos qui me correspond. Mais pour l’instant, j’ai plutôt eu des propositions où le propos ne me correspondait pas et où il n’y avait pas assez de thune pour que j’aie envie de le faire. Mais on a fait une BO avec Flavien (ndlr Berger) pour un court métrage qui ne va pas tarder à sortir. Sinon j’ai pas fait de sound design à proprement parler. Bruiter un film ça me plairait énormément parce que je suis sûr qu’il y a énormément de choses à creuser. Je pense que si je fais un film, il sera bruité de ouf, il y aura des bruits qui ne correspondent pas, ce sera ouf. Ce serait marrant de rebruiter Star Wars par exemple !
LVP : Maintenant, j’aimerais qu’on parle du projet French Waves porté par Julian Starke, un ami à toi et le fondateur de Pain Surprises, le label sur lequel tu es signé. Est-ce que tu peux m’en parler un peu et me dire pourquoi tu as accepté de participer à ce projet, à part pour le fait que c’est ton pote et que tu as envie de l’aider ?
Jacques : Ce qu’il s’est passé, c’est que j’ai un pote qui a été casté dans la rue pour un film dans lequel il n’a pas été pris. Il a été rappelé 6 mois plus tard pour un autre film dans lequel il a eu le rôle principal qui est Eden, le film de Mia Hansen-Løve sur la musique électronique en France. Le film n’a pas bien marché en France, mais plus à l’international. Mais en interne, au niveau de mon collectif et de ma vie à moi, ce film a été une grande tornade de rencontres, de soirées et de mises en relations. Comme le film portait sur la période French Touch, on a rencontré énormément de gens. Et c’est là que mon pote Julian s’est dit « putain, c’est ouf ce qui est en train de se passer, la rencontre entre les jeunes et les ieuv, c’est le moment de faire un documentaire », car il y a clairement la mort d’une génération et la naissance d’une autre. Il s’est dit que c’était là qu’il fallait prendre une photo, du coup il a commencé à tourner, et il a tourné pendant trois ans. Au bout d’un an et demi / deux ans de tournage, j’avais fait mon chemin sur le côté et j’étais arrivé à un moment où il ne pouvait pas parler de la musique électronique en France sans parler de moi. Donc finalement, je suis rentré dans sa ligne éditoriale. Ça a été une espèce de pénétration lente, et à un moment donné il a admis « il faut que tu rentres dans le docu car sinon je vais louper quelque chose». Donc ça a été assez marrant, je suis passé de pote qu’il a pas envie d’aider, parce qu’il est hyper strict, il ne veut pas mettre ses potes, à un acteur du projet. C’est pratique car comme ça on se voit plus et on est parti à New York avec Pedro (ndlr Winter). Ce projet est marrant, ça raconte l’Histoire et la crée en même temps parce que c’est comme ça que j’ai rencontré Pedro Winter d’Ed Banger et c’est comme ça qu’on est parti à New York avec Gabriel de Superpoze. Il y a tout un tas de trucs qui se créent grâce au documentaire, donc si ça se trouve il y aura un autre documentaire dans 20 ans et on dira « bah ouais y’avait ce gars qui tournait un documentaire et on s’est tous rencontrés comme ça », ce serait ouf.
Superpose, Boston Bun, Pedro Winter et Jacques
à l’avant-première French Waves à New-York
LVP : Et du coup il y a des concerts prévus un peu partout ?
Jacques : Avec French Waves on va partir à Buenos Aires en décembre, à New York en mars et ensuite on fait une tournée asiat’ : Séoul, Tokyo, Hong Kong.
LVP : Pas mal.
Jacques : C’est cool hein ?
LVP : Ouais ça c’est cool.
Jacques : C’est ouf.
LVP : Je suis un peu jalouse.
Jacques : Ouais c’est délire.
LVP : Maintenant j’ai des questions bonus, un peu nulles, mais j’ai quand même envie de savoir.
Jacques : Vas-y vas-y. (spot rouge qui apparait soudain sur la tête de Jacques) Ah t’as vu il y a une lumière de questions nulles. (rires)
LVP : (rires) Quel est ton bruit préféré ?
Jacques : Ca dépend des moments. En ce moment, c’est un truc que je fais avec la guitare, mais c’est un son en particulier. Ca ne va parler qu’aux musiciens mais tu peux le mettre : je mets ma guitare dans un pitcher en -7 puis je l’envoie dans une pédale de volume, qui me permet de faire varier le volume, puis dans une disto, puis dans un flanger, et ça c’est… (*tête du gars satisfait*).
LVP : C’est bien, les gars qui font du son vont être contents, les autres feront la gueule. (rires)
Jacques : (rires) Et sinon, il y a un bruit que je n’ai pas encore capturé mais j’en ai bien envie. Tu vas voir, c’est le genre de bruit, pour le capturer il faut vraiment être prévenu ou le faire exprès. C’est quand il y a une plaque d’égout un peu branlante qui se fait rouler dessus par une bagnole. Ça fait : *Jacques imite le bruit de la plaque d’égout branlante qui se fait rouler dessus par une bagnole*. Tu entends la résonance de l’espace qu’il y a entre la plaque d’égout et l’eau en dessous, et ça donne un super truc, c’est souvent la nuit donc imagines les pavés, les voitures… Ça fait : *Jacques imite le bruit de la plaque d’égout branlante qui se fait rouler dessus par une bagnole sur une route pavée la nuit*. À chaque fois je suis là : « ah putain j’l’ai pas eu ».
