“J’aime faire danser, j’aime faire pleurer” : le charme des contrastes avec Zaho de Sagazan
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Auteur·ice : Joséphine Petit
13/06/2022

“J’aime faire danser, j’aime faire pleurer” : le charme des contrastes avec Zaho de Sagazan

Il y a quelques jours, nous étions à Toulouse pour la fin de semaine la plus attendue de l’année. Le Weekend des Curiosités reprenait du service pour faire danser la ville rose jusqu’au bout de la nuit. Nous en avons profité pour rencontrer Zaho de Sagazan, dont le nom court fiévreusement sur toutes les lèvres depuis quelques mois. Avec seulement deux titres à l’écoute, notamment le sublime Suffisamment sorti la semaine dernière, il faut encore se presser dans les salles de concerts pour la découvrir. Que chaque personne l’ayant déjà vue sur scène le reconnaisse : si l’artiste semble avoir sauté quelques classes par sa maîtrise du live, on joue ici dans la cour des grand·es de l’interprétation. 

La Vague Parallèle : Salut Zaho, on se retrouve juste après ton concert au Weekend des Curiosités, comment vas-tu aujourd’hui ?

Zaho de Sagazan : Très bien ! J’ai beaucoup transpiré, car il fait très chaud et humide, mais c’était très cool. C’est la première fois que je joue dans un festival où il fait encore jour, avec cette ambiance un peu typique. Les gens étaient vraiment cools, c’était épique !

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle. Tu peux nous présenter un peu ton projet ?

Zaho : Je m’appelle Zaho de Sagazan et j’ai vingt-deux ans. J’essaie de mixer la chanson française avec l’électronique et de trouver une justesse entre les deux. J’aime faire danser, j’aime faire pleurer. Donc j’essaie de faire les deux. C’est un projet assez sombre, dark et intense.

LVP : Tu nous racontes comment tout a commencé pour toi ?

Zaho : Tout a commencé avec un piano. Quand j’avais quatorze ans, j’ai arrêté la danse, posé mes mains sur le piano du salon et je ne les ai plus jamais enlevées. J’écoutais beaucoup Tom Odell à l’époque. J’avais envie de faire comme lui et j’ai adoré dès le début. Je ne me suis plus arrêtée, j’ai fait ça tous les jours non-stop. C’est d’abord une histoire d’amour entre le piano et moi.

LVP : Il y a une réelle émulsion autour de ton projet, en particulier parce qu’un seul titre est sorti pour le moment. Tu présentes donc essentiellement tes morceaux sur scène. Pour toi, c’est plutôt un défi, ou bien ça a un côté rassurant que les gens découvrent tes chansons en live ?

Zaho : Ça me rassure, oui. J’adore me dire qu’ils arrivent sans attentes, ni rien savoir de ce que c’est, malgré mon Instagram où on trouve deux-trois stories. Je sais que ça va être génial quand les gens connaîtront par cœur, mais là c’est à la fois un défi et un plaisir monstre de pouvoir les étonner. J’adore l’idée de les surprendre, de voir leurs visages découvrir quelque chose de nouveau. Et j’aime aussi voir les mêmes personnes revenir, parce qu’elles ne peuvent pas écouter les morceaux autrement.

LVP : Finalement, le fait de présenter tes morceaux au public toi-même, ça te permet d’y inclure une autre dimension : celle de l’interprétation.

Zaho : Carrément ! Tous les artistes qui m’ont inspirée sont des gens qui interprètent beaucoup, comme Brel, Stromae, Catherine Ringer, ou encore Brigitte Fontaine. Ils sont dans le jeu et dans l’idée de raconter une histoire par les mots, mais aussi par l’expression du visage et du corps. C’est quelque chose qui me parle. C’est pour cela que j’aime autant la scène : un morceau peut bien sonner dans les écouteurs et prendre une toute autre dimension en concert. 

LVP : D’ailleurs, tu défends en live un morceau qui parle du rapport à son propre corps. Jouer devant un public, c’est quelque chose qui t’aide à accepter ton corps à toi ?

Zaho : À l’inverse, je crois que c’est quelque chose qui renforce le sentiment, parce que je dois tout faire pour oublier ce corps que les gens regardent. Je dois me répéter d’arrêter de penser à ce à quoi je ressemble, et me concentrer plus sur ce que je dégage. Puis, après le live, il y a toute la dimension de se voir dans les stories. Je me dis chaque fois que je dois changer de coupe, que rien ne va, etc. Je suis control freak de l’image, ça ne m’aide pas vraiment. En revanche, ça m’aide à me dire qu’il est temps qu’il faut que je me sente bien dans mon corps. Typiquement, j’essaie d’arrêter l’alcool et de me mettre au sport pour me sentir mieux.

LVP : Tu es très présente sur les réseaux sur lesquels tu as une réelle communauté. C’est un moyen pour toi de connecter avec ton public ?

Zaho : Complètement ! C’est la seule chose qui me connecte avec mon public. Ça me permet déjà de communiquer sur mes dates de concert. Puis, c’est souvent compliqué quand tu sors ton premier morceau, peu de gens écoutent. Là, comme j’avais fait plusieurs vidéos, que ça faisait longtemps que j’étais sur Instagram et que je m’amusais un peu avec toutes ces choses, j’ai réussi à avoir des gens qui m’ont suivie et qui ont écouté. J’ai effectivement ma petite communauté Instagram, et je me concentre d’abord sur les concerts, ce qui me permet de ramener un peu de monde autour de moi avant de sortir tout le reste.

