Trois ans se sont écoulés depuis la sortie du premier, et terriblement excitant, album de Jagwar Ma, Howlin.
Un premier effort qui a pris tout le monde de court par sa force de frappe et sa puissance musicale dévastatrice. Mélange entre modernité de studios et le son de Madchester, le premier album des plus européens des Australiens (ils ont enregistré leur premier album en France et effectuent le mixage à Londres) avait été adoubé par The XX, Foals ou encore Noel Gallagher. Ils avaient ainsi transformé un album, à la base uniquement pensé pour le studio, en une véritable machine à danser en live. Devenus des bêtes de scènes, ce qui s’est confirmé cet été avec un concert dévastateur aux Nuits Secrètes, ils reviennent faire bouger nos fesses et nos cheveux avec Every now and then. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’on est conquis : décryptage d’un album à côté duquel vous ne pourrez pas passer.
A l’écoute de l’album, une chose est évidente : le groupe s’est nourri de ses tournées et de ses expériences scéniques pour concocter ce disque. L’opus, par rapport à leur premier effort, gagne en profondeur, en puissance et en âme. Plus tourné vers la cohésion du groupe et l’idée de transporter les chansons sur scène, il gagne en efficacité.
L’album n’est d’ailleurs clairement pas taillé pour un succès radio, la grande majorité des chansons durent entre 5 et 7 minutes, et s’enchainent sans pause réelle, donnant un sentiment de continuité assez plaisant.
Et le groupe a décidé de faire les choses bien. Dès Falling et Say What You Feel, qui sonnent comme une entrée en douceur dans l’univers de cet album, on sent que le groupe n’a pas renié ses influences, ni son goût prononcé pour le psychédélisme pop (une influence partagée avec leurs compatriotes de Tame Impala). Cette fausse apparence de calme continue avec Loose Ends, qui elle, semble comme clairement influencée par les sons de Manchester, tout en restant uniquement et clairement identifiée comme une chanson de Jagwar Ma, par la grâce de la sublime voix de Gabriel Winterfield. Les choses s’emballent avec Give Me A Reason, tube en puissance de 7 minutes qui gagne en intensité au fil de la chanson et transforme peu à peu votre salon en dancefloor transpirant. Et quand Jagwar Ma veut vous faire danser, il le fait bien: c’est puissant, carré, intelligent, une vraie bonne chanson de pop-électronique sans temps mort.
Mais en réalité, le titre dure véritablement une bonne dizaine de minutes puisqu’il ne fait qu’un avec Don’t Be So Hard. Ces deux chansons marquent une pierre angulaire de l’album, une espèce de transition grandiose entre le calme et la tempête. Et la tempête continue à gronder avec l’excellente Ordinary. Avec ce genre de morceaux, on imagine déjà le groupe retourner les salles du monde entier, c’est clairement imparable, et on en redemande encore et encore. On est finalement assez bien servis avec la très bonne Batter Up. Puis apparait OB1, premier single dévoilé, et là encore c’est un véritable tube que nous livre le trio, qui bascule de plus en plus dans un son électronique au cours de cet album. Les pieds ne peuvent plus s’empêcher de bouger, la fête bat à son plein. Et après la tempête, que peuvent nous offrir les Australiens ? Et bien le rêve, tout simplement. On est à la fin du second acte de cet album tant attendu qui ne cesse donc de nous surprendre.
A partir de Slipping, le groupe bascule définitivement dans une electro pure, profonde et rêveuse, donc. L’enchainement est risqué mais réalisé avec tellement de brio qu’il ne peut que nous emporter. Slipping est une invitation au rêve et à la transe, qui tranche radicalement avec High Rotations, à l’instrumentalisation plus sombre et étrange,qui nous fait étrangement penser à Soulwax dans ses sons plus dark. La chanson en devient presque étouffante au fur et à mesure de l’écoute. On bascule du rêve au cauchemar, ou un retour d’acide assez brutal, mais toujours aussi maitrisé. Et là encore, on note une prise de risque immence avec Don’t Make It Right, sorte d’interlude rêveuse et cotonneuse, mais qui coule tellement de source qu’elle sonne comme une évidence. Colours of Paradise, viendra marquer la dernière estocade, le coup de grâce de cet album grandiose et ambitieux.
Avec Every Now And Then, les princes sont donc devenus des rois. Leur second long format est une merveille en trois actes, un album dense, puissant et intelligent. Les bonhommes transforment allégrement l’essai d’un premier opus déjà merveilleux.
Futur maître du monde en formation.
En attendant, chevalier servant de la pop francophone.