LVP : Trop tard.
Jacques : Donc voilà faudra que je fasse exprès…
LVP : Faut attendre des bus… devant une plaque d’égout…
Jacques : Avec ma perche comme un pêcheur. Enfin voilà, c’est ça mon bruit préféré.
LVP : C’est original, je ne m’attendais pas à ça. En même temps je ne m’attendais à rien vu que je ne savais pas. Et sinon, je suis un peu vieux jeu mais si tu as toujours un iPod, qu’est-ce que tu as dedans ?
Jacques : En ce moment j’écoute Erik Satie, un pianiste, c’est du classic jazz. C’est assez connu et si t’écoutes il y a forcément un morceau que tu connais qui était dans mille pubs. Sinon, très honnêtement, j’écoute un peu de Jul, tu vois ?
LVP : Ouais, j’en ai entendu parler, j’ai écouté deux secondes et j’ai compris que c’était pas pour moi mais je respecte. T’as quand même eu un petit sourire gêné en le disant. (rires)
Jacques : Ouais parce que c’est rigolo. Et en ce moment j’écoute les anciens Daft Punk pour comprendre comment ils en sont arrivés là. C’est quand même assez ouf Daft Punk. Et j’écoute vachement le top 50 US de Spotify, le top 50 mondial quoi, pour savoir ce que les gens écoutent, par curiosité mais aussi pour kiffer. Il y a quand même des morceaux qui sont bien nuls, mais il y a aussi de supers trucs, genre dans le top 5 il y a toujours un morceau qui déboite et que tu peux écouter en boucle. Et pour finir, je citerais un album de Basement Jaxx qui s’appelle Zephyr. Il est vraiment cool. C’est de la balle. *le bar du Botanique lance un remix de Walk on the Wild Side de Lou Reed* Et voilà, on est sur un petit atterrissage en douceur. Ah c’est un remix en plus !
LVP : Niveau timing on est bon en plus. D’ailleurs, toute la journée j’ai cherché une blague avec « Jacques a dit » mais je n’ai pas trouvé, et puis tout le monde te fait cette vanne non ?
Jacques : Non pas tant que ça. Par contre, il y a un morceau qui s’appelle Jacques a dit qui va sortir et dont j’ai inventé le concept, c’est pour ça qu’il s’appelle Jacques a dit. En fait, le concept ce n’est pas que ça s’appelle Jacques a dit et que j’ai inventé le concept, le concept c’est que c’est une accélération sans fin et que ça accélère tellement que ça revient au point de départ. Un peu comme une roue de bagnole qui accélère, accélère… Au bout d’un moment tu as l’impression qu’elle tourne à l’envers, c’est un peu pareil. Ça accélère tellement qu’au bout d’un moment ça devient lent dans le ressenti. C’est un morceau qui va sortir sur l’album de Polo & Pan, ce sont des potes et c’est assez bien ce qu’ils font, c’est assez ouf en fait, ça marche plutôt bien. Ils m’ont invité pour un feat et ils ont décidé d’appeler le morceau Jacques a dit. Donc je pense que ça va mettre un terme à la blague. (rires)
Temps de repos avant le concert complet du soir
Jacques a dit au revoir et s’en est allé à ses occupations. C’est quelques heures plus tard qu’on le retrouve sur la scène de l’Orangerie au Botanique à Bruxelles. Il entre en scène avec une chorégraphie à la Robocop. Vêtu de sa veste de jogging fétiche verte, il s’apprête à « faire un peu de musique » et lance son métronome, auquel s’ajoutent les bruitages d’une paire de ciseaux, d’une feuille de papier ou d’un tube en plastique… Une caméra filmant son phonochose nous permet de voir ce qu’on écoute. En effet, le spectacle est tout autant intrigant et hypnotique pour nos yeux que pour nos oreilles, car Jacques n’a aucun son préenregistré, mis à part les kicks, et fait tout en live en manipulant une ribambelle d’objets, des synthés et sa guitare. Le live aura duré 1h30 non stop (une chanson d’1h30, qui dit mieux ?). On ne voit pas le temps passer tant le set est en constante évolution, entre ajouts de nouveaux sons et transitions d’une harmonie à une autre. On remarque la technique bien rodée de Jacques pour faire monter la tension, assez subtilement, avant de balancer enfin le gros kick que tout le monde réclame. C’est d’ailleurs durant la deuxième moitié du concert qu’il réalise une de ces “éruptions électroniques” des plus exaltantes, et que comme surpris lui même par ce qu’il vient de faire, il se met à danser frénétiquement à la Ian Curtis. A l’échelle du set dans son entièreté, on peut relever la même montée en puissance : un début relativement calme amené judicieusement vers une fin beaucoup plus brutale. Le concert affiche complet et le public présent dans la salle a l’air plutôt ouvert et réceptif aux passages plus expérimentaux. Tandis que certains sont curieux et attentifs, d’autres sont en transe et dansent comme ça leur vient. L’expérience Jacques est à faire, que tu viennes simplement pour te défouler sur de la bonne musique ou pour assister plus attentivement à cette performance qui est de faire chanter les objets. Si tu n’as pas réussi à te dégoter une place pour cette fois, pas de panique, il a promis qu’il reviendrait « jouer une chanson à l’occasion ».
Jacques jouera au Reflektor (Liège) le 30 novembre.
Article co-écrit avec Valentin Debernard.
Burgerophile accomplie accro à Alex Turner et à sa bande, même s’ils se la jouent.