LVP : Sur scène, ton projet prend de la hauteur par l’énergie que tu mets dedans, on sent que tu vis tes morceaux autant que tu les chantes. C’est un espace où tu te sens à l’aise ?

Zaho : Oui, je ne ressens aucun stress. Chaque fois, je n’ai qu’une seule hâte, c’est de monter, sans aucune envie de redescendre. J’adore la scène !

LVP : Justement par l’énergie que tu donnes sur scène, Il y a un aspect presque théâtral dans ton interprétation. Zaho sur scène, c’est toi dans la vraie vie, ou bien tu as créé un personnage dont tu enfiles la peau chaque fois que tu joues ?

Zaho : Je pense que le fait de monter sur scène demande une certaine confiance en soi. Je suis dans quelque chose de théâtral. C’est moi, évidemment, mais c’est une partie de moi que je n’ai pas du tout dans la vraie vie. Ça reste pour autant profondément moi, et aussi c’est pour ça que j’aime autant monter sur scène. Le seul moyen pour moi de découvrir cette personnalité, c’est de jouer sur scène, et j’adore ça. C’est une personne qui a beaucoup plus confiance, qui est très cynique, et qui regarde les gens en sachant qu’elle va les manipuler. Je vois mon personnage un peu comme une sirène, qui vient charmer et confondre les gens. Je ne suis pas du tout comme ça dans la vraie vie. Je suis quelqu’un de timide, de très gentil et qui déteste les gens prétentieux qui ont trop confiance en eux. Bref, je suis tout le contraire (rires) ! Avant de monter sur scène, j’ai besoin de rentrer dans ce personnage. Ça passe souvent par le regard.

Zaho de Sagazan au Weekend des Curiosités © Louis Derigon

LVP : Tu as sorti le titre La déraison il y a quelques mois, et pourtant tu ne le joues pas sur scène. C’est un piano voix qui ressemble moins à ce que tu chantes en concert. Pour toi, il y a une différence entre ce qui est adapté au studio et au live ?

Zaho : C’est surtout adapté ou non à la scène quand on n’a que trente minutes de set. On joue au Point Ephémère dans une semaine avec un set d’une heure, et ce morceau y sera. Pour l’instant, je fais plutôt des premières parties, et j’aime bien faire danser les gens. Je joue déjà une autre chanson plutôt douce qui s’appelle Suffisamment et pour laquelle je laisse de la place car je la préfère. Je pense que La déraison est une chanson très jolie et qui a sa place sur scène, mais pas en trente minutes.

LVP : Les Bars en Trans, le Prix Chorus, les iNOUïS du Printemps de Bourges Crédit Mutuel, le Chantier des Francos : on sent que les choses s’accélèrent pour toi cette année. Comment as-tu vécu ces derniers mois ?

Zaho : Très bien. Mine de rien, je suis quand même plus heureuse qu’avant. Principalement parce qu’on fait de la scène et que c’est ce que je préfère. Avant tout ça, je ne faisais que de petites choses sur Instagram, j’étais seulement dans le rêve d’imaginer qu’un jour je puisse faire ça de ma vie. Enfin, j’étais aussi auxiliaire de vie, donc je faisais de la musique, mais je lavais pas mal de fesses aussi (rires). Depuis le mois d’octobre, je vis de tout ça, c’est super. C’est dense, et en même temps, ça ne va pas non plus trop vite. On prend le temps de découvrir la scène. C’est un bon terrain de jeu. Maintenant, il est temps de sortir des morceaux.

LVP : Justement, c’est quoi la suite pour ton projet ?

Zaho : La suite, ce sont des morceaux à sortir et un album, notamment Suffisamment, qui est une chanson d’amour. Il y aura aussi une live session, filmée avec mon meilleur ami.

 

LVP : Il y aura des clips pour les prochains morceaux ? J’ai l’impression que ton projet a quelque chose de très visuel aussi.

Zaho : J’aime beaucoup le visuel effectivement. Mais comme je l’ai dit, je suis un peu control freak, et on ne peut pas être doué dans tout. Les clips m’intéressent beaucoup, j’ai plein de références au cinéma et j’adore aussi la peinture. Mais je sens que je n’ai pas encore rencontré mes âmes sœurs en direction visuelle, là où en musique mon entourage est déjà parfait.

LVP : On lance donc un appel avec cette interview !

Zaho : Voilà, ceux qui aiment Lynch et tout le tralala, venez me chercher ! (rires)

LVP : Ça représente quoi pour toi de jouer au Weekend des Curiosités ?

Zaho : Je connais très peu de festivals, je n’en ai pas beaucoup fait dans ma vie. J’allais tout le temps aux Escales, parce que c’était dans ma ville, et que j’y vais depuis mes trois ans. J’ai aussi fait quelques festivals en Allemagne, mais très peu en France. Donc ça fait encore partie de mes découvertes. Je n’étais encore jamais venue à Toulouse non plus, je suis ravie !

LVP : Pour finir, quel est ton artiste coup de cœur dans la programmation du Weekend des Curiosités cette année ?

Zaho : J’aime beaucoup November Ultra, qui a une voix et des mélodies sublimes. Puis j’adore Lulu Van Trapp aussi. Ils ont une super énergie et sont très généreux sur scène !

 

S’il y a une date à bloquer dans votre calendrier, c’est bien ce mercredi 15 juin au Point Ephémère à Paris. Nul doute que ce concert s’annonce mémorable.

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