Jimmy Whoo vous offre un séjour obscur et sensuel dans son Motel Music Part. lll
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
25/07/2022

Jimmy Whoo vous offre un séjour obscur et sensuel dans son Motel Music Part. lll

On vous propose aujourd’hui d’entrer dans un motel musical. Le hasard faisant bien les choses, c’est dans l’établissement de Jimmy Whoo que vous vous retrouvez. Après avoir façonné une musique qu’il a appelée lui-même Motel Music à l’image de sa cinématographie, l’artiste nous offre un troisième opus de musique de chambre onirique et charnelle. Motel Music Part. III vient agrémenter sa discographie, bouclant la boucle, ou plutôt la bobine. On a passé quelques nuits avec cet album pour vous en décrire l’atmosphère. 

Le premier opus de la série posait un cadre sombre et sensuel mais aussi rêveur, qui se démarquait par l’ingéniosité de ses constructions musicales. On avait pu en apprécier les prémices avec Chambre 51, dont le thème ne vous surprendra point, avec des titres comme On My Fancy Bed ft. Sabrina Bellaouel, Room Service ou Burn a Car ft. Bonnie Banane. Il ouvrait déjà la voie à ces espaces intimes utilisés comme de belles opportunités esthétiques au cinéma, mais avec une touche plus house et mystique. Arrivait alors en 2015 Motel Music Part l., funk, bien qu’aérien – précurseur de tout ce qui suivra.

Dans Motel Music Part. Il, on retrouvait le grandiose Cruisin’ qui a pas mal tourné de notre côté du globe, invitant alors au voyage jazz, electro, soul, trip-hop. Toutes les influences qu’il nous fallait pour être intrigué·es, ainsi que ce petit côté américain vintage qu’on peut voir dans le court-métrage qui l’accompagne. Mais si ce deuxième album a retenu notre attention, c’est son petit frère, hors-série de la saga “Motel Music”, qui avait toutes les clés en main pour nous transcender. Basic Instinct, de son petit nom, arborait une pochette qui a dû provoquer une syncope chez les fans de design – y compris nous-mêmes -, dévoilant les trois couleurs qui serviront par la suite à l’artiste. Blue Orange Green, comme le dit la chanson : “colors, of my dreams“. Pas un seul son à jeter, beaucoup de velours pour les oreilles et de caresses pour l’esprit mais aussi du groove qui permet la bonne quantité de sex appeal. Disco Ball, Basic Instinct, des masterpieces qui n’ont jamais quitté nos oreilles.

Pour ce dernier projet, l’artiste se fait plus discret, avec un huit titres moins percutant mais plus introspectif. L’ambiance se fait connaître dès le morceau Intro Ciel Rouge, qu’on pourrait aisément apercevoir dans une BO de film. Ce qui est d’autant plus logique puisque l’artiste a composé la BO du documentaire Ghost Song. On y retrouve l’esprit de certaines œuvres cinématographiques connues pour leurs néons et couleurs saturées et des synthés omniprésents dans leur BO : Drive, Lost River, etc.

Devil in My Heart a particulièrement retenu notre attention. C’est d’ailleurs un des rares singles sortis avant l’album. Il appelle un pouvoir sombre qui jusque-là restait enfoui en nous. Un saxophone envoûtant, presque létal, se cache sous les nappes de production pour nous attirer lentement vers lui. On peut y entendre d’une voix étouffée : “I channel the devil in my heart“. “See the beauty in your heart“. Ce n’est pas souvent qu’on nous autorise à pratiquer le slow avec le diable. On y retrouve également Lomboy, qui fait partie des collaborations qu’affectionne particulièrement l’artiste,  avec le Chromaticsesque Get With Me.

Mention spéciale pour le super titre dont Muddy Monk partage l’affiche, Aqua, qui nous emmène dans les profondeurs de l’eau et ce, de la première à la dernière note, comme une douce apnée. “J’maudis mon cœur, ton corps me manque”, aussi efficace qu’un poignard dans le cœur. Au moyen d’ultrasons, de synthés très légèrement dosés et de samples en tout genre, la production nous entoure d’une bulle d’oxygène qui traverserait les océans jusqu’à trouver son amour perdu. Coïncidence ou non, les deux artistes arborent chacun un titre appelé Satin Dolls dans leur dernier projet. On rêve secrètement que ce titre fasse référence au standard de jazz du (presque) même nom. Quoi qu’il en soit, il faudrait presque un album entier pour exploiter le potentiel du duo. On peut toujours espérer, right ?

La force de ce 8 titres : l’obscurité planante qui semble être influencée par la recherche musicale de Ghost Song. Il se voit gracié de voix célestes dont les effets vont un cran plus loin que les précédents opus, le synthé analogique toujours, comme une union qui a pris racine dans l’ADN musical de Jimmy Whoo. Cette intensité nous fait vivre chaque album comme une œuvre de cinéma, et rend le son de l’artiste reconnaissable entre mille.

Toutes ces caractéristiques sont cumulées et se vérifient dans cette dernière partie de motel music, Chapel Of Love. Nul besoin d’un clip pour visualiser ce titre, son univers est automatiquement dépeint dans notre tête pour finir l’album comme il se doit. Vous êtes maintenant dans un motel américain, il a plu, les néons du signe lumineux se reflètent sur le macadam brillant. Dehors, ça sent l’été et l’orage. Vous êtes seul·e dans ce lit miteux, les rideaux entrouverts laissent passer les lumières artificielles pour vous en laisser une marque sur le visage. Vous attendez votre amant·e, qui ne viendra jamais.


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