C’est entre la France et les États-Unis que Jazzboy a pris le temps de façonner sa musique et de lui donner vie. Après avoir dévoilé quelques morceaux et autant de clips qui laissaient entrevoir un univers fascinant, Jazzboy est de retour avec Jesus Jazz, une oeuvre de sept titres qu’on comparerait volontiers à une pièce de théâtre pop. On vous explique.
Quand il s’agit de musique, l’équation est simple. Qu’on la tourne ou qu’on la retourne, il n’y est jamais question que d’un jeu de sons et de silences orchestrés de manière plus ou moins savante et tous destinés à finir leur course dans un même organe, l’oreille. Au passage, ils occasionnent bien sûr des dommages collatéraux ici et là, dorlotent le cœur ou le malmènent sans ménagement, font frissonner l’âme ou la repoussent au contraire… Pour ce qui est des autres sens, il faut bien souvent repasser et s’en remettre à d’autres disciplines pour espérer les chatouiller. C’est d’ailleurs ici que réside le prochain grand défi de la musique qui, pour se renouveler et se réinventer, devra se libérer et investir d’autres champs d’expression. La tâche s’annonce immense, mais on a de bonnes raisons de croire que Jazzboy est sur le coup.
Lorsqu’il est apparu dans nos radars, Jazzboy n’était encore qu’une ébauche. Un croquis prometteur esquissé sur ordinateur dans un grenier il y a bien des années, peut-être même stocké sur une disquette et en tout cas condamné, à l’époque, à demeurer la face cachée de la personnalité artistique de Jules Cassignol. Il y a quelques mois, le Toulousain a exhumé cette partie de son âme, lui a donné un nom et s’est décidé à lui donner, enfin, l’existence qu’elle mérite. Il lui a d’abord offert un univers aux couleurs vives et à l’imagerie hallucinée avec Jazzboy, Bored In Bora-Bora et Harlem, avant d’en poser l’acte de naissance officiel, Jesus Jazz, premier extrait éponyme du disque de Jazzboy.
Trop courte pour être qualifiée d’album, trop longue pour être réduite à un EP, Jesus Jazz n’est de toute façon pas une oeuvre strictement musicale. Elle n’est d’ailleurs pas un disque à proprement parler puisqu’elle n’a pas d’existence physique et n’est disponible que sur la Toile et surtout, elle s’incarne dans les concerts et dans les clips de Jazzboy tout autant que dans sa musique. Ce qui peut sembler anecdotique est pourtant révélateur de l’essence même de la musique du Toulousain : la liberté. La liberté de décréter que la seule boussole à suivre est celle d’un irrépressible besoin de s’exprimer, celle qui consiste à accepter que la musique ne se vit pas qu’avec les oreilles et celle, surtout, d’explorer sans relâche pour proposer une oeuvre originale, en quatre dimensions.
Jesus Jazz est un étrange polyptyque dont les pans s’enrichissent mutuellement et dévoilent leurs secrets à mesure qu’on les installe les uns à côté des autres, une pièce de théâtre dont les actes constituent autant d’étapes du cheminement métaphysique
Car cette oeuvre, Jazzboy l’a pensée comme un tout, comme un étrange polyptyque dont les pans s’enrichissent mutuellement et dévoilent leurs secrets à mesure qu’on les installe les uns à côté des autres, comme une pièce de théâtre dont les actes constituent autant d’étapes du cheminement métaphysique. Jazz In en constitue le lever de rideau. Ses orgues sépulcraux, ses incantations vocodées et son poème liminaire instaurent la mythologie d’un univers surréaliste à l’aura quasi-mystique dans lequel images, sons et imagination se superposent dans une atmosphère vaporeuse. Vient ensuite l’évidente scène d’exposition, Jesus Jazz, dont le rythme saccadé et les synthés hauts perchés contribuent tout autant à définir l’identité de Jazzboy que le récit de ses morbides aventures. Romeo fait office de premier acte pop, tandis que Just Like We Did It (Dr1gs) et Goodbye (Dr2gs) sont les deux versants d’un même monologue sur la drogue, le premier symbolisant la curiosité, l’exaltation et la soif de découverte, le second reflétant la descente, la nostalgie et l’amertume. Avec sa grosse basse, ses claviers burlesques et sa mélodie plus dansante, 4ever évoque presque une comédie musicale qui rassemblerait les dimensions musicales et visuelles de l’oeuvre de Jazzboy. Enfin, Jazz Out ménage une sortie de scène apaisée pour Jazzboy, dont l’âme semble avoir quitté le corps au son des claviers et de la voix de sa muse, Lucie Garrigues.
Avec Jesus Jazz, Jazzboy parvient donc à ériger une œuvre qui mêle musique, cinéma, théâtre, et arts vivants, une œuvre en quatre dimensions dont il module en outre les contours dans le cadre des Jazzodromes, ses soirées parisiennes. On ne peut que lui souhaiter de continuer à nous surprendre et de surprendre lui-même en arpentant sans cesse les sentiers de la création.
Pratiquant assidu du headbang nonchalant en milieu festif. Je dégaine mon stylo entre deux mouvements de tête.