Jeff Mills – Electrosymphony
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Auteur·ice : Jakob Rajky
05/12/2015

Jeff Mills – Electrosymphony

Voilà, le tour de la galaxie en une heure et trente minutes, trop court, bien trop court. 10 planètes, en lieu et place des 7 d’origine, celles de la première version de “Planets”, par Gustav Holst. Alors forcément on a le tournis. Une galaxie en un soir, ça laisse des marques.

On a chaud, on a froid, et on a surtout une envie irrévérencieuse de taper des mains dès la première partie du concert, et cette interprétation magistrale du “Chairman Dances” de John Adams.

Les applaudissements sont ceux d’une fin de concert, comme pour signifier que l’alchimie opère déjà.

L’orchestre seul annonce le départ.

Mercure, où se mêle le chaud et le froid, ouvre le bal. Course effrénée autour du soleil, les Cuivres prennent d’assaut les cymbales de Jeff Mills pour finir dans un climax cette visite furtive de la planète la plus rapide de notre système.

Piano lascif et Marimba, pas de doute, la belle Venus fait son entrée, accompagnée de lumières douces et porteuse de son message de paix.

L’autorité du basson nous amène à fermer les yeux, ils le resteront par intermittence durant le reste de la représentation.

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La Terre, planète manquante de l’oeuvre de Holst ; page vierge d’interprétation pour Jeff Mills, nous enthousiasme par sa cohérence matérielle,

Terre primitive où l’entièreté de l’orchestre dépeint un environnement végétal de par ses Vents mélodieux, puissant de par ses Cuivres à basse tonalité.

Un tout qui n’est pas sans rappeler le matiérisme cher à Dubuffet.

L’atmosphère s’épaissit brusquement, Mars est amené par la troisième boucle intermédiaire de la pièce, le temps suspend son cours, les yeux toujours fermés, le dos se plaque contre le siège, et c’est d’une joie mêlée de terreur que le dieu de la Guerre nous emporte définitivement, exit l’auditorium, les nappes de synthéthiseur parfont un Sol repris par l’orchestre tout entier dans un solo de trompette céleste.

Jupiter la légère, amas de gaz sans consistance véritable, entre dans la danse. Frivole, lumineuse, la trompette continue son solo sur un léger piano à 4 mains. Le dos s’est relâché, le siège paraît flotter. Le bien-être se fait sentir dans un crescendo des premiers violons. Titan frappe à la porte.

Seul satellite représenté, ses grands accords annonciateurs du Messager se lient aux Vents subtils, les violons cycliques rappelant les anneaux de l’astre.

Uranus, sans dessus dessous, seule planète roulant sur son orbite. Uranus l’effrontée, menée par les tambours et le piano nous offre toute sa désobéissance.

Neptune, astre glacial, l’insaisissable, nous est chuchotée par les Cordes et les Bois. Le piano, assemblant le tout, nous laisse de marbre.

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Vient alors la dernière boucle avant Pluton. Jeff Mills nous gratifie d’une improvisation de TR-909, ses cymbales résonnent, l’univers se matérialise autour de nous. Le peintre entre en transe, le xylophone achève le mouvement le plus poignant du concert.

La Reine Naine ferme donc la marche, ses Vents, d’une mélancolie collective, laissent place aux cuivres silencieux, les violons s’éteignent, l’univers s’éloigne.

La fin est proche.

Pas moins de quatre ovations scelleront le voyage d’un soir. Moment poignant qu’est la dernière, dirigée vers Christophe Mangou, Sylvain Griotto et Jeff Mills.

On louera l’aptitude de Jeff Mills à s’effacer et n’être qu’accompagnateur, la capacité de cross-over de Christophe Mangou, qui nous prouve une nouvelle fois qu’il est un pont entre les genres, scientifique musical et frénétique innovateur tous styles confondus.

Une mention spéciale au peintre aussi, Mathias Duhamel, VJ d’un autre temps qui complète avec brio l’habillage scènique de la pièce.

Et un constat : Jeff Mills a bien plus influencé le développement de la techno que quiconque dans n’importe quel autre genre.

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