| Photos : Melissa Fauve Anzalone pour La Vague Parallèle
Son nom n’a peut-être pas encore atteint vos oreilles. Pourtant, sur scène, elle fait déjà tout comme une grande star. Julia Sabaté, notre dernière découverte pop, envoute celles et ceux qui croisent son chemin de par ses mélodies puissantes et ses textes crus. À l’intersection entre l’Espagne et les Pays-Bas, la jeune chanteuse navigue les sonorités électropop et nous délivre les pages les plus secrètes de son journal intime.
Quelques instants après être descendue de scène au Pukkelpop, nous l’avons rencontrée afin d’échanger quelques mots sur la musique, les émotions, et les relations à distance.
La Vague Parallèle: Bonjour Julia, comment vas-tu ?
Julia Sabaté : Je vais super bien, merci beaucoup !
LVP : Comment s’est passé le show pour toi ?
Julia : C’était super, on a mis beaucoup d’énergie dans ce show et les personnes qui étaient là partageaient ça avec nous, c’était un super sentiment du début à la fin.
LVP : Tu as une chanson favorite quand tu es sur scène ?
Julia : La chanson que je préfère jouer live est DALIA, parce que c’est une chanson pour laquelle je donne tout ce que j’ai en moi, et après j’ai envie de faire un break. Même si en réalité je ne peux pas faire de break, mais c’est cette sensation de tout donner, quand l’intensité monte et qu’on a l’impression qu’on ne peut plus continuer mais on peut quand même, pour moi c’est comme l’ivresse des coureur·euses.
LVP : Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Julia : Bien sûr ! Moi c’est Julia, et je fais de la pop en espagnol. Ma maman vient de Barcelone et mon papa des Pays-Bas. Je travaille avec Coen et Ruben qui font tout avec moi, ils sont comme ma famille et on écrit tout ensemble. Notre musique est très orientée électro, avec des basses lourdes mais aussi quelques moments plus acoustiques, un peu plus personnels. C’est comme deux mondes qui collaborent.
LVP : Qu’est ce qui t’inspire quand tu écris ?
Julia : Lorsque je commence une chanson, que ce soit seule ou avec Ruben et Coen, cela commence toujours par une émotion. Souvent je ne sais pas exactement quels sujets je vais aborder mais j’essaye de sentir si je suis en colère, si je suis triste, si je suis très heureuse ou que je ne le suis pas. De cette émotion, je commence à écrire et ce sont les mots qui me dicteront le sujet. Parfois je ne sais pas vraiment ce qu’il se passe : je me sens mal mais je ne sais pas ce qui, ou qui, en est la cause… Parfois, c’est moi, et j’écris tout ça. C’est comme un journal intime, il y a certaines pages qu’on ne montre pas, mais je finis toujours par les montrer.
Parfois, ça fait un peu peur, il y a certaines pages que je garderais bien pour moi, mais en tant qu’artiste je pense que c’est important de partager ces moments vulnérables, parce que parfois on se retrouve dans un certain stade de notre vie, et cela peut inspirer des personnes qui traversent peut-être quelque chose de similaire. Souvent, les pages que j’écris et qui sont supposées restées secrètes sont celles que je finis par dévoiler.
LVP : Tu as cinq singles à ton actif, est-ce que tu as un projet plus conséquent qui se prépare ?
Julia : En effet, notre EP va sortir très prochainement. On a travaillé un an dessus et on va présenter les dernières chansons dans un futur proche. Toutes les chansons sont très personnelles, ce sont des chansons que je préférerais garder pour moi car les paroles sont très transparentes. Mais c’est le truc avec les Pays-Bas : le public ne comprend pas les chansons parce qu’il ne parle pas espagnol, donc je peux chanter là-bas parce que je sais que personne ne comprendra. C’est un EP sur ce que je n’ose pas dire sur le moment même, mais que j’ai envie de sortir de moi.
Et sinon, j’aimerais partir vivre en Espagne. C’est un rêve pour moi d’y aller pour quelques mois et d’écrire un album là-bas avec Ruben et Coen. J’espère que l’année prochaine on aura un bon album à présenter.
LVP : Est-ce que tu ressens une grande différence quand tu te produis en Espagne ?
Julia : La grande différence est qu’en Espagne, les gens peuvent me comprendre, donc les interactions sont différentes avec le public : les gens réagissent à ce que je dis. Aux Pays-Bas, les gens connectent plus avec l’énergie que je donne, et parfois tu n’as pas besoin de comprendre la langue pour ressentir l’énergie … et je trouve ça magnifique.
LVP : Chanter en espagnol te permet de te confier plus facilement ?
Julia : Pour moi, l’espagnol c’est la langue des émotions. Dans ma famille on a toujours parlé espagnol, et quand je faisais quelque chose de bien, ou au contraire qu’il y avait un problème, ma maman choisissais toujours l’espagnol pour faire valoir son argument. En néerlandais, les mots n’ont pas le même impact. Il y a une émotion dans la langue espagnole que j’ai envie de poursuivre.
LVP : On a aussi essayé de traduire quelques unes de tes chansons comme Tu Planeta, est-ce que tu peux éclairer notre lanterne sur le sujet ?
Julia : Tu Planeta parle d’une relation longue distance, et donc la distance entre l’Espagne et les Pays-Bas, et cette impression de constamment laisser quelque chose derrière moi. Je jongle entre ces deux mondes, je dois toujours quitter quelqu’un·e et je sais que quand je reviens, les choses ne seront plus pareilles. Les gens t’oublient, ou l’alchimie entre vous n’est plus la même. Cette chanson parle de ça et de la peine que je ressens quand je dois embarquer dans l’avion.
LVP : Tu as un background en musique classique, est-ce que cela influence beaucoup la manière dont tu travailles aujourd’hui ?
Julia : Oui de temps en temps. J’ai grandis dans la musique classique et la technique, et l’une des choses les plus importantes était de jouer dans un ensemble avec un orchestre et de s’écouter, de suivre le·a chef·fe d’orchestre. Aujourd’hui, j’ai un peu un rôle de cheffe d’orchestre avec mon groupe et je pense que ma formation m’aide à diriger, à dire au groupe “Maintenant on va dans cette direction”. C’est très important de s’avoir s’écouter et d’être au courant de tout ce qu’il se passe autour de toi. Aujourd’hui, notre batteur a fait tomber sa cymbale sur le sol, juste en se regardant on a su lui communiquer que le show devait continuer et qu’il allait devoir se débrouiller sans nous.
LVP : Tu as un style musical assez pétillant, alors que tes paroles sont plutôt tristes ou mélancoliques, comment tu trouves le bon équilibre entre les deux ?
Julia : Je pense que dans la vie, si tout est toujours lourd ou intense, le fun s’en va. Il faut jouer avec les contrastes, les choses sont assez lourdes de sens quand on les dit, il n’y a pas besoin de rajouter une expression de visage mécontente en plus. Pourquoi ne pas exprimer tes sentiments avec un sourire sur ton visage ? C’est ce que j’essaie de faire avec la musique : je ne veux pas aller dans quelque chose de trop sombre, même si j’aime parler de ces sujets plus sombres, je le fais avec le sourire pour que ce soit moins intense.
LVP : Merci beaucoup Julia pour cette interview !
Julia : Merci à vous !
Ma playlist est aussi bipolaire que moi. J’aime le metal, le sang et les boyaux, tant que ça reste vegan.